Il y a quelques mois, alors que je m'apprêtais à reprendre le boulot, je me suis interrogée sur le sens de la vie et dans quel état j'erre, si tu te souviens bien.
J'avais dans l'idée de devenir écrivain, rien que ça.
Attends, je suis prétentieuse certes, mais lucide également. Quand je dis écrivain, je pensais me hisser des "courges" aux "paresseuses", genre. Et encore.
Mais tu m'auras comprise, je nourrissais une ambition certaine. Celle de pouvoir rester chez moi, lovée dans un grand pull blanc, les chevilles au chaud dans des guêtres en cachemire. J'aurais maigri et rajeuni pour l'occase, parce que ressembler à Carrie Bradshaw quand on déborde de son jean en 46, c'est un petit peu compliqué.
Bref, j'aurais réussi l'amalgame de la réussite et du charme, j'eus été mère présente et femme active, une amante enfièvrée mais aussi cuisinière émérite.
J'aurais bien sûr gagné beaucoup d'argent parce que c'est connu, entre le blog (vendu au grand capital de la publicité) et les bouquins, on ne se mouche pas du coude, nous.
Oui, j'aurais vécu mon rêve.
Mouahahahahharfaaaahaaaf.
Pourquoi m'esclaffe-je ?
Parce que les rêves qui se réalisent n'en sont plus. Des rêves. Et que celui-ci est voué à rester ce qu'il était, une vue de l'esprit. La crise est passée par là et les promesses enthousiastes des éditeurs se sont quelque peu raréfiées. La pub qui coulait à flot comme le champagne dans une sauterie de blogueuses influentes aussi.
Surtout, j'ai réalisé que j'avais peur.
Peur comme jamais je n'avais eu. Peur que ça ne marche pas, peur de regretter, peur que l'homme me quitte, peur que mes enfants se détournent de moi (bon, ça pas vraiment, mais c'est pour te tirer une larmichette), peur de l'inconnu, de la précarité, de l'inactivité subie. Peur de ne plus pouvoir aller faire mes courses à Monoprix comme toute bonne bourgeoise bohème, aussi.
Je donne l'impression de déconner mais en fait non, crois moi, cette peur ne me lâchait plus. J'étais terrorisée à l'idée de devenir une "femme à charge". J'ai réalisé que certains étaient fait du bois de ceux qui se lancent sans peur et sans reproche. Qu'ils avaient ce qu'on doit appeler l'esprit d'initiative, ou le sens de l'aventure.
Certains ont ce grain de folie que je cherche encore en moi.
Pour ne trouver que du doute et de la peur.
Et puis il y avait mon travail. Que j'appréhendais de retrouver après neuf mois de couch-potatoting.
J'y suis allée en me disant que de toutes façons, je m'en fiche, s'ils me font suer, je me casse.
Et je suis retombée dans la potion magique. J'ai retrouvé le plaisir. La contrainte aussi. Mais surtout, l'envie.
Alors petit à petit, je me suis dit que journaliste c'était malgré tout ce que j'avais toujours voulu faire. Qu'écrire à côté, je le pourrais toujours, mais retrouver un boulot dans la partie, pas forcément.
J'ai compris que de la même façon que je ne serai jamais mince, je ne serai jamais non plus détachée des contingences matérielles, ni légère au point de ne pas me demander de quoi demain serait fait.
Depuis que je SAIS, je suis beaucoup moins effrayée. Je ne vois pas assez mes enfants, Helmut grandit trop vite et je loupe des instants fondateurs. Par exemple, la dernière fois, quand elle s'est retournée, je me suis demandé si c'était vraiment sa première roulade. Et ça m'a fait un pincement au coeur.
L'homme ne va pas me quitter pour cause de dépendance mais en revanche il semble à deux doigts de me planter pour négligence conjugale.
Bref, rien n'est parfait, on court partout, je râle le lundi matin comme un putois mais je sens mon coeur léger le vendredi. Et je crois que s'il n'y avait pas le lundi, le vendredi serait plus gris.
Pourquoi je raconte tout ça ? Parce que j'en avais touché un mot à l'époque et qu'il me semblait normal de vous dire où j'en suis, à vous qui me faites le plaisir de faire un bout de chemin avec moi. D'autant que certains d'entre vous m'avaient encouragée et mis beaucoup de confiance à l'intérieur de moi. A tel point que j'avais drôlement peur de vous décevoir en me dégonflant. J'avais d'ailleurs peur de décevoir aussi tous mes amis qui y croyaient. Plus que moi, à l'évidence.
Je voulais aussi vous expliquer que répondre aux commentaires est difficile dans ce contexte. Au boulot, j'ai tout juste le temps de "zapper" pour vous lire mais très rarement les minutes nécessaires pour y aller de mon grain de sel. Je comprends que ça puisse agacer, que ça puisse sembler un peu grossier. Mais pour l'instant, c'est le mieux que je puisse faire. Je pensais ne pas pouvoir continuer boulot + blog, mais arrêter ce journal pas intime, ce serait un renoncement que je vivrais mal. Surtout après avoir eu l'illusion qu'il puisse devenir mon activité à part entière.
Par contre, le fait que ça reste justement une activité "en plus", me donne une liberté que je n'aurais pas si c'était mon gagne-pain. La liberté de ne pas écrire de billets sponsorisés, la liberté de bouffer du curé, la liberté de signer avec une régie "qui débute". ça aussi ça a joué dans ma décision. J'ai réalisé que si j'arrêtait mon travail "régulier", le blog ne pourrait que changer, parce qu'un publi-reportage, ça peut payer les courses à Monoprix, justement.
Voilà. Je pense toujours à ce film, je ne sais plus lequel, dans lequel un couple se demande tous les ans "on s'arrête ou on continue ?". Là, on continue...
Edit: Promis, le reste de la semaine sera un peu moins "regarde moi faire du jogging autour de mon nombril".