Voici donc la suite de ces jours où j'ai failli faire mon entrée dans le monde impitoyable de la jet set. Au cas où certains penseraient qu'il s'agit d'une interviouve à venir, je me dois de démentir, il est bien question de la chronique déjà passée sur Inter la semaine dernière. Je fais une sorte de flash back, quoi... Zoom arrière sur un instant fondateur, you see ?
Allez, repartons dans le temps...
Mardi
- 8h00: J'achète mon journal au kiosque à côté de chez moi. Je me demande si je continuerai à faire ce genre de chose, après. Le kiosquier me regarde à peine. Le pauvre, quand il saura, il regrettera sûrement de ne m'avoir pas plus prêté attention.
- 8h25: Je monte dans le 47.
- 8h26: Ce qui est sûr c'est que je prendrai toujours le bus. Je ne veux pas me couper des vrais gens. C'est dans cette réalité quotidienne que je trouve toute mon inspiration.
- 8h35: Une vieille dame vient de se planter devant moi, l'air mauvais. Elle veut la place assise. Vivement que j'aie mon chauffeur, les vrais gens c'est tout de même très chiant.
- 9h00: J'arrive à mon bureau, tous mes collègues sont là, à travailler, comme si de rien n'était. Mon patron me fait remarquer que je suis à l'heure et que ça se fête. Le pauvre, quand il saura.
- 9h45: A quoi bon continuer à travailler ? Dans quelques jours je n'aurai plus qu'à choisir entre la télé et la presse féminine. Je sens que ce sera difficile de départager ce petit monde. Tout ce que je sais c'est que TF1, jamais. Mougeotte, pas la peine de batailler t'auras jamais mon âme. Non, de toutes façons, je me suis toujours sentie très Canal. Daphné, Mlle Agnès et les autres, va falloir se serrer un peu sur le banc de la notoriété. Caro arrive...
- 11h00: Je crois que je vais aller me faire masser, là, tout de suite. Je n'arrive plus à regarder mes collègues en face, leur cacher la vérité c'est trop dûr. Et puis j'ai plein de tensions dans mon corps. Vivement que j'aie mon coach. Il parait que celui de Sophie Marceau fait des merveilles.
- 15h00: Mon patron voudrait me parler. Se doute-t-il de quelque chose ?
- 18h00: Je file en rasant les murs. Il faut que je me trouve une tenue correcte pour l'interview.
- 20h00: L'homme n'a pas l'air de comprendre qu'il me fallait ces ballerines Repetto à 120 euros pour l'interview. Il hurle les mots "téléphone" et "radio" comme s'il y avait un rapport.
- 20h30: "Mais bien sûr qu'il y a un rappooooooort!" vocifère-t-il.
- 23h00: Je tourne et retourne dans mon lit, je répète mon texte dans ma tête, j'ai peur.
Mercredi
- 6h00: C'est le grand jour. La gloire m'attend.
- 7h00: Mes toilettes aussi m'attendent. Je suis malade à crever. C'est ça aussi devenir une star. Après tout, Adjani vomit bien avant chaque entrée en scène...
- 7h00: Ok, la diarhée c'est moins glamour.
- 8h15: Je préfère ne pas trop me maquiller, je sens que D. aime les femmes au naturel.
- 13h00: Je m'éclipse du bureau et attends chez moi LE coup de téléphone qui changera ma vie.
- 15h00: D. n'a toujours pas appelé.
- 15h30: Je vérifie pour la 30ème fois que le téléphone est bien branché. Si ça se trouve c'est Free qui est en carafe. On n'aurait JAMAIS dû choisir le dégroupage total. C'était une erreur.
- 16h00: J'appelle l'homme et le remercie d'avoir très judicieusement choisi d'abandonner France Telecom quelques mois avant qu'on ne m'offre la chance unique de percer dans le monde des médias. Je l'avertis que je ne lui pardonnerai jamais de m'avoir fait rater la chance de ma vie. Tout ça pour économiser quelques malheureux centimes. ça manque de grandeur tout ça. Oui, parfaitement. Va falloir arrêter de jouer petit.
- 16h01: Double appel.
- 16h02: Je n'arrive pas à prendre ce putain de double appel.
