Quand j'étais enfant, les gens prenaient souvent ma mère pour ma soeur. Je me souviens d'ailleurs que ça lui faisait drôlement plaisir. Moi à l'époque, je ne comprenais pas trop pourquoi ça la rendait heureuse, personnellement ça m'agaçait, c'était ma maman, pas ma grande soeur et puis c'est tout.
Aujourd'hui, je saisis un peu plus l'ampleur du compliment.
Surtout depuis que pas plus tard qu'hier, alors que j'allais récupérer la fille d'une amie à la crèche, une des puéricultrices m'a demandé si j'étais bien la grand-mère de l'enfant.
Dire que je pensais qu'il n'y avait pas plus humiliant que de voir se lever un homme âgé dans le bus pour te céder sa place alors que tu as accouché depuis pas loin de cinq ans. Et bien en fait, si, il y a plus humiliant.
En même temps, je devrais être habituée, cette histoire d'âge me poursuit depuis un bon moment. La première fois que j'ai compris qu'on ne me prendrait jamais pour la grande soeur de ma fille et que faire jeune n'était pas héréditaire, j'avais 21 ans. J'étais dans un taxi et le chauffeur voulant me faire la conversation m'avait demandé ce que je faisais dans la vie. Après que j'ai répondu "étudiante", il m'a regardée dans son rétroviseur et m'a lancé, guoguenard: "Vous n'êtes pas un peu vieille pour ça ?". Le pire c'est qu'il ne plaisantait vraiment pas.
Quelques mois plus tard, alors qu'on cherchait un appart avec ma copine Chloé et qu'on présentait notre dossier à l'agent immobilier - je voue depuis une haine féroce contre les agents immobiliers, d'ailleurs ma copine Chloé aussi -, ce dernier nous a observées puis c'est adressé à moi et m'a dit très sérieusement: "Donc vous êtes la mère de ce jeune homme, je présume ?".
Pan.
Autant te dire que ce fut douloureux, et pour ma copine Chloé qui a décidé ce jour là de faire repousser ses cheveux (la veille un type mal intentionné l'avait traitée de travelo dans la rue ce qui tu en conviendras est peut-être encore pire) et pour moi qui venait donc de prendre facile 20 ans dans la vue.
Je me souviens que ma mère avait tenté alors de me consoler en me disant qu'en général, quand on fait plus que son âge, à un moment ou à un autre la tendance s'inverse et genre vers 40 ans on finit par avoir l'air d'approcher des 30.
Bon ben au vu de la méprise d'hier à la crèche, m'est avis que la théorie s'effondre comme neige au soleil.
Me demande si je ne vais pas changer d'avis, moi, au niveau du Botox.
En même temps tu me diras, vu que j'ai quarante ans depuis déjà une vingtaine d'années, vieillir n'est pas un problème pour moi, loin de là. D'autant que très franchement, je me trouve plus jolie aujourd'hui alors que je m'apprête à devenir quadra que lorsque j'avais vingt ans. Finalement, ne jamais avoir pu compter sur son physique a a au moins un avantage: il est un peu plus facile de lacher prise lorsque tout commence à foutre le camp... N'est-ce pas Isabelle ?