La ronde voudrait parfois être une toute petite chose...
Elle envie depuis toujours ses copines - pour la plupart belles et minces - qui, lorsqu'elles pleurent, attirent les garçons comme des abeilles sur un pot de miel. Une fille qui pleure est si "touchante", confient-ils, se transformant en guimauves ridicules.
La ronde, quand elle pleure, a le sentiment pour sa part d'être juste pathétique. Contrairement à ses copines, ses yeux ne se contentent pas de se remplir de larmes, ils gonflent instantanément et deviennent aussi rouges que ceux des lapins albinos. D'étranges plaques roses et urticantes apparaissent ensuite ça et là sur son visage. Ne parlons pas de son nez qui bien sûr se met à couler abondamment. Les reniflements bruyants ainsi provoqués finissent d'anéantir l'aspect soit-disant romantique d'un chagrin de fille.
Les rares fois où la ronde s'est effondrée, ses amis garçons se sont donc en général contentés d'une grande claque dans le dos - la même qu'ils auraient probablement réservée à leur meilleur ami - ou pire, de lui tendre un verre d'alcool, sur le mode "bois un coup ça va passer tout ça". Passons sur les "pleure tu pisseras moins" censés la consoler. Rien à voir donc avec les cajoleries exaspérantes dont bénéficient les belles désespérées dès leur premier sanglot.
Condamnée à avoir le sens de l'humour - une grosse qui en est dépourvue est tout bonnement infréquentable - la ronde a donc pris le parti d'en rire un peu plus que les autres, les dents serrées parfois.