Bon, ce n'est pas que je veuille absolument revenir sur cet épisode incroyable de mon interviouve téléphonique mais il faut tout de même bien reconnaître qu'en quelques jours tout a failli basculer. Je vous dois bien un petit compte-rendu de ces jours où je suis devenue une star.
Ou presque...
Dimanche
- 19h00: On revient d'une balade dans Paris. Pendant que l'homme est en train de baigner les enfants - c'est un père modèle en plus d'être un amant formidable mais je n'en dirai pas plus parce que depuis que j'ai parlé de lui ici il aurait une légère tendance à se la péter grave - je me rue sur mes mails. Trois heures que je n'ai pas pianoté sur mon ordi et je commençais à ressentir les premiers tremblements du manque.
- 19h10: Il est là. LE mail. LE mail de LA personne censée me repérer parmi les miliers de blogs du net. Ce mail attendu l'air de rien, sans en parler sous peine de passer pour une pintade prétentieuse. Bon, je vous arrête tout de suite, ce n'est pas Valérie Toranian, faut pas déconner non plus.
- 19h11: C'est un journaliste de la radio. Il fait une chronique sur les blogs à genre cinq heures du matin. N'empêche c'est le début de quelque chose. Il me demande si je ne vois pas d'inconvénients à ce qu'il m'interviouve.
- 19h14: Je débarque en hurlant dans la salle de bain. L'homme est tout blanc il a cru que quelqu'un était mort.
- 19h16: Mon fils voudrait comprendre pourquoi sa maman est toute rouge et qu'elle crie.
- 19h18: Je sens que j'en ai pour deux jours pour faire comprendre à mon petit garçon ce qu'est un blog et pourquoi je suis hystérique parce qu'un journaliste de la radio va m'interviewer.
- 19h20: "C'est rien en fait mon chéri. C'est juste que Maman va devenir célèbre. Comme Dora exploratrice, tu vois ?"
- 19h22: Ma fille se met à pleurer parce que Dora n'existe pas et qu'elle ne veut pas que sa maman devienne un dessin animé. Je laisse l'homme trouver les mots, pour l'instant je suis trop bouleversée moi même.
- 19h25: J'efface pour la dixième fois mon mail de réponse, je voudrais avoir l'air naturelle et enthousiaste mais néanmoins digne et pleine de recul.
- 19h45: "Cher D., je me prêterai avec plaisir à votre petite interview. Je n'ai pas énormément de temps dans la journée mais je peux tout à fait poser ma semaine de façon à ce que vous puissiez me joindre à tout instant. Le mieux est que je vous laisse mon numéro de portable, ma ligne professionnelle et le téléphone de la maison. Merci mille fois d'avoir trouvé de l'intérêt à ma prose, je vous en serai éternellement reconnaissante. S'il faut d'ailleurs vous rétribuer pour cette chronique n'hésitez pas à me le faire savoir."
- 19h50: "D., je reviens vers vous pour vous donner également les coordonnées de ma mère ainsi que ceux de ma meilleure amie, au cas où vous ne soyiez pas parvenu à me joindre sur les autres numéros".
- 19h52: "D., encore un mot, je m'aperçois que j'ai omis de vous préciser à quel point j'aime ce que vous faites. Et très sincèrement, je vous le dirais même si vous décidiez finalement de ne pas m'interviewer. Tout en espérant bien sûr que ce n'est pas le cas."
- 20h00: J'ai peur d'avoir été trop distante ou trop détachée.
- 20h10: Je fais lire à l'homme ce que j'ai envoyé, il n'a pas l'air de penser que je suis trop détachée. Il me demande avec un drôle d'air si c'est néanmoins possible de récupérer les mails avant que D. ne les lise. Je lui dis que c'est trop tard. Je suis un peu inquiète.
- 20h40: J'ai appelé l'intégralité de mon répertoire pour annoncer la nouvelle. Je ne suis pas sûre que tout le monde saisisse l'importance de ce qui m'arrive.
LUNDI
- 04h12: Je me réveille en sueur, j'ai peur d'avoir rêvé. Je rallume mon ordinateur, le message est toujours là.
- 08h14: Je vérifie à nouveau mes mails
- 10h00: D. m'envoie un nouveau message dans lequel il me demande de lui faire un petit topo sur le pourquoi et le comment de mon blog.
- 12h00: J'en suis à la quatrième version de mon topo, j'ai beau vouloir faire bref, je ne vois pas comment ne pas remonter à l'époque où en CM2 ma mère m'a forcée à porter un kilt marron. Sans cet épisode il n'y aurait peut-être pas de blog. Dans la vie d'un artiste il y a des instants fondateurs à côté desquels on ne peut pas passer.
- 12h30: J'ai manifestement dépassé le nombre de signes autorisés par mon logiciel de mails. C'est incroyable tout de même, en moins de 30 000 caractères on ne peut rien dire, en tout cas pas l'essentiel.
- 16h00: "Chère Caroline, merci pour votre topo. Je pense qu'avec ces 20 pages j'ai assez d'éléments. Je vous rappelle qu'il ne s'agira que d'un interview de quelques minutes. Ne m'écrivez plus jusqu'à ce que je vous contacte. Je vous en prie. D."
- 16h10: Je sens qu'il est en train de se passer quelque chose de très fort entre D. et moi. C'est tellement violent qu'il préfère prendre un peu de distance. L'homme sera triste, probablement, mais si nous devons vivre une passion lui et moi il n'y pourra rien. Mon dieu, que vont devenir les enfants ?
- 17h00: Je commence à comprendre la souffrance des gens célèbres. La notoriété pousse à faire des choix cruels et rend fragile. D'ailleurs je me sens fragile. Heureusement que j'ai ma famille, ils restent mon point d'ancrage. Dire que j'ai failli les quitter.
- 17h10: J'appelle l'homme pour lui dire que jamais je ne partirai pour un homme connu. Jamais je ne sacrifierai les fruits de mes entrailles. Je lui promets que je saurai rester la même. Je lui jure qu'entre D et moi il n'y a que de l'admiration réciproque et une complicité entre deux professionnels qu'il ne peut pas comprendre.
- 17h12: L'homme me demande de ne pas oublier le pain.
- 20h00: L'interview a lieu demain. J'ai peur. Je sens qu'il y aura un avant et un après.
- 21h00: Je me demande s'il n'est pas encore temps d'arrêter la machine infernale de la célébrité. Une fois que je serai passée à la radio, finie les soirées tranquilles au restaurant, terminées les balades incognito.
- 21h10: L'homme m'annonce qu'il ne va peut-être pas me supporter encore très longtemps.
- 21h30: Je le savais, ça ne sera pas facile pour ma famille. Quelques jours à peine que j'ai fait mon entrée dans le gotha et mon couple vacille déjà.
à suivre...