Me voilà bien em...bêtée. Je comptais un peu vous raconter, à mes dépends mais aussi à ceux de la photographe, cette séance photo qui a eu lieu il y a quelques semaines déjà et qui ne me laisse pas un souvenir impérissable. Et puis je me dis que ce n'est pas super cool. D'abord parce que les clichés sur Femme actuelle sont finalement plutôt pas mal et que dire du mal de mes copines de Elle que je ne connais pas c'est une chose mais brocarder une fille qui après tout a fait son boulot ce n'est pas joli joli.
Cela dit, force est tout de même de reconnaitre qu'elle était un peu... spéciale.
Bon, ok, c'était Mike Tyson.
Sauf qu'elle mesurait un mètre 55 et qu'elle devait peser 42 kilos.
Mais c'était quand même Mike Tyson. Et que si j'hésite à en parler plus que ça c'est que mon thérapeute et moi on pense que c'est peut-être trop tôt rapport au travail qu'on a entrepris pour gérer le stress postraumatique.
Et aussi que j'ai peur.
C'est simple, je ne mettrai plus jamais le pied dans le quartier où s'est déroulée la séance parce qu'à mon avis y'a un contrat sur ma tête. Oui, sur la mienne. Vous en connaissez vous des gens qui oseraient s'en prendre à Mike Tyson ? Ah ! Donc forcément, faut bien qu'il y ait quelqu'un qui paye.
Par mesure de précaution donc, j'ai rayé de la carte le cinquième arrondissement de Paris.
Faut dire que ça avait mal commencé.
J'étais arrivée en retard et Mike, elle aime pas ça.
Et puis moi je croyais que la séance allait durer dix minutes et qu'on ferait ça à la terrasse d'un café. Alors j'avais mis des chaussures à talons achetées la veille. Au bout d'une station de métro j'ai cru mourir des pieds. J'étais pourtant assise.
Alors inutile de vous dire qu'au terme d'un marathon de deux heures et demie qui nous a fait parcourir le quartier Mouffetard de long en large et en travers - surtout en travers d'ailleurs - j'ai frisé la gangrène du gros orteil.
En revanche, j'avais comme qui dirait pris le parti d'être vraiment mal habillée. Ben oui, à croire que j'ai du mal à être bien de partout. Là, j'avais donc des chaussures rutilantes et blanches qui me rajoutent pas loin de dix centimètres au garot. Oui je dis bien au garot parce qu'avec je ne marche pas vraiment droit, mon cul a tendance à partir en arrière pour compenser la glissade qui s'opère à l'intérieur de la chaussure - comment vous faites d'ailleurs pour que votre pied il reste DETENDU dans une pompe à talons ? Le mien, il débaroule et finit tout boudiné au fond, là ou c'est le plus étroit Y'a même des fois où vu du talon on se demande si y'a vraiment un pied dans la chaussure.
Mais je m'égare. Par réaction à la cambrure de mon derrière, le haut de mon corps, lui, se penche alors en avant pour que tout ne se casse pas la figure. Bref, la démarche altière, ça me me connait pas, moi je tiendrai plus du chevalin, avec des talons.
Bref, revenons à nos moutons, j'avais des chaussures Barbara Gould. Du coup... le reste c'était du n'importe quoi. Une tunique à bretelles d'été qui en est à sa troisième saison après avoir servi de robe de plage l'année dernière et qui craque un peu sur les côtés, un soutien gorge playtex avec bretelles rembourrées - je l'adore mais dieu qu'il est laid - donc plus larges que celles de la tunique et un gilet ajouré.
Très ajouré, le gilet.
Surtout au coude.
Pour ainsi dire, troué le gilet.
Quand au bas, un legging fatigué de l'entrejambe.
Bref, quand elle m'a vue arriver, Mike Tyson m'a toisée et direct calmée en me demandant si je voulais prendre deux minutes pour me recoiffer.
Je l'ai regardée avec mon air de fille paniquée d'autant que la fée Babou n'était même pas là. J'ai dit que ben non, ça risquait pas rapport à l'absence de brosse dans mon sac tout usé rose avec des palmiers.
Mike Tyson a eu envie de me coller une droite, je l'ai bien senti. Et là je suis hyper fière de moi parce que je lui ai dit super froidement que voilà, moi j'étais comme ça, tendance décoiffée. Ok, ma témérité venait du fait que je venais de rencontrer Mike. Après coup, mon thérapeute et moi on pense que j'ai provoqué la bête.
