J'avais oublié que c'était bon de prendre un verre, puis deux, puis un dernier, et de rentrer chez soi par le dernier métro ou presque, un sourire idiot collé sur la figure.
J'avais également oublié l'enclume sur la tête le lendemain.
N'empêche qu'hier, j'étais entre tolbiac et porte d'Italie souriant niaisement, quand un grand gars qu'on pourrait qualifier des quartiers - casquette vissée sur la tête, grosses ray-ban aviateur sur le nez, bijoux de rappeurs - assis en face de moi m'a adressé la parole, avec une politesse légèrement affectée (genre je suis correct mais je me fous un peu de toi): "Madame, vous n'auriez pas une cigarette, vous avez l'air d'une fumeuse ?" (j'ai conscience que ce n'est pas un compliment, même si je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est quand même un peu cool).
Magananime, (bourrée), je ne quitte pas mon rictus débile et je lui sors une cigarette slim de fillette, en espérant qu'il ne va pas prendre ça pour une insulte déguisée, du style, tiens ta clope tapette.
"Hey, elles sont toutes petites, vos cigarettes, madame, donnez-moi en deux, s'il vous plait, ça sera mieux".
Ok, donc non seulement ça se voit que je suis fumeuse mais apparemment il y a aussi écrit en indélébile sur mon front que je suis un gros pigeon, que j'ai pensé, à l'aide de mes deux neurones encore sobres (les autres ne leur avaient laissé que la menthe et le citron vert, je ne vous dis pas les engueulades, ils m'ont saoulée).
D'ordinaire, vu la taille du mec, j'aurais filé le paquet, en priant pour qu'ensuite il ne me viole pas (je suis du genre à avoir peur qu'on me viole même à 4h de l'après-midi au beau milieu du Monoprix) (Alors qu'il y a de grandes chances que jamais personne n'ait même pensé un jour à me violer).
J'aurais donc donné le paquet, mon sac, ma carte bleue et le code. Au moment de la distribution de courage je devais être en train de faire caca, je ne vois que ça.
Mais là, l'alcool aidant (comme quoi ça n'a pas QUE des mauvais côtés, ça se saurait), je lui ai fait un plus grand sourire encore (= une grimace terrifiée) et j'ai refusé: "Non, une déjà, c'est bien".
Ecrit comme ça, ça en jette mais la vérité c'est que j'en menais pas large dans mon tanga.
Mais à mon grand étonnement, passée la surprise de m'entendre lui dire non (je rappelle que j'avais affaire à un profiler de la victime parfaite), il a carrément lâché l'affaire et s'est même fendu d'un merci et bonne soirée.
Comme quoi.
(J'adore dire comme quoi).
Si on était dans un épisode de Greys Anatomy ou autre série ricaine, on se dirait que la peur est mauvaise conseillère, que savoir dire non c'est se respecter, que les autres se comportent avec toi comme tu les autorises à le faire et encore tout un tas de bullshits.
Mais hélas on est juste à Paris 13e et je crois que le mot de la fin c'est que la picole fausse le jugement et désinhibe, pour le meilleur (là) ou pour le pire (autre gars, autre clope). Et aussi que souvent, les bijoux bling bling, les casquettes de rappeur et tout qui va avec cachent un coeur d'or. Ou pas.
Edit: Hier, miraculeusement, un spermatozoide et un ovule se sont tournés autour et fait la cour. Et alors que les conditions n'étaient pas optimales, il semblerait que la rencontre ait fait des étincelles. Hier, ma copine Lily m'a mis ce texto qui m'a bouleversée, suivant pas à pas son épopée depuis deux ans: "Il y a un embryon !!!!!". Il reste des dizaines t'étapes, comme elle le raconte si justement sur son blog, il faut que ce micron bébé tienne le coup pendant son transfert et s'accroche comme un champion dans sa nouvelle maison. Mais voilà, quoi, c'est une si bonne nouvelle...