Hier, donc, c'était la journée de la femme. On pourrait penser que si je n'en parle qu'aujourd'hui c'est pour me distinguer, sauf qu'en réalité, j'avais totalement zappé. Ce qui donne une indication sur l'intérêt que je porte à ce type de manifestation, qui me laisse aussi froide que la fête des mères, des pères, des grand-pères ou des espèces en voie de disparition.
Il n'empêche que forcément, après avoir été abreuvée de tweets sur le sujet, de une de libé et autres débats enfiévrés autour de LA polémique du moment, à savoir le bouquin à succès d'Elizabeth Badinter, j'ai tout de même envie d'y mettre mon grain de sel.
Autant le dire de suite, je n'ai pas lu "Le conflit" qui fait couler tant d'encre. Je l'ai acheté, deux fois, même, puisque j'ai eu l'intelligence d'oublier le sac relay dans le train. Mais pas encore ouvert, va savoir pourquoi.
ça ne m'empêche pas d'avoir un avis, vu le nombre d'extraits publiés ça et là, je vois à peu près de quoi il retourne.
Et mon avis, une fois de plus, ai-je envie de dire, c'est que je n'en ai pas vraiment. Enfin, si, mais en gros, je ne suis pas d'accord... avec moi même. C'est un vrai problème, croyez-moi, de ne pas être capable d'avoir un avis tranché. j'adorerais pouvoir écrire qu'Antoinette Fouque est une conne, Sylviane agacinskii une abrutie et Elizabeth Badinter une flèche plantée droit dans le coeur des sales machistes.
Sauf que non, je n'y parviens pas, à chaque fois que je crois être à un cheveu d'une certitude, une petite voix en moi vient m'avancer un argument imparable. ça marche aussi avec n'importe quel contradicteur.
Exemple. L'allaitement. Je suis d'accord avec Lizzie Badinter quand elle déplore la pression infligée aujourd'hui aux femmes qui ne souhaitent pas faire fonction de garde-manger ambulant. Je considère que cette idéologie du nibard gorgé de lait est un recul pour le droit des femmes à disposer de leur corps.
Sauf que voilà, j'ai adoré allaiter mes enfants, particulièrement number three, les jumeaux ce fut plus compliqué pour x raisons mais ce n'est pas le sujet. J'ai tellement aimé ça que j'ai eu du lait pendant les six mois qui ont suivi son sevrage et que je ne peux pas aujourd'hui regarder une femme donner le sein sans saigner à l'intérieur de moi même, réalisant que plus jamais ça ne m'arrivera. Etais-je asservie, étais-je devenue durant ces huit mois de félicité une pauvre cruche revenue à l'état d'animal sans cervelle ? Je ne pense pas, peut-être parce que j'ai tout simplement choisi de le faire, sans que personne ne me force ou m'oriente. Bref, je suis d'accord avec Badinter, vade retro les hystéro du téton qui prédisent stérilité, débilité et autres joyeusetés aux enfants biberonnés. Mais pour autant, si je pouvais, je remettrais Helmut au sein là tout de suite maintenant s'il y avait la moindre chance que ça puisse la faire rapetisser...
Je pense aussi qu'il est peut-être un poil simpliste de résumer le féminisme à cette question de l'allaitement et de l'instinct maternel. J'aurais presque tendance à dire, si j'étais mauvaise langue, que madame Badinter savait très bien qu'un tel discours ferait vendre. Je l'attendais personnellement sur autre chose.
Autre exemple ? Cette histoire de victimisation des femmes, que fustige Badinter, estimant que les féministes d'aujourd'hui sont trop geignardes et ne servent pas la cause des femmes en réclamant à tout prix la parité et l'égalité des salaires. Ok, je suis d'accord, être pour des quotas et insister en permanence sur tout ce qui est infligé aux femmes, c'est quelque part reconnaitre que nous sommes des êtres faibles qui ont besoin de la loi pour les aider à accéder à l'égalité. Sauf que c'est quoi la solution ? Le fait est que les différences sont criantes en terme de promotion, d'accès aux postes de direction ou de revenus. Pourquoi ? Parce que dès la plus tendre enfance, les femmes sont conditionnées à ne pas attendre autant que les hommes, parce qu'elles font des enfants et que n'en déplaise à Elizabeth Badinter, la biologie nous a créées différentes des hommes, parce que les congés maternité sont la terreur des employeurs et qu'une fois les bambins nés, il ne vient pas souvent à l'esprit des hommes que ça peut être à eux de rentrer plus tôt. Donc bien sûr, je suis d'accord, invoquer cette "différence" à tout bout de champ et même l'utiliser comme argument comme le font certaines nouvelles féministes qui justifient par exemple le retour à la maison des mères, c'est assez abject. Mais ne pas tenir compte de cette réalité qui est que nous seules sommes en mesure d'enfanter, c'est se voiler la face, non ? Voilà, une fois de plus, pas d'accord. Ou un peu avec tout le monde. Si je réfléchis bien, je me dis que la solution, c'est bien sûr de prévoir des modes de garde adaptés, une plus grande souplesse horaire pour les mères ET les pères, cesser de remettre en cause les 35h, etc etc etc. Mais là aussi, c'est moins vendeur, chiant, même. Pourtant, tant que la grossesse sera neuf fois sur dix synonyme d'une stagnation salariale et de la carrière, les femmes seront en effet fragilisées et auront besoin que la loi les aide.