Mike m'a répondu du tac au tac que j'étais aussi tendance pas maquillée et trouée au coude. Elle a aussi dit que les talons c'était une mauvaise idée pour un trek dans le quartier mouffetard. Je peux vous dire qu'après j'ai plus mouffeté.
Hin hin, mouffetard, mouffeté... bref.
Voilà, ensuite ça a été une succession de moments nutella. Mike a commencé par virer une pauvre jeune femme qui mangeait tranquillement son sandwich sur le banc à côté de moi parce qu'elle gachait la photo. Souvent, la nuit, je la vois encore qui me regarde, son sandwich entamé. Elle me demande au nom de quoi j'ai foutu en l'air sa pause déjeuner.
Ensuite Mike m'a hurlé de sourire tellement de fois qu'à la fin j'avais une tendinite de la machoire en plus de ma polyarthrite de l'orteil.
Elle a également engueulé un maraicher qui était manifestement un psychopathe tout juste sorti de l'HP. Mais je peux vous dire que Mike, ça l'a bien fait rigoler. Il lui en faut plus que ça pour l'impressionner. Encore aujourd'hui on ignore ce qu'il est advenu de ce pauvre homme. Avant de disparaitre, il a tout de même pris le temps de proférer des insultes assez explicites sur ce boudin qui se prenait pour Catherine Deneuve. Et croyez moi, ce n'est pas de Mike qu'il parlait, ça j'ai bien saisi.
Mike n'a pas non plus apprécié qu'une jeune mère de famille passe avec sa poussette devant moi sur le trottoir alors que je prenais une pose devant un mur de graffitis. J'ai sauvé l'enfant de justesse.
Ensuite on s'est également tapé le curé de l'église en bas de la rue Mouffetard qui a osé faire remarquer à Mike que bon, des photos contre le porche d'un église pendant la messe, c'était bof. Pardon mon dieu pour tout ce qui a été dit sur toi ensuite. Je sais que j'en ai rajouté et même ri niaisement mais à ce moment là, j'avais peur.
Il a fallu aussi que je fasse mine de sortir d'une boutique de décoration, empêchant du coup tous les autres clients éventuels d'y entrer. Pendant un quart d'heure. C'est long un quart d'heure dans ces cas là.
Je passe sur la crise de nerfs de Mike quand elle s'est aperçue que le magasin "L'occitane" qu'elle avait repéré une heure avant et dans lequel il y avait une super lumière était fermé entre midi et deux. J'ai bien senti que mes dix minutes de retard avaient tout foutu en l'air. Comme le propriétaire était en train de manger quelque part, le bienheureux, on s'en est pris au poissonier d'à côté. Je dis "on" parce qu'à ce moment là, j'avais clairement choisi mon camp, je peux vous dire. D'autant que je me suis dit que tant qu'on s'en prenait au poissonnier, Mike ne pensait pas aux dix minutes de retard. Ce n'est pas joli joli, je sais. En même temps, moi aujourd'hui, je sais.
Ce que j'aurais fait en 39, je veux dire.
Bref, je passe sur les dix minutes passées à faire genre de débouler - mais immobile bien sûr - d'une ruelle élue officiellement chiottes de l'année par tous les chiens errants du quartier et sur l'énooooooorme fiante de pigeon qui est passée à ça de mon oeil.
Manifestement où pissent les chiens, chient les pigeons.
C'est simple, quand Mike m'a dit qu'elle pensait avoir tout dans la boîte, j'ai oublié ma nécrose de l'orteil et tout le reste et j'ai piqué le sprint de ma vie. Sérieux, Marion Jones à côté c'est un vieux canasson.
Bon, en fait, finalement, je me suis un peu lachée. Mon thérapeute et moi on se dit que peut-être ça fait partie du travail.
N'empêche qu'en même temps, Mike Tyson, elle en a dans le pantalon. Je peux vous dire qu'une nana comme ça, vous la mettez N'IMPORTE OU, y'a pas une mouche qui la fait chier. Et j'imagine qu'en Irak par exemple, c'est bien utile.
Mon thérapeute pense que je l'admire en raison du syndrôme de Stockolm.
Bon, voilà, au final un coup de photoshop et y'a plus de trou à mon coude. Et aussi un peu de rose sur les lèvres et on dirait que j'étais maquillée. Limite on pourrait penser que je souris vraiment, alors qu'en dedans de moi y'a que de la terreur.
EDIT: Comme certain(e)s d'entre vous me demandent le lien vers l'article, je le remets ici: donc c'est par Là