Alors... Où en étais-je... Ah, oui, ça y'est.
Olivier me propose donc d'essayer très exactement tout ce que je viens de lui décrire comme étant ce que je déteste le plus. Le pauvre. Dire que ça se dit styliste. Il ne va pas être déçu.
Non parce que boudinée dans un bustier lacé dans le dos et engoncée dans une jupe qui tombe jusqu'aux chevilles, autant dire que je vais ressembler à la Castafiore, beaucoup plus qu'à Scarlett O'hara. Mais comme mes deux super nanny n'ont pas l'air de vouloir me lacher et qu'Olivier semble y tenir, je consens à enfiler cette tenue ridicule.
Après dix minutes à batailler en manquant de faire tomber le rideau, je sors avec la jupe à moitié fermée pour cause de taille trop épaisse en plaquant contre ma poitrine le bustier pas lacé. Olivier se place derrière moi et me demande de mettre les mains sur ma taille pour tenir le corset. Il commence alors à lacer, doucement au début, puis en tirant de plus en plus fort. Je ne respire plus. J'ai pris l'apparence d'une saucisse de morteau en bas résilles, c'est certain. Je voudrais mourir. Cela dit, étant donné le peu d'oxygène qui parvient jusqu'à mes bronches, mon calvaire devrait assez rapidement prendre fin.
J'en suis à visualiser le boulot des pompiers lorsqu'il va falloir me dégager de ma camisole quand petit à petit, la sensation d'étouffement s'estompe. Le corset est enfin lacé et je commence à m'habituer. Olivier me suggère de me regarder dans la glace en face.
Est-ce alors le galbe des baleines, la légereté de la soie ou l'ouvrage délicat du bustier dentelé ? Je ne sais pas, mais celle qui me regarde dans le miroir n'est plus la gourde aux grands pieds qui s'empêtrait dans son jupon deux minutes plus tôt. Bon, certes, il en reste quelques vestiges.
Ne serait-ce que cette chose verte entortillée dans les plis de la robe.
Ma santiag.
Que je viens de trainer sur deux mètres et qu'Olivier tente désespérément de dégager, mais forcément, elle est bien coincée la saleté. On finit par y arriver et la vilaine est renvoyée auprès de sa congénère. J et H sont effondrées.
A bien y regarder, le bustier en forme de coeur est également quelque peu problématique. On jurerait que mes fesses se sont déplacées au niveau de mon décolleté.
Mais dans l'ensemble... Dans l'ensemble, Vivien Leigh peut aller se rhabiller, me dis-je en toute simplicité.
Olivier m'observe amusé. "C'est la première n'est-ce pas ? La première robe de soirée ?"
"Oui", lui réponds-je dans un souffle. Je regarde alors H et J, et dans leurs yeux, je vois que je ne me trompe pas:
Olivier m'a trouvée.
Il ne me connaissait pas une heure plus tôt et il m'a trouvée. A l'insu de mon plein gré, qui plus est.
Passées les premières minutes d'émotion, H, J et moi même retrouvons nos langues bien pendues. Et nous voilà, toutes les trois, comme des petites filles, à nous extasier sur la magie du corset, la finesse de la dentelle, la douceur des étoffes. Olivier est un ange de patience. Il répond à toutes nos questions, il parle de Cisal, d'organza et de tulle, de dentelle de Calais et de Chantilly. Il explique les broderies, les proportions et les couleurs. Il raconte qu'il aimait trop Sissi et qu'il ne voyait pas quel autre métier il pourrait faire plus tard que créer des robes incroyables. Moi je dis merci Sissi.
On essaie ensuite un autre bustier plus droit, histoire que mes seins perdent leur forme de fesses, puis une autre jupe, puis encore une autre. Petit à petit, ma robe s'esquisse dans la tête d'Olivier.
Enfin, ça y'est, il SAIT.
Pour me le prouver, il arrache une page d'un cahier rose et d'un coup de crayon, il dessine ce qu'il vient d'imaginer. En quelques traits, voilà MA robe, unique et parfaite. Peut-être le plus doux des cadeaux, la plus délicate des attentions. Ce n'est pas tant qu'elle est magnifique - entendons-nous bien, elle EST magnifique - mais sur le papier, on dirait qu'elle est croquée pour Grace Kelly.
Voilà. Olivier, lorsqu'il dessine une robe en taille 44 - 46, il fait en sorte que ça ressemble au fourreau de Rita Hayworth. C'est peut-être ça aimer les femmes, non ? Ce croquis, je vous l'offre, là. Comme un petit bout de rêve, rien que pour vous. Mais vous comprendrez aussi que je ne le laisserai pas longtemps parce que l'homme n'a pas le droit de regarder. Il m'a promis de ne pas venir ici de la journée, mais par sécurité, j'enlèverai la photo en fin d'après midi.
Edit: Je ne pense pas qu'Olivier m'en voudra de dévoiler son nom, alors voilà, il s'agit d'Olivier Freine. Son atelier est 2, rue Turbigo dans le 2ème arrondissement de Paris et son numéro de téléphone est le: 01 42 33 95 82. Je me dois de préciser que ce rêve a un prix et ce dernier est assez élevé. Je me suis personnellement offert cette petite folie avec l'argent gagné en écrivant mon livre et je ne le regrette pas, mais voilà, forcément, ça reste une folie. Ah, et oui, Olivier est canon. M'enfin les filles.... bon, bref, vous voyez quoi. Plaisir des yeux, on va dire...