Mardi soir, donc, c'était le spectacle de fin d'année de grande chérie et machin qui pue des pieds. Je passe sur le tableau affligeant que j'ai offert à l'assemblée, d'une mère en larmes à peine sa fille sur scène (au milieu d'une trentaine d'enfants hein, même pas c'était un solo). Je ne reviendrai pas là dessus, je travaille beaucoup sur moi même mais la moindre chorale d'école, aussi catastrophique soit-elle me fout par terre. Alors forcément, là, cette comédie musicale qui en plus était d'une rare qualité a ouvert les vannes.
Sauf moi.
Limite je n'ose plus aller voir les instits dans l'année parce que voir le petit bureau de grande chérie me transforme en guimauve. Même le bouge qui sert de table de travail à grand qui pue me file des sanglots. Alors je ne vous fais pas un dessin de ce qui se produit quand la maitresse commence à me dire des gentillesses sur eux. Les grandes eaux. Bref, j'ai une réputation épouvantable de femme fragile des nerfs pour le plus grand bonheur de mes enfants.
Quoi qu'il en soit, une fois de plus, à l'occasion de ce spectacle, grand machin m'a prouvé que les garçons et les filles, c'est pas pareil. Mais alors pas du tout.
Depuis deux jours en effet, ma fille était en panique en ce qui concernait son costume de scène. Rapport que y'avait deux représentations, l'une où elle devait être en robe blanche et l'autre en jean t-shirt. Et que dans la journée, elle voulait mettre son short kaki. Me demande pas pourquoi, ma fille elle a un syndrome de la tourette du short kaki. Tous les jours de l'année, qu'il neige ou vente, elle me demande si elle peut mettre son short kaki. La variante étant "est-ce qu'il fait assez beau pour que je mette une robe ?". Robe qu'elle ne met jamais, finissant toujours pas enfiler le short kaki.
Bref, on a frolé le nervous breakdown, aucun des scénarios proposés ne convenait. Pas question de mettre la robe par dessus le jean - "non mais elle est trop looooongue, ça va pas ou quooooooiiiii", inimaginable de la rentrer dans le short et hors de question de négocier avec la maitresse de jouer en short kaki. Au final la nénette est partie à l'école en baggy violet (me demande pas pourquoi là non plus, il y a des moments dans la vie d'une mère où il faut savoir ne pas poser de question) avec une robe blanche dans son cartable, son jean dans un sac ainsi qu'un t-shirt rose à bretelles que j'ai mis trois heures à retrouver, encore un connard de vêtement qui la nuit va se planquer au fond du sac à linge rien que pour faire chier.
Tout ça pour la retrouver à 19h avec le t-shirt d'une copine vu que les bretelles ça n'allait pas du tout dans le spectacle.
Donc disais-je, son père et moi on a cru devenir chèvres, toute la famille était suspendue à ces problèmes vestimentaires, on a failli appeler M6 pour qu'ils nous dégotent un coach histoire de nous aider dans cette épreuve parentale.
Et pendant ce temps là, machin qui pue faisait des barrages en kapla.
Le matin du D-Day, après avoir résisté à la tentation de trucider la chair de ma chair douze fois depuis son réveil et donc renversé l'intégralité du sac à linge, j'ai battu le rappel pour partir à l'école. Au moment de fermer la porte, je demande incidemment à mon fils (quand je dis qu'il faut savoir ne pas poser de questions, là justement, c'était THE time pour mettre cette leçon de vie à exécution): "Et toi, donc, t'avais pas de consignes particulières pour ce soir ? Pas de costume ?".
Là, sans se départir de son flegme - qui peut aussi devenir assez irritant, trop de coolitude tue la coolitude - il répond l'air de rien: "Ah, si, une chemise blanche, une cravate et un chapeau melon".
Cool, zen, maitrise de soi, visualisation de ce que je pourrais écoper pour infanticide, respiration abdominale.
- Et, heu, peux-tu me dire à quel instant tu avais prévu de m'en parler ? Parce que là vois-tu, ta soeur nous a pété les roustons pendant deux jours, mais au final, elle part équipée. En revanche, mon coeur, le chapeau melon, la chemise blanche et la cravate, en 34 secondes, ça ne va pas être possible, c'est non négociable, y'a pas écrit mary popins sur mon front, d'autant que je ne t'ai pas acheté de chemise blanche depuis deux ans, vu comment tu manges comme un cochon ce serait donner le bâton pour me faire battre. Quand à ton père il a UNE cravate qui remplace actuellement la ceinture de la chaise haute d'Helmut. Et alors le chapeau melon, je crois pouvoir assuré qu'on en n'a JAMAIS eu. Mais alors JAMAIS. Bref, tu te doutes que tu vas aller à l'école sans costume, hein ?
- Non mais calme toi maman. De toutes façons je vais mettre ma veste en jean, ça fera pareil.
Je ne trouve pas les mots pour décrire le regard consterné et lourd de mépris que sa soeur a posé sur lui à cet instant précis.
Quand à moi, je cherche encore EN QUOI une veste en jean c'est pareil qu'une chemise blanche avec cravate et chapeau melon.
Non, vraiment, y'a pas que la barre du Y qui leur manque.