Dans une soirée, la ronde a retrouvé un ami de lycée, un de ceux qui à l'époque lui avait fait verser des larmes amères. Trop grosse pour lui, s'était-elle dit, trop moche, trop nulle, personne ne m'aimera jamais... Il avait en effet préféré qu'ils restent amis. Pendant des mois elle avait fantasmé sur le jour où elle lui en mettrait plein la vue. Ce jour chéri où il ramperait à ses pieds en pleurant qu'il s'était trompé.
Que la première qui ne s'est jamais fait ce genre de scénario me jette la première pierre. Sauf qu'en vrai, je ne sais plus où j'ai lu ça, quand on retombe sur ce mec qu'on souhaite scotcher d'amour, on est encore plus moche que le jour du fameux rateau douloureux. On regrette alors amèrement d'avoir rêvé de le rencontrer par hasard et de n'avoir donc pas eu le temps ou l'occasion de faire en sorte d'être au top.
En l'occurence, dans cette soirée de la vraie vie, dix ans après, il ne s'est pas passé grand chose, mis à part ces quelques mots échangés...
- "Alors comme ça, tu ne fumes plus ?"
- "Non, je ne fume plus. Je ne fais plus de régimes non plus. Tu vois, en dix ans, j'ai finalement réussi à changer. Un peu".
- "Tu sais quoi ? Ne change plus rien maintenant. Parce que ça te va bien de ne plus faire de régimes. Tu es... tu es bien".
Il y a des soirs, comme ça, où on se dit que vieillir ce n'est pas si mal. Il y a des soirs où l'on a l'impression très nette qu'il est temps de dire adieu à cette fille que l'on détestait tant. Il y a des soirs où par le hasard de retrouvailles, on mesure le chemin parcouru et où l'on se rend compte que l'heure de la réconciliation avec soi même a sonné.
Après ce compliment anodin, je l'ai regardé et je n'ai évidemment rien retrouvé de ce qui m'avait fait craquer en 1ère B...
Alors mes yeux se sont posés sur l'homme, le mien, avec ravissement et reconnaissance pour ce qu'il a su voir et comprendre. Et avec un peu d'étonnement qu'il parvienne à me supporter.