Un peu plus et les vacances tant attendues en Corse on pouvait s'asseoir dessus. C'est qu'hier soir on a failli mourir. Si. Connement en plus, si tant est qu'on puisse mourir intelligemment.
Figurez-vous, gensses de la netterie, que donc hier, passablement émèchés, l'homme, ma copine zaz, son frédé et Zebigdave - ce qui fait donc cinq personnes moi compris et ce détail n'en est pas un -, on revenait d'une fort bonne soirée sur les quais de Seine durant laquelle nous avions célébré comme il se doit le PACS de doux amis Jef&Fanny.
Au passage je recommande absolument la guinguette attenante au bateau phare qui sert des mojitos certes prohibitifs mais efficaces en terme de saoulerie et permet également de manger des entrecôtes grillées accompagnées de patates cuites au barbeuc de la meilleure facture.
Bref, je reprends mon fil et mes esprits et te narre notre mésaventure.
Sachant qu'hier je ne parlais pas aussi bien à une heure du matin quand il a s'agit de repartir dans nos pénates. C'était plutôt du genre: "ouéééééééé, vive l'amuuuuur, et aussi le seske, beaucoup le seske, avec du rhum dedans, aïe, mon panari je l'ai encore cogné sur un truc (oui, j'ai un panari au gros pouce, c'est pas ce que j'ai fait de mieux dans ma vie)..."
Donc, disais-je, pleins de joie de vivre et aussi de Gamay ma foi délicieux, nous nous sommes séparés des tourtereaux pour reprendre notre voiture garée au parking de la très grande bibliothèque. Et parce que l'effort n'est pas notre ami, nous avons décidé d'emprunter l'ascenseur pour descendre un malheureux étage, plutôt que les escaliers.
Mal nous en a pris puisqu'après douze centimètres environ, la bête s'est bloquée.
Au bout de deux secondes j'ai manqué d'oxygène de façon évidente. Ensuite j'ai bien senti que si je ne voulais pas être la première sacrifiée au cas où faudrait commencer à se manger les uns les autres, je ferais mieux de me taire.
On a donc appelé à l'aide en appuyant sur le bouton avec la cloche, celui que tu rêves de presser quand t'es gosse.
Preuve que les rêves d'enfants ne sont pas tous faits pour se réaliser.
Parce qu'à l'autre bout, au lieu de trouver Bruce Willis, c'était plutôt ça:
- Bonsoiw, ugences ascenceurs à vot' écout" ?
- Oui, bonsoir chère madame, on est coincés, là.
- Où ça, vous êtes coincés, si vous plait ?
- Heu... dans un ascenseur de votre compagnie, madame. Vous ne nous localisez pas, là ?
- Par'lez plus fowt, s'il vous plait, je ne vous entend pas. Dans quelle ville êtes-vous messieurs-dame ?
Putain qu'on s'est dit, elle est à Minsk, la fille. Ou à Point-à-Pitre.
Qu'à cela ne tienne, on a déployé des efforts pas croyables pour ne pas ricaner connement devant l'absurdité de la situation histoire de ne pas se la foutre à dos.
Sauf qu'après on a réalisé qu'on ne connaissait pas le nom de la rue dans laquelle on se trouvait (ça je peux le dire aujourd'hui, plus jamais je ne prends un ascenseur sans noter la latitude et la longitude à laquelle je me situe. Parce que si tu crois que le service de dépannage il a un grand panneau avec des boutons qui s'allument à l'endroit où y'a un blème, tu te plantes. Le service de dépannage est délocalisé à bucarest et emploie une seule et unique personne qui n'a pas suivi les cours de psychologie nécessaires pour rassurer cinq clampins coincés dans un mètre carré).
Et l'histoire du nom de la rue qu'on avait oublié, c'était pas en notre faveur. D'autant que l'interphone coupait toutes les 3 secondes. Et que la dame s'obstinait à nous demander une chose: un numéro auquel nous joindre.
Sauf que l'ascenseur, nous a expliqué Frédé l'ingénieur, c'est une cage de faraday.
Putain, enfin j'en voyais une. Le rêve d'une vie.