Autre exemple ? Le congé parental. Personnellement, je suis contre. Pourquoi ? Parce qu'au terme de ces trois années avec bébé, la plupart des femmes ne parviennent pas à retourner au boulot. En général, elles se retrouvent placardisées, elles ont perdu leurs réflexes et leur confiance en elle, elles se sont peut-être également habituées à ne plus être "contraintes" à travailler. En même temps, si c'était plus encadré, si les hommes aussi choisissaient de s'arrêter un temps, si ça entrait dans les moeurs, vraiment, si la majorité des femmes optant pour cette solution n'étaient pas celles dont le boulot est mal payé et peu qualifié, peut-être que cette période d'accompagnement du tout petit serait moins risquée pour les femmes... et les hommes.
Je ne vais pas continuer ainsi à l'infni - alors que je le pourrais, j'en ai encore des tas, d'interrogations - je sens que j'ai été longue et moyennement marrante. Mais ce que j'essaie maladroitement d'exprimer, c'est que je suis assez lasse de cette guéguerre entre anciennes et nouvelles féministes. Je ne supporte pas l'idéologie, pas plus celle d'Elizabeth Badinter que celle des féministes écolos qui ne jurent que par les couches lavables.
Tiens ! Quand même, les couches lavables ! Quelle question, je suis contre ! Attends, je serais du genre à ne me servir que d'assiettes en plastique si je n'avais pas de lave-vaisselle, alors aller frotter le caca d'Helmut, des clous ! Ceci dit, c'est sûr, si dans dix ans on m'apprend qu'elle a un cancer des fesses à cause de ma faignantise, je ne ferai pas ma maligne. Pas plus que je ne suis fière à l'idée d'être responsable du changement de sexe des poissons en raison de mon stérilet hormonal. Tout ça pour dire que je respecte totalement celles qui font le choix de revenir aux couches en tissu ou tout autre procédé évitant de transformer à terme les crapauds en grenouilles, mais que je veux avoir le choix de me faciliter un tout petit peu la vie, sans qu'on me donne la désagréable impression d'être du côté de la force obscure.
J'en viens à ma conclusion. Si je devais adhérer à un courant féministe, j'en choisirais un qui ne juge pas. Ni les allaitantes, ni les biberonneuses. Ni les adeptes des règles abondantes, ni celles qui ne jurent que par la pilule. Ni les femmes au foyer, ni les mères indignes qui rentrent tard et voient leurs enfants un soir sur deux. Un mouvement qui bannirait cette satanée culpabilisation qui nous poursuit depuis qu'Eve a soit-disant croqué la pomme. Un mouvement qui s'attaquerait surtout à l'essentiel, le combat pour l'éducation des femmes, pour que toutes les petites filles soient élevées dans l'idée que rien ne leur est interdit en raison d'un pénis qu'elles n'ont pas. Un mouvement qui s'attacherait moins à ses idoles, ses vieilles chapelles et leurs best sellers et un peu plus aux femmes, à toutes les femmes...
En vous remerciant.
Edit: Si les commentaires pouvaient ne pas se transformer en apologie de la moon cup, en descriptif des couches lavables tellement plus simples qu'on ne le croit ou en sarcasmes anti-allaitement (ou l'inverse) ça m'arrangerait...
Edit2: Mon titre est pompeux mais il résume tout de même très bien ma pensée. Quand à la photo, c'est parce que je souhaite pour mes filles qu'elles se libèrent par le savoir. A mon fils aussi.