- 16h03: Avant R1 et R2 ça marchait, merde. Je prépare mentalement une expédition punitive chez Free.
- 16h04: Je perds la ligne.
- 16h06: Je n'ai plus aucun ongle. Alors que je m'apprête à attaquer les phalanges le téléphone re-sonne.
- 16h07. C'est lui. D.
- 16h08: Je suis essouflée. Je suis assise, je n'ai pas bougé depuis trois heures et je suis essouflée.
- 16h10: Il faut dire que mon pouls dépasse allègrement les 150 pulsations minute. Alors forcément je manque d'air.
- 16h12: Je respire avec le ventre.
- 16h13: J'arrive finalement à m'exprimer. Plus je parle de moi, plus je me trouve intéressante.
- 16h15: J'adore ça. D. a l'air passionné par ma vie. C'est mille fois mieux que ma dernière séance chez mon rabat-joie de psy. Et en plus on paie pas à la fin. J'ai beau chercher je ne vois aucun mauvais côté à ma nouvelle vie.
- 16h16: On n'arrête pas de rire avec D., c'est incroyable ce qui se passe.
- 16h17: Il me dit que j'ai une voix de radio. Je meurs d'envie de lui demander de me pistonner. Mais je ne le ferai pas, j'ai ma dignité et puis ça gacherait tout.
- 16h18: "Embauchez moi. Je vous paierai. J'ai un codevi".
- 16h20: D. m'explique un peu gêné qu'il est lui même pigiste et qu'il ne connait pas personnellement le patron.
- 16h22: D. me demande d'arrêter de pleurer.
- 16h23: On finit par raccrocher, je sens que pour D. ce n'est pas facile de me quitter. Je lui promets de le rappeler très vite. Il me dit qu'il préfère qu'on laisse passer du temps. Le pauvre. Il sait au fond de lui que je suis déjà loin. Je n'oublierai jamais qu'il a été le premier à me donner ma chance.
- 16h24: J'envoie un mail à D. pour le remercier pour cet instant magique. Je lui demande de me prévenir du passage de l'émission.
- 20h55: Message de D.: "OK, vous prévient. Pas avant deux semaines. D'autres chroniques prioritaires avant. D."
- 21h00: Cet homme est brisé.
Deux semaines plus tard...
Jeudi
- 10h00: Mesage de D. "Vous passez demain. A plus. D."
- 10h10: Cet homme est d'une élégance... Revenir vers moi alors qu'il est en pleine souffrance. Chapeau bas.
- 10h12: Les 122 personnes que je connais sur cette planète sont au courant de mon passage à la radio demain. Demain c'est la consécration.
Vendredi
- 6h12: Le réveil sonne une heure plus tôt que d'habitude. Dehors il fait nuit. On dirait qu'on part en sortie de ski. L'homme met la radio.
- 6h18: Dans deux minutes je vais être mondialement connue. Pour l'instant je me sens exactement la même qu'avant.
- 6h20: J'ai ma tête collée contre la poitrine de l'homme alors je n'entends pas très bien. En même temps, c'est bon, un calin. Même quand on est célèbre.
- 6h21: A y'est. C'est à moi. Je ne reconnais pas ma voix. Je me sens toute drôle.
- 6h24: La présentatrice du journal va lire un extrait de mon blog. Woaouh. C'est "Apostrophe" ma parole.
- 6h25: Je n'y crois pas. Je suis mortifiée. 345 billets sur mon blog. Et il a fallu qu'elle choisisse ce texte sur les pompiers. Sur le cul des pompiers plus exactement. On ne devient pas célèbre en parlant du cul des pompiers. Personne n'est JAMAIS devenu célèbre en mattant le cul des pompiers. Si, Dave, peut-être. Adieu, veau, vache, cochon. Le pot au lait de la notoriété vient de se fracasser en mille morceaux qui font pin-pon en tombant par terre.
- 6h26: L'homme me sert fort. Il peut plus s'arrêter de rigoler à cause des pompiers. Il me dit qu'il est fier. Il dit qu'il m'aime. Il dit qu'il reste 14 minutes avant que le réveil ne se remette à sonner...