La porte s'ouvre et Olivier est là, tout sourire dans son slim taille 0.
Mon premier réflexe est de repartir immédiatement. Las, c'est sans compter H et J qui me poussent et font barrage de leur corps. Je me faufile dans l'entrée étroite et me dis que si déjà je suis limite trop grosse pour le couloir, je ne risque pas d'enfiler une quelconque robe de mariée. De toutes façons, que ce soit clair, dans cinq minutes c'est plié, au revoir les fourreaux, bonjour les leggings.
Et puis...
Et puis le corridor débouche sur l'atelier et je décide immédiatement que cet endroit est ma nouvelle maison. Tout est rose et doré, des robes couleur du temps et de lune sont accrochées un peu partout. Sur des commodes rococo, trônent des diadèmes de princesse tandis que des étoles en soie flottent ça et là. A tous les coups, Marie-Antoinette est planquée derrière un paravent en train de boulotter des macarons Ladurée.
H et J sont comme deux enfants elles font des « ah » et des « oh » et ne font plus du tout attention à moi. Ce serait le moment idéal pour me carapater. Sauf que forcément, je veux ma robe de fée, maintenant.
Olivier me tire de mes rêveries et m'explique tout doucement comme il le ferait avec une enfant qu'avant toute chose, il lui faut savoir un peu qui je suis et ce que je recherche. Ça à priori, c'est facile, je peux le faire.
Il me pose donc tout un tas de questions : est-ce que j'aime la dentelle ? Non. Est-ce que je veux une robe longue ? Non. Est-ce que j'aime les bustiers ? En aucun cas. Est-ce que je veux quelque chose de moulant ? Et pourquoi pas un maillot de bain pendant qu'on y est ? Comment je vois ma robe de mariée ? Heu... fluide, pas trop blanche, camouflant TOUT, resserrée sous la poitrine pour cacher mon ventre et en dessous du genou parce qu'au dessus, bref, ça semble évident.
Une fois le questionnaire terminé, Olivier a toujours le sourire et me rend son diagnostic : « En fait, vous voulez une chemise de nuit... ».
H et J me lancent un regard réprobateur. Les mines de sel ne sont pas loin. Les garces sont clairement du côté d'Olivier. Elles doivent s'imaginer que si ça se trouve il leur filera une étole gratos en remerciement. La nature humaine est bien moche, me dis-je.
Toujours très professionnel bien qu'un peu las, Olivier me fait une proposition. Il va me faire essayer deux trois petites choses dans lesquelles il m'imagine et si ça ne me plait pas on en reste là. J'accepte sentant que si je refuse j'en ai pour la journée avec les deux cerbères.
Je disparais donc derrière le rideau de la cabine et entend Olivier me demander : « Vous chaussez du combien ? ». Là, je sens qu'il y a un piège. Une novice donnerait sa pointure de pieds. Mais on ne m'y prendra pas, je me doute qu'il veut connaître ma taille de vêtements. On est couture ou on l'est pas, et quand on est couture, on PARLE couture. Je sens que je vais le bluffer et qu'il va regretter le coup de la chemise de nuit.
- Du 44 - 46, tout dépend des modèles, réponds-je, très pro.
Le silence gêné qui suit ma réponse ébranle quelque peu mon assurance. Je passe la tête par le rideau et je vois H et J se gondoler tandis qu'Olivier, en vrai gentleman, me confie sans ciller qu'il n'avait pas remarqué que j'avais de si grands pieds.
Et voilà, cette fois-ci il est renseigné, il a affaire à un cas désespéré. Le pire c'est qu'à tous les coups son inconscient retiendra que j'ai des péniches taille 46. C'est comme les rumeurs, ça. On a beau ensuite les démentir, une fois le venin distillé, c'est TER-MI-NE.
Olivier tente de me réconforter, m'apporte une paire de mules en 38 - d'où la question - et revient avec un premier modèle : une jupe longue en soie et organza accompagnée d'un bustier en dentelle de Calais. Le tout blanc ou plutôt ivoire.
A suivre...