Aujourd'hui, j'ai envie de m'adresser à toi, lectrice. Pour te donner une leçon de féminité. Je sais, ça peut être assez osé de la part d'une femme qui a poussé la première fois la porte d'un institut de beauté pour se faire épiler après sa trentième année. J'en conviens. En même temps, ce n'est pas parce qu'on apprend tard qu'on a pas le droit de la ramener.
Donc, le sujet du jour, ce sont les ongles. De mains comme l'image ne le montre pas.
Jusque là, tu vois, mes ongles, on va dire que je ne les calculais pas. Enfin, il y a eu plusieurs étapes dans notre relation en fait. Jusqu'à 18 ans à peu près, ils n'existaient pour ainsi dire pas vu que je les mangeais. Oui oui, j'ai bien dit "mangeais" et pas "rongeais". Quand tu les ronges, tes ongles, il en reste un peu. Quand tu les manges, c'est simple, y'en a plus. Dans ces cas là, pas grave, je m'attaquais à la phalange. Bref, personne n'ignore désormais que mon adolescence a été délicieuse, en voilà une preuve de plus. Disons pour résumer que je n'avais pas des tonnes d'atouts et que je ne pouvais même pas me dire pour me consoler que j'avais de belles mains. En même temps, la question est: est-ce que ça m'aurait vraiment consolée ? Sûrement pas. Malgré tout je dois bien admettre que si on ne m'avait pas appelée "moignons" du collège au lycée rapport au fait que mes mains ont gentiment décidé de stopper leur croissance en 81, année de mes... douze ans, j'aurais sûrement eu une raison de moins de pleurer tous les soirs de 14 à 18 ans.
Bref, voilà, mes ongles je les mangeais et de toutes façons, mes mains étaient sans intérêt puisque minuscules ET potelées - le gentil mot pour dire boudinées. En même temps je n'ai jamais rêvé d'être mannequin mains, c'est déjà ça. Non parce que si j'avais eu cette ambition ça aurait été douloureux de renoncer à mon rêve, je veux dire. Et crois-moi, il aurait fallu y renoncer.
Passons.
Un jour, ça m'a pris, j'ai arrêté de rogner mes extrémités - en cas de disette au niveau des mains, j'attaquais les pieds - sans effort particulier ce qui m'étonne encore à ce jour vu le mal de chien que j'ai eu pour arrêter de fumer. Ce qui ne veut pas dire pour autant que je me sois occupée de la beauté de mes ongles, hein. Je les ai plutôt laissés vivre en free style, genre. A savoir, pousser en corolle, puis se casser. Parfois, ça me prenait comme un pet, je décidais de me pencher sur la question. Je les limais jusqu'à ce que mes doigts soient ornés de petites griffes top vilaines. Surtout la main gauche à vrai dire. Etant gauchère, j'étais en effet un poil plus douée de cette main et par conséquent je limitais les dégats sur ma mimine droite. Ensuite, j'essayais de poser un vernis nacré, persuadée à l'époque que c'était le summum de l'élégance. Puis je le laissais disparaitre de sa belle mort, oubliant toujours d'acheter du disolvant. Bon là j'avais bien conscience que ce n'était pas élégant tout de même. Me prends pas pour une imbécile non plus.
De toutes façons, devant un stand de manucure, j'étais toujours désemparée. Entre les vernis pour ongles striés - c'est mon cas -, cassants - c'est mon cas -, fragiles - c'est... bref t'as compris - ou encore jaunis - à l'époque je fumais - je ne savais que choisir tout en ayant l'intuition que superposer les soins les un sur les autres n'était sûrement pas la solution.
Et puis je me suis mariée. Ouais, je sais, difficile de l'ignorer, j'en ai fait des caisses à ce sujet. N'empêche que pour mon mariage je me suis offert ma première manucure. A 36 ans. Oui ben ça va, en même temps, ma première fois avec un garçon, c'était à 20 ans, à savoir au bas mot CINQ longues années après toutes mes copines - et quand je dis LONGUES années je me comprends et je pèse mes mots, je peux te dire. Bref, je suis du genre pas précoce, mais après tout, who cares, j'ai envie de te demander ?
Donc, et là je me dépêche parce que je sens que je la fais longue, une gentille esthéticienne - métier pour lequel j'ai un respect infini vu que je n'ai jamais réussi à utiliser de la cire, qu'elle soit froide, tiède ou brûlante sans me transformer en sucette qui aurait eu trop chaud et qui du coup collerait au papier sans qu'on ne puisse plus rien faire - s'est occupée de mes doigts.
Et petit à petit au fil de son travail d'orfèvre, j'ai vu apparaitre sous mes yeux des ongles certes courts - on peut pas demander la lune non plus - mais joliment carrés et brillants. Le rose qu'elle y a posé s'appelait "champagne" et forcément ça tombait bien, ce jour là. Et vous savez quoi ? J'ai eu la sensation que mes mains avaient grandi. Après, j'ai eu envie d'épouser mes doigts toute la journée. Ce qui tombait bien en même temps, tu vas me dire. Rapport au mariage, quoi, sois pas bête.
Alors depuis, j'entretiens. Mal, il faut bien l'avouer, parce que je suis toujours aussi peu douée, les miracles du genre ça n'arrive pas. M'enfin je m'améliore un peu. Surtout, parfois, je prends le temps d'aller chez la manucure - par chez moi les chinoises font ça pour pas cher - et j'en ressors toujours avec le même ravissement. Surtout, et je sais que ce que je vais écrire va te donner envie de chanter du Julie Piétri, je me sens femme.
Sans blagues. Je crois que pendant des années, j'ai pensé que vu que j'étais grosse, ça ne servait vraiment à rien de me faire les ongles/épiler les sourcils/être blonde. Alors que c'est juste le contraire. Sauf que voilà, moi, je ne le savais pas. Alors j'ai envie aujourd'hui de te faire partager ça, et là, je ne rigole pas. La féminité se cache parfois dans le rouge d'un ongle peint. Et ce rouge là peut te donner une assurance dont tu ne soupçonnais même pas qu'elle puisse exister à l'intérieur de toi. Il se pourrait même que ce soit ça la beauté intérieure. Oui, celle là même qui te fait bien rigoler quand c'est Monica Belluci qui en parle alors que toi tu te trouves juste moche, à l'extérieur et à l'intérieur. Et bien peut-être qu'elle existe. Et qu'elle n'a besoin pour s'épanouir que d'un peu de vernis ou d'un sourcil bien dessiné.
Edit: Heu, par contre j'ai quand même du mal à pas scratcher mon vernis à peine sortie de l'institut de beauté. Alors si t'as des solutions, hésite pas.
Edit2: Tout mon beau baratin, ça marche aussi pour les pieds que j'ai également petit et boudinés comme tu peux le constater. N'empêche que cet été, je me sentais carrément Barbara Gould avec mes petites saucisses maquillées...