Le problème c'est que la cage de faraday te protège de la foudre mais aussi des ondes de portables, à priori.
Mais pas grave, notre copine ça l'a pas découragée, à chaque fois, elle nous demandait un numéro où nous appeler.
A un moment c'est zebigdave qui a pris les choses en main et qui a EXIGE un délai d'intervention au motif que là quand même on ne se sentait pas super bien, en plus que moi j'avais un panari.
Il aurait pas dû.
Demander un délai.
Il y a des circonstances où l'ignorance est souhaitable.
"Entre quawante-cinq minutes et deux heuwes, monsieur".
Zebigdave ça l'a pas fait rigoler. Il a dit: "c'est une blague ?" Et on voyait bien qu'il aurait moyennement saisi le sens de l'humour de la chose.
"Ecoutez monsieur, déjà, je vous ai localisés, mais le technicien est sur une autre intervention, il viendra apwès".
"LE technicien ?", qu'il a vociféré, zebigdave, avec moi derrière qui disait: "parle lui du problème de l'oxygène", et ça j'ai bien vu aussi que ça l'énervait.
"Oui, monsieur, c'est le mois d'août, je sais qu'il fait chaud, mais on ne peut pas faire autwement, alors il faut être patient".
"Mais on EST PATIENTS", qu'on a crié en coeur, "sauf que là on meurt de chaud", qu'on a chouiné.
Sauf Frédé qui pendant ce temps là faisait des prouts en essayant de diriger ses fesses vers la sortie pour ne pas nous importuner.
L'homme, lui, il était en train de décoincer une cochonnerie de ses dents.
Moi je tentais de juguler une panik attack en usant de mon talent de photographe. Autant que le Blackberry mes couilles serve à quelque chose.
Et là, notre copine de Bakou, elle a eu cette phrase merveilleuse:
"C'est à vous de voir, messieurs dames".
Non, mais qu'est-ce qu'elle imaginait, qu'on jouait à qui veut gagner des millions et qu'on avait le choix entre le coup de fil à une amie, le 50/50 ou l'indice de Jean-Pierre ? "A vous de voir". Putain, la seule chose qu'on voyait c'est qu'on allait crever et qu'encore heureux qu'on était que 5 et pas 8 comme l'autorisait la cabine. Là, avec les prouts de Frédé, on y passait direct. Sans compter que zaz s'y était mise.
Bref, on a pris notre destin en main et à un moment, justement, Frédé le pétomane a choppé du réseau et a appelé les pompiers. Je dois avouer que j'ai un peu eu envie de lui à cet instant, mais à mon avis c'est à cause du danger et de l'ascenseur. En plus y'avait zaz en face et ç'aurait été gênant. L'homme par contre était bien trop occupé avec son cure dent pour en éprouver une quelconque jalousie.
Et voilà qu'après une bonne heure d'attente en tout mais juste dix minutes après le coup de fil miraculeux, pas moins de douze pompiers sont venus nous libérer. On était genre à 45 centimètres du sol, en fait. Tu parles d'une opération commando.
Quand j'ai vu le défibrilateur, j'ai souhaité ardemment que mon coeur s'arrête pour qu'ils s'en servent sur moi.
Mais les pompiers, bien que bien élevés, nous ont tout de suite fait comprendre que rapport à notre excellent état de santé - ça se voyait qu'ils avaient pas dû supporter les émanations de gaz de Frédé qui je pense n'a pas des intestins très fringuants - on leur avait fait perdre du temps.
Oui, absolument, on s'est fait engueulés en plus.
Alors que pas une seule fois j'ai refusé d'acheter le calendrier.
Et que quand même, si on avait attendu que LE technicien revienne de guadalajara pour nous libérer, bonjour, quoi, non ?
Edit: Le titre c'est pour les initiés du Père Noël qui est une ordure.
Allez, une petite dernière photo pour la route, non, ce n'était pas aux Chandelles pendant une soirée échangiste, c'est bien dans ce réduit que nous avons survécu, à cinq dont un molosse aérophagique. Qui nous a malgré tout sauvés.
Edit2: A l'heure actuelle l'homme a toujours un truc coincé dans les dents.