La semaine dernière, le machin est parti en colo. Séjour "eaux vives" dans le Gave de Pau. Au moment de préparer le sac, il a eu droit aux douze mille recommandations de ses parents, assez perplexes à l'idée de laisser partir un enfant à qui il manque manifestement une ou deux rams de mémoire, dans un endroit jonché de dangers multiples et variés: rivières, lac, piscine, parcours d'acrobranche, etc. Dire qu'on l'a sermonné serait bien en deça de la réalité: "Tu penses à mettre ton gilet de sauvetage à CHAQUE activité nautique. Quitte à dormir avec s'il faut. A l'acrobranche, tu vérifies que ton harnais est bien fermé. Tu ne pars pas comme un dératé dans ton truc de rafting, là, sans prévenir les monos. Tu ECOUTES les consignes qu'on te donne. Tu ne vas pas nager sans prévenir qui que ce soit. Tu ne manges pas les baies sauvages. Tu ne sors pas de l'enceinte du camp. Si tu es perdu tu cherches un policier. S'il n'y en a pas tu te rabats sur un garde forestier. Au pire tu cries. Fort. etc etc etc."
Après le chapitre "sécurité", on est passé à la composition du sac à dos, tentant en toute perte de faire mémoriser au machin l'endroit où se trouvaient les objets de première nécessité. Sachant que lui et nous n'avons pas la même interprétation du terme et qu'il est apparu évident lors de l'interrogatoire post-démonstration que le seul objet dont il avait enregistré la localisation était sa console de jeux. Par contre pour la brosse à dents, le gant de toilette, les 34 tee-shirts demandés par les organisateurs ou autres maillots de bain, autant admettre qu'il n'avait absolument rien retenu.
On l'a donc laissé partir, la boule au ventre et à peu près certains qu'on ne le reverrait plus jamais ou alors si mais tellement sale et mal odorant qu'on ne serait pas sûrs de vouloir le reprendre. La dernière supplique fut qu'il utilise, cette fois-ci, le gel douche corps et cheveux, là dans la poche latérale gauche. L'année dernière, lorsqu'on eut constaté que le flacon était encore hermétiquement fermé au retour, le machin nous avait expliqué sans ciller - les enfants ont une incroyable capacité à garder leur sérieux quand ils se foutent ouvertement de ta gueule - qu'il avait voulu faire un geste pour l'environnement et avait par conséquent opté pour un lavage à l'eau. Et mon cul c'est du poulet. Bio.
Bref, le machin et son copain Mathurin, fils de mes chers amis J. et C. (ils préfèrent garder leur anonymat sur ce coup là) sont finalement partis avec l'air ahuri qu'ils ont en commun et le flegme légendaire qui leur appartient. Et nous, toute la semaine, on a glosé sur ce qu'ils allaient oublier, sur les pauvres monos qui allaient devoir les gérer, immatures et dépourvus d'autonomie qu'ils sont.
Il faut croire qu'on était tellement occupés à dénigrer les fruits de nos entrailles qu'on a été en revanche moins pointilleux qu'il aurait fallu sur les deux trois choses que des parents dignes de ce nom se doivent de retenir.
Trois fois rien, hein.
Au hasard, la date de leur retour.
Qu'on avait tous notée - le fruit d'un travail collectif - comme étant le 18 à 23h20 à Montparnasse. C'est à dire que le churros avait demandé à J., qui avait demandé à C., celle-ci étant catégorique, c'était dimanche soir. Moi j'avoue, je n'ai carrément ni regardé ni m'en suis inquiétée. Mais le fait est, on était tous les quatre dans les starting block pour le 18 au soir.
D'où notre grand étonnement lorsque samedi, le 17, donc, à 23h55, nous avons reçu un coup de téléphone assez agacé du mono en chef, nous prévenant que le machin et mathurin étaient les deux seuls enfants dont aucun parent n'était encore arrivé pour venir les chercher. Gare Montparnasse, quai n°5. Là, maintenant, tout de suite. Et qu'en l'absence de nouvelles de notre part dans les 5 minutes, ils se verraient obligés de les emmener au commissariat.
Dans l'échelle de l'indignité parentale, je crains que ces pauvres J et C soient un peu plus haut placés que nous, parce que ce coup de fil, ils l'ont reçu alors qu'ils étaient en week-end à la campagne, à 300 bornes de Paris. Nous, on était juste au cinéma après avoir enquillé quelques verres. Ce qui n'est pas super glorieux mais qui nous rendait malgré tout plus à même de rattraper le coup.
Ok, on n'est pas super défendables non plus.
Mais je tiens à signaler, si ça peut compter au moment du jugement dernier, que nous n'avons hésité que cinq minutes avant de détaler comme des lapins de la salle pour sauter dans un taxi. Je passerai assez rapidement sur la honte qu'on s'est pétée dans une gare montparnasse vide à l'exception de nos deux lardons, leur gros sac à dos même pas oublié dans le train et une dizaine de moniteurs nous applaudissant sur l'air de "Ils sont vraiment, ils sont vraiment... phénoménaux, la la la...".
Ou comment perdre, pour une bête erreur de date, tout son capital crédibilité pour les dix années à venir. Au bas mot. Va engueuler ton gamin parce qu'il a - encore - oublié son cahier de texte. "Oui mais toi tu m'as laissé sur le quai n°5, remember". ça, ils vont pas devoir aller la chercher bien loin, la répartie.
Edit: Par contre, je tiens à préciser que s'ils n'avaient rien oublié - eux - les deux enfants sentaient un mélange étrange de merde de chien et de rat crevé. Apparemment, la planète a de beaux jours devant elle, en tous cas faudra pas me dire que c'est l'excès d'utilisation de gel douche corps et cheveux Mennen qui a causé le changement de sexe des poissons dans le gave de Pau.