Je serai brève (en général, quand un orateur commence comme ça, je décède d'angoisse, c'est à tous les coups le signe qu'il va s'éterniser). Donc je serai brève, disais-je.
Jusqu'au 4 février, je suis en préavis. C'est une période étrange, pendant laquelle on croit que les journées vont se dérouler dans la plus grande zénitude étant donnée l'absence totale d'enjeu. Après tout, on est déjà presque parti.
Sauf qu'en réalité, venir à son bureau et peigner la girafe des heures durant, c'est absolument terrifiant d'ennui. Sans compter que pour les collègues, c'est moyennement sympa. En même temps, difficile de s'investir alors que dans votre tête - et dans celle des autres - vous n'en êtes plus. Pour l'ego c'est compliqué d'entrevoir la vie sans vous telle qu'elle prendra forme une fois votre bureau débarrassé de votre innomable bordel. Pour le moral, c'est un peu lourd aussi de réaliser qu'en effet, la terre continuera de tourner. Même si de regrets il n'y a pas. La page se tourne et laisser derrière soi huit ans de sa vie et tous les amis qui vont avec ne peut se faire sans un pincement au coeur.
Parrallèlement, de peur de me retrouver le 6 février assise en pleurs sur mon canapé sans autre perspective que de m'enfiler des séries sur mon ordinateur, je mets en route des collaborations. Bien évidemment, je ne dis non à rien pour l'instant. La règle d'or des pigistes étant de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.
On ajoute à ça les enfants (pendant que je tape ce billet, rose me tire les cheveux et escalade mon fauteuil en hurlant qu'elle veut que je remplisse sa mini théière grosse comme un dé à coudre. Je l'ai envoyée à son frère qui ne veut pas lâcher son manga. Non, sa soeur non plus ne souhaite pas coopérer. Il faut dire que c'est la 20ème fois qu'on remplit sa p. de théière. sdfgsdfhndgh,ndxgh,ngdx. Nan, ce n'est pas un bug de mon ordi, c'est helmut qui vient de s'asseoir sur mon clavier. Hiiiiii. C'est rien, je me ferai greffer une cornée demain).
En résumé je suis à deux doigts de l'explosion, et hélas, pas de foufoune.
Qu'on ne s'y trompe pas, ces mots n'ont pas pour objet de susciter la pitié ou la compassion. Je me doute que vous avez chacun et chacune de quoi faire de votre côté. Je n'ai pas le monopole de la débordatitude. Non, c'était juste pour pousser mon grand cri et espérer qu'il résonne dans les méandres de l'internet. Aussi pour m'excuser à l'avance de ne pas être forcément à la hauteur de vos attentes dans les jours à venir. Ce blog reste une priorité, peut-être plus que jamais. Mais je ne sais pas mentir ni jouer la comédie et là tout de suite maintenant, je suis totalement incapable de vous donner plus que ça.
J'ajoute que mon métier, d'hier et d'aujourd'hui mais aussi de demain, consiste à écrire. Mais il s'agit d'une écriture qu'on pourrait qualifier d'encadrée. Les articles sont en général des commandes, qui doivent respecter un calibrage, un angle défini à l'avance et ont pour objectif de correspondre à la ligne éditoriale du journal. Les livres aussi, sont visés et validés par les éditeurs. Ce blog est le seul espace sur lequel je peux faire ce que je veux. Sans en référer à qui que ce soit. Si je ne souhaite pas qu'il devienne ma source de revenu principale (outre le fait que c'est tout de même compliqué en pleine crise de la pub) c'est justement parce que je ne veux pas me contraindre à donner ce qu'on attend de moi, à plaire au plus grand nombre. Tout ça pour dire que je me souviens, dans mon billet de démission, l'une d'entre vous a lancé sur le ton de la plaisanterie (mais quand même) "tu veux dire que maintenant c'est nous tes patrons ?". Je n'avais pas répondu, mais je le fais maintenant:
Non.
Je sais ce que je vous dois, sans lecteurs un blog périclite. Je ne veux donc pas tenir ce discours consistant à vous envoyer voir là bas si j'y suis lorsque vous émettez une critique. Mais je veux pouvoir prendre le risque de décevoir ou de déplaire. Sans avoir peur de perdre un employeur. Des employeurs, je vais en avoir plusieurs et j'aurai sûrement la trouille à un moment ou à un autre de perdre leurs faveurs. Vous, je ne veux surtout pas vous voir comme ça. Sinon, écrire ici deviendra une contrainte. Par conséquent, je continuerai à regimber en grognant comme un ours mal léché quand on viendra essuyer ses pieds crotteux sur mon paillasson sans que ce soit justifié.
Il n'empêche que je vous kiffe, à part ça.
Edit: Je présente par ailleurs toutes mes excuses à celles qui m'ont envoyé de merveilleux mails ces derniers jours restés lettres mortes pour l'instant. Je promets de répondre dès que je sors de l'oeil du cyclone.
Edit: Ma théorie se confirme. Ne jamais commencer un discours ou quelque autre speech par cette damnée phrase: "je serai brève". Echec assuré.