Elles étaient légères, riaient du programme de leur journée ou du garçon qui les avait regardées à la station d'avant.
Pia pia pia pia...
Des mouettes dans le métro.
Et puis elles se sont mises à parler d'après. De l'année prochaine.
Il y en avait une qui vivait à Nantes et qui rêvait de venir sur Paris mais ça impliquait de laisser sa petite soeur avec sa mère. Et rien que d'en parler, ses yeux étaient mouillés. L'autre n'était pas sûre d'avoir choisi la bonne terminale pour faire son école de dessin ensuite. Qu'elle était sérieuse subitement... Quant à la petite troisième, elle semblait paniquée à l'idée de manquer d'argent pour "s'en sortir" si elle ne travaillait pas l'été prochain après le bac.
D'un coup, elles étaient devenues très grandes. Plus de piapiapias.
Et puis la plus grande a demandé: "A l'université, y'a des vacances scolaires ?". Les deux autres ont réfléchi et n'étaient pas sûres. Ce qui était à priori certain c'est qu'il y aurait moins de congés ont-elles décrêté.
Elles ont soupiré de concert. L'enfance reprenait ses droits.
"Quand on n'aura plus de vacances scolaires, c'est qu'on sera vraiment des adultes hein..." a murmuré la plus grande des trois. Ses deux acolytes ont hoché la tête, visiblement accablées par cette dûre évidence.
En les regardant, j'ai pensé que le chemin était long, et que parfois, même alors qu'on n'avait plus de vacances scolaires depuis des lustres, on était pas tout à fait certain d'être devenu grand pour de bon.
Alors qu'elles s'éloignaient en reprenant leur babillage, oubliant pour un temps ces quelques secondes de gravité, j'ai eu envie de les rattraper pour les supplier de prendre leur temps. Pour leur dire aussi que les petites soeurs on ne les quitte jamais vraiment, que des écoles de dessin il y en a plein et qu'à dix-huit ans on ne devrait pas encore s'inquiéter pour l'argent.
Et puis je me suis rappelée qu'à 18 ans, surtout, on n'écoute jamais les grands...
Edit: La photo, c'est l'affiche d'un film d'une finesse extraordinaire vu récemment sur cette drôle de période qu'est l'adolescence et sur la difficulté de devenir une femme qui désire et est désirée. Ces trois filles du métro m'ont fait penser aux trois héroïnes de la naissance des pieuvres. A voir.