Hier, je trafiquais je ne sais pas quoi sur mon ordinateur, avec en bruit de fond les bavardages de la chérie et du machin. Ils bavardent beaucoup. Le reste du temps ils s'engueulent.
Je les entendais sans vraiment les écouter, quand le sujet de leur conversation a éveillé mon intérêt.
"C'était bien, Trouville, hein, on s'est trop marrés (immense satisfaction de la mère qui a su donner du bonheur à ses enfants) - Ouais, c'était trop cool, j'ai trop (ils disent "trop" tout le temps, ce n'est pas mon style qui s'émousse, c'est une retranscription réaliste de la conversation, ndlr) envie qu'on y retourne, des week-ends comme ça on en voudrait tout le temps (on y retournera mes amours, c'est précieux, cette faculté de jouir du temps présent, de reconnaître le plaisir quand on l'éprouve, je suis fière de vous mes oiseaux) - La mer, la plage, les coquillages, c'est trop stylé - Et avec le cerf-volant, on a ri-go-lé ! - Et les Vapeurs ! C'est les meilleures frites du monde, à mon avis - Mon meilleur moment à moi, c'est quand on est rentrés du restaurant, que c'était trop la nuit et qu'on racontait n'importe quoi sur le chemin (et en plus, ce qui leur plait le plus ne coûte pas un sou, j'ai enfanté des poètes, des épicuriens)".
Ils se sont tus un moment. La chérie a soupiré comme on le fait quand on est bien et un peu nostalgique. Je m'apprêtais à me lever pour les serrer fort, mon coeur de mère débordant d'amour et de guimauve, quand ma fille a eu ce dernier cri du coeur:
"Ouais, j'ai trop envie qu'on y retourne. Mais par contre, sans les parents, entre copains, quoi".
"Han han han", a acquiescé son crétin de frère en ricanant.
"Des poètes", qu'elle disait, l'autre. Des ingrats, ouais.
Hier, donc, je traficotais je ne sais pas quoi sur mon ordinateur quand j'ai été frappée de plein fouet par l'arrivée dans ma demeure d'une invitée très désagréable, annonciatrice d'une bonne dizaine d'années bien merdiques. L'adolescence, parait-qu'elle s'appelle. La teupu.