"Après avoir bossé pendant deux mois chez Fauchon au rayon viennoiserie, j'avais pris cinq kilos. Il faut dire qu'un pain au chocolat par jour, c'est fatal, personne ne peut s'en sortir sans grossir".
Cette confidence m'a été faite récemment par une charmante jeune femme, professeure de cupcakes de son état, je vous reparlerai d'ailleurs sans tarder de son savoir faire démoniaque.
Je n'ai rien répondu, je ne suis pas l'attachée de presse de Zermati, ni un gourou de la nutrition qui chercherait à répandre la bonne parole un peu partout. Mais en moi même, j'ai souri.
Tous les matins en effet, depuis bientôt un an, je déguste mon pain au chocolat ou mon croissant au beurre, acheté dans la meilleure boulangerie du monde, détentrice de je ne sais combien de médailles d'or pour ses viennoiseries. Je les mange avec un plaisir intact, vingt ans de moratoire sur la pâte feuilletée, ça laisse des traces.
Tous les matins, donc, je défie les lois du bien manger inculquées avec obstination aux enfants depuis des générations.
Et tous les matins, je constate sur ma balance qu'on peut tout à fait boulotter un pain au chocolat sans prendre un gramme. Mieux, on peut se permettre cette douceur et maigrir. Beaucoup. Parce que le docteur Zermati m'a mise en garde il y a de ça déjà quelque mois, sur les risques pour mon équilibre personnel d'afficher ma perte de kilos, je ne m'étendrai pas sur les chiffres. Mais ce que je peux dire, c'est que cette méthode me convient manifestement mieux que toutes celles éprouvées jusque là.
Je ne sais pas ce qu'il en sera dans un an, je ne sais pas ce que la vie me réserve, la seule certitude à vrai dire c'est que je ne diabolise plus le carré de milka à la fin d'un repas, que je fais parfois la razzia des pringles onion and sour à l'apéro, que je m'achète, le mercredi, fréquemment, ma part de flan. Et que tout ça ne me rend pas malade de culpabilité. Je sais aussi que je mange moins, rassasiée beaucoup plus vite, que les jours de gros cafard, quand rien d'autre ne me tente qu'une douceur, je m'assieds et je cède à la pulsion, en me concentrant sur le réconfort que ça m'apporte.
Je sais aussi que d'autres jours, quand les enfants ne sont pas là, que j'allume la télé et que je décide de faire mon repas devant comme avant, je me surprends à avaler sans goûter, sans compter, à me remplir comme une oie que je voudrais gaver. Je suis alors saisie d'un angoisse terrible que "ça" recommence, que les vieilles habitudes reviennent insidieusement, que tout le chemin parcouru débouche sur une voie sans issue.
Et puis je me rappelle ces mots du docteur Z, sur l'amaigrissement qui n'est pas une fin en soi, sur le fait que je ne verrai pas ma vie changer du tout au tout si d'aventure je reprenais du poids. Je me souviens que c'est cette terreur qui risque de me perdre, ce dégout de moi.
Alors le lendemain, j'attends la faim. Quand elle vient, j'entends ce qui est devenu mon credo: "ce qu'on mange quand on a faim ne fait pas grossir". Et je demande mon croissant à la boulangère.
Voilà où j'en suis aujourd'hui, pas totalement détachée, plutôt détendue mais pas prête à renoncer malgré tout à ce mieux-être savouré quotidiennement, parce que c'est peut-être là mon seul désaccord avec le docteur Z, en tous cas pour l'instant: être plus mince me rend vraiment plus légère. Je sais qu'il ne serait pas ravi-ravi si je le lui confiais de visu, je sais pourquoi aussi. Mais je me demande si docteur Z a déjà eu les cuisses qui frottent sous une jupe au point d'en saigner. Je suis presque sûre que non. C'est probablement ce qui lui permet d'affirmer avec autant d'assurance que regrossir ne serait pas si grave.
Histoire à suivre, en somme...