Hier, l'iroquoise était sur mes genoux et riait aux simagrées de sa grande soeur. Quand d'un coup, alors que ça ne lui arrive jamais, l'enfant en question étant une râleuse patentée mais en revanche pas pleureuse pour deux sous, elle s'est mise à hurler.
Un cri animal, suivi immédiatement de larmes grosses comme mon poing qui dégoulinaient le long de ses joues - et tu peux constater qu'elles ont eu du chemin à faire, les larmichettes, y'a de la surface.
En deux temps trois mouvements, mon coeur s'est emballé et j'ai eu la sensation qu'une main venait fourailler dans mes entrailles pour les arracher sauvagement.
Ce n'était qu'un pleur sans explication, en tout cas aucune connue, il n'a duré que vingt secondes, peut être trente, mais m'a rappelé s'il en était besoin que c'était de mon ventre qu'elle venait, que c'était elle qui y faisait ces vagues il n'y a pas si longtemps et que j'étais prête à me faire arracher toutes mes dents à moi sans anesthésie pour qu'une seule des siennes pousse sans douleur.
Un pleur qui m'a bien calmée dans ma façon de regarder d'un air très supérieur les primipares angoissées, façon vieille routarde détendue du nichon, trop cool, même pas un seul coup de fil au Samu en cinq mois, je gère, j'assure comme une bête, c'est solide ces bestioles, franchement, il faut prendre du recul, regarde, un troisième ça pousse tout seul.
C'est ça.
Un troisième ce n'est jamais qu'un premier qui vient après les deux autres. Alors certes, on est plus zen quand il s'agit de traiter un érythème fessier. Certes on ne calcule plus névrotiquement les intervalles entre chaque repas. Certes on oublie régulièrement d'attacher le moutard dans la poussette. Certes on a oublié jusqu'à la signification du mot "stériliser".
Mais quand number three se met à hurler et qu'on sent bien que c'est sérieux, on se retrouve aussi désemparé que neuf ans plus tôt quand on composait le 15 pour une crotte bicolore...