J'ai connu Julien et Chloé en 1990 à Grenoble. Ils venaient d'Annonay et moi de Lyon, Chloé était avec moi à Sciences-Po et Julien l'avait suivie par amour alors qu'ils n'étaient ensemble que depuis quelques mois.
Très vite, j'ai pris mes quartiers chez eux. Il faut dire que j'avais à l'époque trouvé un appartement de liliputien très loin du centre ville, persuadée quand je l'avais visité de me trouver au coeur de Grenoble. Au coeur du quartier qui craignait, ça oui. Pour le reste, big mistake.
Bref, je squattais régulièrement chez eux, dans leur petit nid pas franchement chic non plus, à deux pas de la voie de chemin de fer et doté de sanitaires plus que douteux. Je ne rentrerai pas dans les détails mais sachez que si un jour vous avez besoin de sauver votre sanibroyeur d'une attaque sauvage de tampax, Julien a quelques compétences en la matière.
Je passerai aussi sur les cuites multiples et variées qui ont accompagné ces années de pipolitique ainsi que sur les cultures assez particulières de Julien qui à l'époque travaillait à Jardiland. On s'est suivis ensuite à Paris, Chloé m'y a supportée dans tous les sens du terme à une époque où disons le clairement j'étais tout bonnement en dépression nerveuse avec appels en pleine nuit sur le mode "Je vais mourir, là je le sens, j'ai quelque chose qui cloche, les médecins ne le voient pas mais c'est grave". A tel point qu'un matin, sur ordre maternel, Chloé est venue me chercher, a fait mon sac et m'a mise dans un train pour Lyon, histoire que j'aille me remettre la tête à l'endroit. Ce qui a pris quelques mois et qui a probablement coûté à mes parents une palanquée de nuits blanches. Mais ce n'est pas le sujet.
1995, retour à Paris, re-squattage chez mes parents alternatifs, Julien et Chloé de leurs prénoms. A trois dans une piaule de 8m carrés au 7e étage d'un immeuble chic. Quand l'un se retournait la nuit, les deux autres aussi, bien obligés. Pour eux c'était sûrement chiant, pour moi c'était rassurant, leur zénitude, leur calme en toute circonstance, leur penchant pour la bonne chère aussi.
J'ai fini par me trouver un home - pas très sweet - home (c'était les années découvert à la banque et coquillettes à tous les repas), mais pas trop loin quand même de chez eux. Quand ils sont partis à Mâcon, puis à Annonay, j'ai eu un peu de mal à m'habituer à ne plus pouvoir aller boire des coups chez Camille à Montmartre avec mes deux Ardéchois. Heureusement qu'il m'en restait un, le fidèle coincoin.
Je ne vais pas vous raconter l'intégralité de ces vingt années, mais disons que finalement, on s'est retrouvés dans la même ville à Paris, qu'on a fait des enfants presque en même temps et qu'on pourrait, je crois, encore cohabiter dans 8m carrés sans que ça pose énormément de problèmes. Et ce même avec notre chiée de gosses. D'ailleurs pas plus tard que la semaine prochaine, on embarque les nains et on se fait un week-end en roulotte. Normalement ça ne devrait pas être plus exigu que la péniche qu'on avait louée un été. Moi je dis, tant que Chloé n'oublie pas son tire-bouchon, peu importe le flacon, pourvu qu'il y ait l'ivresse, quoi.
Pourquoi je mes perds dans mes souvenirs aujourd'hui, au risque de vous endormir ?
Parce que samedi, on a fêté les 20 ans d'amour de Julien et Chloé qui sont pas du genre à se marier. Et que Julien, pour la peine, nous a carrément invités, avec le Coin-coin et sa Fanny, au "Quinzième". Le restaurant de Cyril Lignac. Un peu la classe, le bonhomme. Julien, je veux dire. Lignac aussi, hein, mais en l'occurrence, c'est Julien qu'a raqué.
