Depuis quelques jours, mes petits ont pris leurs quartiers d'été. Ne pas dire la sensation de liberté qui en découle serait un mensonge éhonté. Ne plus se sentir pressé le soir de rentrer. Décaler l'heure de réveil d'une heure au moins. N'avoir que soi à habiller, laver, coiffer. Même, oui, même, n'avoir que soi ou l'homme à écouter... Parce que deux enfants de six ans, ça parle. Tout le temps. Leur gémellité n'y est pas pour rien, il faut trouver sa place - toujours cette question de place -, pousser l'autre pour s'y mettre, raconter en premier, mieux, plus, plus fort, plus vite. Alors oui, au risque de passer pour une mère indigne, je l'avoue, je me repose. Je goûte ce silence. Je n'en reviens pas de pouvoir sur un coup de tête filer au cinéma, prendre un verre en terrasse ou manger trois bricoles sur un coin de table en regardant la télé.
Mais parfois, je sens au creux de mon ventre, le manque. Violent, imprévu, il arrive sans sommation. C'est un mélange de panique irraisonnée qu'il leur soit arrivé malheur et de besoin charnel de plonger mon visage dans leur cou pour respirer les effluves délicieux de leur cuir chevelu mouillé de sueur.
Un manque animal, tactile et charnel. Qui passe. Mais me rappelle à la réalité: ils sont sortis de moi il y a six ans. Ils sont sortis pour toujours, m'échapperont, s'envoleront. Mais personne ne pourra effacer de ma mémoire la douceur de leur peau d'enfant et l'odeur de leurs cheveux.