Bon, depuis que je suis rentrée, je me dis. Est-ce que je raconte ? Comment ? Est-ce que ça peut intéresser qui que ce soit ? Est-ce qu'il y a une "valeur ajoutée" à tout ça ?
Et puis finalement, la réponse est oui. Ou non. En fait on s'en moque.
Je vais donc essayer de raconter, à ma façon, sans tomber dans le médico-légalo-trash, cette nuit du 4 au 5 août 2008. Nuit durant laquelle ce ne sont pas les privilèges qui furent abolis, mais les limites de la souffrance et de la joie.
Tu notes comment je suis lyrique, moi, depuis que j'ai mis bas ?
Bref, commençons par le commencement.
Du coup, j'appelle l'homme qui venait à peine de s'endormir, l'avertissant qu'il fallait que séance tenante il grimpe sur son vélib et ramène fissa ses fesses, la miss étant manifestement décidée à pointer son nez dans les minutes qui venaient.
Que je croyais.
Mais là j'anticipe, chaque chose en son temps.
On me descend donc en salle de travail et on m'explique qu'à partir de maintenant on va attendre de voir si mon col veut bien s'ouvrir et ce dans des délais raisonnables. Rapport à mon uterus cicatriciel qui ne pourra supporter une trop longue attente - et moi donc, j'ai envie de dire aujourd'hui. Mais là encore, j'anticipe.
En même temps qu'on m'expliquait ça, les premières contractions se sont fait sentir. Enfin, que je croyais, là encore.
Genre, toutes les dix minutes, mon ventre devenait dur, je disais "ouïe, ça tire un peu" et basta.
Ce qui fait que lorsque l'homme est arrivé, paniqué mais digne, je lui ai confié sans peur aucune du ridicule, que je gérais à mort la souffrance et qu'en fait c'était super simple, il suffisait de faire un pont entre ma douleur et mon corps que j'avais. Et pierre après pierre, on arriverait à la faire naitre, la biquette.
Deux heures après, le pont de la douleur il était à peu près dans le même état que celui de la rivière Kwaï. Et les pierres j'avais surtout envie de les envoyer à la tronche de toute personne m'approchant à moins de deux mètres.
L'homme compris.
Enfin, s'il avait été là.
Parce qu'après avoir compris qu'en fait ça allait durer, il était allé prendre des forces dans ma chambre.
Sur mon lit.
Pendant que je me faisait pulvériser de l'intérieur par une armée de Goths manifestement furieux et prêts à en découdre une bonne fois pour toutes. En ne laissant aucun survivant, ça va sans dire.
A quatre heures du mat' j'étais à 2 cm.
Efficace la nana, comme tu peux le constater.
Et tu sauras qu'à 2 cm ben on te met pas la péridurale.
Faut attendre 3 - 4, figures-toi.
Et moi mon col il était tellement tonique - note que si on m'avait dit un jour qu'un de mes organes serait qualifié de tonique par le corps médical, je l'aurais pas cru - que la dilatation était comme qui dirait très laborieuse.
A 5 heures, j'ai pris mon portable et j'ai réveillé l'homme en l'avertissant que s'il ne descendait pas immédiatement en salle de travail, j'allais le chercher avec les dents s'il fallait.
A 5h30, on m'a proposé d'essayer le ballon, histoire de détendre mon col - l'utilisation du mot détendre m'a fait rigoler ce qui à ce moment là relevait de l'exploit - et comme je considérais que je n'avais plus rien à perdre, je me suis retrouvée à califourchon sur un gros ballon, les bras appuyés sur le lit et le cul en arrière.
A 5h35 j'ai collé une droite à l'homme qui venait de me confier que je l'excitais dans cette position.
A 5h40, l'homme n'était plus du tout excité rapport que je venais de lui vomir dessus, conséquence du balancement lancinant du ballon. Ou de la dernière contraction, plus vicieuse que la précédente.
A 5h45, j'ai demandé un scalpel pour crever le ballon. C'était ça ou l'homme.
A 6h00, j'ai juré devant dieu que je ne boirais plus jamais de calva.
A 6h10, j'ai ajouté que je n'aurais plus de ma vie durant un quelconque rapport sexuel. Encore moins avec un homme qui était allé DORMIR DANS MON LIT pendant que je souffrais le martyre à cause de ses crétins de spermatozoïdes.
A 7h00, quand la sage-femme m'a annoncé triomphalement que d'ici une heure je pourrais probablement avoir la péridurale, j'ai failli lui faire bouffer le suppo de spasfon qu'elle venait de me donner.
A compter de cet instant, j'ai imploré toute personne passant à proximité de la salle de travail, de la femme de ménage à l'infirmier, leur promettant un gros paquet de fric si l'un d'entre eux me dégottait un anesthésiste...
A suivre...
Edit: ce billet est l'avant-dernier de la rubrique "La ronde enceinte". Ensuite, je tournerai la page...