Je ne suis ni photographe culinaire, ni critique gastro, ni même blogueuse de bouffe. Mais j'ai un palais pas trop con non plus. Et il a carrément apprécié ce qu'il a goûté. Six plats, tous aussi fins les uns que les autres, des mises en bouche divines, des vins parfaits, un service digne d'un trois étoiles, une table ronde comme j'aime avec banquettes pour s'affaler sur la fin quand le bouton du pantalon est menacé d'expulsion. Et à la fin, cerise sur la mignardise, la star des fourneaux qui vient gratifier tout le monde d'un petit mot et accepte de bonne grâce les photos des fans.
Je vous laisse donc avec les photos prises ce soir là, en embrassant fort fort fort mes chers amis, pourvu que les 20 années qui s'annoncent soient au moins aussi belles que celles qui viennent de passer...
ça c'est du foie gras mi-cuit avec une gelée de fraises des bois. Servi avec une brioche chaude. Orgasme.
ça c'est des gnocchis aux morilles avec asperges à peine cuites. J'ai fini la sauce à la petite cuiller, j'aurais pu lécher mon assiette. Le churros l'a fait.
ça c'est du cabillaud "cuit très doucement" dans un bouillon de langoustine. Toujours avec des asperges, y'en avait aussi dans presque toutes les mises en bouche, moi j'adore ça, mais peut-être que ça peut en lasser certains.
ça c'est le trou normand sans alcool (avec mise au point plutôt sur le beurre mortel qui est à gauche, Peter Lindbergh a encore de belles heures devant lui), un sorbet de mandarine avec jus de menthe et feuille de shizo. Après ça, tu as l'impression que tu peux à nouveau rempiler pour trois ou quatre plats. Ce qui tombe assez bien vu que...
... vu que donc, on enchaîne sur une pièce de boeuf à se taper le fondement par terre en poussant des cris de joie. Petit bémol et ce sera le seul, l'aubergine confite à côté n'était pas assez cuite à mon goût. Mais rien que pour le jus moi je dis...
ça c'était pas au menu mais voilà, c'est pour les amatrices de moquette ardéchoise. Sûre que caro d'ardèche en reconnaîtra le propriétaire.
Premier dessert, une glace au yuzu, un agrume japonais, avec de la gelée incroyable et des mini-meringues. Explosion de saveurs en bouche.
Deuxième dessert, un sorbet de fraises des bois servi avec une meringue craquante et une crème légère à la dragée. Un dessert pour princesses au bec sucré.
Dernier dessert et pas le moindre, 100% chocolat, une mousse avec des pépites qui explosent en bouche (genre sucre magique) et sorbet cacao à peine sucré.
Enfin, des mignardises, servies avec ou sans café. La sucette est en réalité un mini esquimau et le chou est rempli de crème au caramel beurre salé. Tuerie.
ça c'est la preuve que j'ai totalement intégré les principes zermatiens. Genre je n'ai pas hésité à en laisser. Ok, la moitié d'une mignardise. Mais quand même. Non ?
ça c'est quand Cyril est tombé raide dingue d'une blonde incendiaire. La chance. Par contre c'est lui qui a une petite tête ou c'est la blonde qui a le melon ?
Edit: Oui, en effet, je suis la naine du groupe ce qui explique qu'on voit un poil ma trombine sur la photo souvenir. J'ai longuement hésité à mettre a photo en entier mais je sais que mes amis tiennent à leur anonymat, ils ont envie de se curer le nez tranquille au Monoprix, eux. Joke.
Edit2: Je n'ai aucune idée du prix de ce que j'ai dégusté rapport que c'est Julien qu'a raqué donc pas trop possible de dire si c'est honteusement cher ou non. Tout ce que je sais c'est que c'était un sans faute et qu'à aucun moment je ne me suis dit que ça sentait l'opération marketing people ou je ne sais pas quoi. Vous pouvez en savoir plus sur le site du restaurant
Edit3: Un bébé s'est caché sur l'une des photos, sauras-tu le reconnaitre ?