Entre les Rita Mitsouko et moi, ça a été une succession de rendez-vous manqués. Billets trop vite écoulés, concerts annulés au dernier moment, dates reportées pendant des vacances, puis, last but not least, mort de Fred Chichin le soir même où nous devions enfin aller les applaudir.
Alors lorsque nous avons su que Catherine Ringer avait décidé de remonter sur scène, nous nous sommes précipités sur tout ce qu'Internet compte de billeteries. Notre sésame en poche, nous nous sommes rendus hier soir à la Cigale. Avec mon gros ventre et mes malaises vagals ou vagaux, je ne sais. Et surtout cette sensation étrange de n'être pas seuls mais accompagnés de nos fantômes.
Parce que des fantômes, hier soir, il y en avait beaucoup autour de nous. Celui bien sûr de Fred, dont la silhouette dégingandée et étrange manquait cruellement sur scène. Celui de toi, l'homme aux foulards, dont je ne compte pas les fois où nous dansames, hurlant "faut que j'm'ouvre", ravis de l'obsénité délicieuse ce ces mots. Celui de celle qui fut ma marraine de hammam, sosie de Catherine Ringer, que le cancer pris sous son bras emporta. Et puis les autres, amis et parents perdus de toutes ces âmes qui, le coeur et la gorge nouée, applaudirent à tout rompre lorsque la Chanteuse apparut.
Oui, des fantômes il y en avait plein.
Mais Catherine Ringer était, elle, bien de chair et de sang. Ondulant, se désarticulant, se déhanchant, hurlant une douleur jamais indigne, jamais impudique. C'était les Rita et ce ne l'était pas. C'était elle sans lui, c'était lui qui soufflait dans son cou, invisible mais si évidemment présent...
De mon strapontin sur le balcon, j'ai vu une jeune femme sur laquelle le temps n'avait pas eu prise, dans sa robe noire italienne, bas couture et chignon décalé. J'ai vu l'héroine de mes vingts ans, celle qui réinventait la pop française, celle dont les chansons racontaient ma vie. J'ai entendu ma jeunesse défiler, j'ai revécu ces danses chaloupées, chanté la mort qui nous assassinera tous.
Hier, j'étais avec mes fantômes et pourtant je ne me suis jamais sentie aussi vivante. Hier j'ai pleuré mes morts et caressé la vie qui cognait dans mon ventre au rythme d'Andy, cette vie qui me disait, encore et toujours, oui.
Edit: Un bonjour un peu spécial à Karine, jeune femme qui est venue me voir peu avant le début du concert pour me demander si j'étais bien Caroline de Pensées de ronde. Je ne me remets pas de ces quelques secondes de célébrité, j'avoue. D'autant plus appréciables que, comme vous pourrez le constater, je me suis pris un gros gadin au festival de Romans. Même pas le prix spécial du jury, misère ! Un grand bravo à Shalima qui aime le chocolat... Et un grand merci pour vos votes, j'ai décidé de ne retenir que ça !