Samedi matin, à l'heure où blanchit la prairie, j'ai traversé Paris pour aller chez le coiffeur. Pas n'importe lequel, attention. Ayant laissé ma personnalité quelque part dans les vieux cartons de 2010, j'ai tout bonnement contacté THE Hair-artist de la blogosphère, j'ai nommé Michel, the famous one, alter ego capillaire de Violette, mais aussi de Nadia et de tout un tas d'autres stars on line.
Je sais, je sais, je sais, on est toujours l'influencée de quelqu'un.
Je suis donc partie avec dans un coin de ma tête cette impression d'être légèrement pathétique (mais qui ne poursuit pas inlassablement le rêve impossible de rencontrer celui qui te fera VRAIMENT ressembler à la photo de la bombasse bien coiffée que tu lui montres en rougissant me jette la première brosse à la figure). Un peu honteuse mais aussi assez excitée à l'idée que peut-être, on ne sait jamais, les miracles existent, j'en ressortirais plus jolie qu'en y entrant..
Je vous raconte ?
9h00: Je cherche mon itinéraire sur Internet pour trouver mon chemin. Il faut dire que Chez Privé, le salon blogueuse's friendly, c'est un tout petit peu à l'opposé de mon quartier chinois. Une heure de métro pour aller se faire couper les tifs, on est à la limite du raisonnable.
9h02: En même temps je traverse bien Paris depuis des années pour aller voir ma gynéco. Aux dernières nouvelles un frottis c'est un frottis et pourtant plutôt mourir que de laisser qui que ce soit d'autre inspecter mon frifri pendant que mes pieds sont dans des étriers. Comparativement, le risque de se louper pour un coiffeur est bien plus élevé. Ce qui justifie amplement mon épopée. CQFD.
9h12: Je pars de la maison en prévenant toute la famille qu'il se pourrait qu'on me confonde avec une autre à mon retour. Rapport que je vais poursuivre dans mes bonnes résolutions de 2011. A moi la frange, quoi.
9h23: Le churros m'envoit un texto d'encouragement: "que la frange soit avec toi". L'amour c'est ça aussi.
9h45: Je m'arrête à Saint-Lazare et je pars, comme il se doit, dans la direction opposée de celle que j'aurais du emprunter.
10h23: Après avoir arpenté une dizaine de rues en espérant déboucher par miracle sur la pigalle street et demandé mon chemin à 25 personnes, j'arrive essouflée et penaude dans un salon tout ce qu'il y a de plus normal (j'avais un peu les foies de me sentir under-looked). Je me demande néanmoins si le fait de m'être perdue dans un périmètre de 12m carrés n'était pas un message de mon ange gardien. Du style: "tu es malade ou quoi ? La FRANGE, toi ? Je te rappelle que tu nous chies une armoire dès qu'on te coupe plus de 3 cm sur les pointes. Repars immédiatement dans le 13e arrondissement, pauvre dinde". (mon ange gardien et moi avons des relations cordiales mais on aime se parler sans détour) (ce qui explique que je lui ai répondu, avec le sourire, de la fermer et d'aller bouffer ses morts) (tribute to Caro(roca) et Gomar).
10h25: Karine, la douce coloriste, me demande ce qu'on fait.
10h26: "On planque ces connards de cheveux blancs qui font rien qu'à se reproduire comme des lapins", je lui dis.
10h28: Karine me dit qu'elle ne les voit pas mais que pour vraiment les cacher, va falloir y'aller sur le balayage, quand même. Karine est diplomate mais pragmatique, ça me va.
10h32: Je signe une décharge à Karine et lui donne carte blanche pour dézinguer tous ces signes extérieurs de quarantenaireattitude. En avant pour le blond platine.
10h33: Michel arrive et me demande ce qu'on fait.
10h35: J'explique à Michel que je crève d'envie d'avoir une frange depuis environ trois ans mais qu'à chaque fois la réponse des coiffeurs est sans appel: ça ne m'ira pas du tout.
10h36: Michel est homme à relever les défis, je le sens. Il plie une mèche devant mon front et regarde attentivement.
10h37: Michel est catégorique, ça va très bien m'aller.
10h38: Je n'en suis pas si sûre mais je suis dans un salon de coiffure et donc incapable d'exprimer le fond de ma pensée. A mon avis je fais une intolérance à la laque, ce qui explique ma propention à approuver toute suggestion émanant d'un coiffeur, du soin pour cheveux secs à 200 euros à l'achat d'un fer à lisser (d'une utilité évidente sur mes tifs raides comme la justice).
10h40: Je précise à Michel que je porte mes lunettes 24h/24, au cas où ça entrerait en ligne de compte dans son diagnostic de visagiste diplômé.
10h42: Michel recommence l'opération de la mèche pliée, cette fois-ci avec mes lunettes.
10h43: Michel n'est plus du tout certain que ce soit une bonne idée.
10h45: Karine pense aussi que sans lunettes c'est mieux.
10h47: La dame à côté de moi hésite.
10h49: Tout le salon de coiffure s'interroge et me scrute pendant que michel tient ma mèche en l'air.
10h52: Je suis très à l'aise.
10h53: Cellule de crise Chez Privé. Chacun donne son avis, personne n'est d'accord. Les passants entrent dans le salon et s'immiscent dans la conversation. Les voitures s'arrêtent en double file, on est à deux doigts du mouvement de foule. La tension est insoutenable. Soudain, de la fumée blanche sort des casques chauffants. Michel arrive et déclare solennellement: "habemus frangeam".
10h54: Mon ange gardien est consterné.
10h55: Michel m'avertit qu'il va donc couper. Il y reviendra ensuite mais pour le balayage c'est mieux que la frange soit déjà là. Il me demande de respirer profondément.
10h56: Le malaise vagal n'est pas loin. Je demande si le salon est équipé d'un défibrilateur.
10h57: Au moment où il approche ses ciseaux, je préviens Michel que j'ai des milliers de lecteurs et que je peux faire et défaire n'importe qui en deux mots sur mon blog. Je dis ça je dis rien, rajouté-je.
10h59: Michel me dit qu'il en a vu d'autres. Il semblerait que Violette n'ait pas été la moitié d'une chiante le jour où elle est passée à l'acte et que ça l'ait comme qui dirait immunisé contre les caprices d'influentrices. Il ne tremble pas et il coupe.
11h02: Je suis complètement frangée.
11h03: Ça ne fait pas mal c'est déjà ça.
11h04: A première vue ce n'est pas atroce. Sachant que je ne porte pas mes lunettes pour l'instant ce qui a) ne me permet pas d'avoir un cliché très net de la situation et b) ne m'en dit pas beaucoup plus sur le résultat final une fois mes bésicles chaussées.
11h05: Avant qu'il n'aille plus loin dans la coupe, Je montre fébrilement à Michel une photo de Kate Moss dans le dernier Grazia. "Je veux ÇA", lui dis-je dans un souffle.
11h06: Michel confirme que c'est exactement ce qu'il envisage de faire.
11h08: Je suis à deux doigts de tout plaquer pour vivre une grande histoire avec Michel.
11h10: Je me demande à quoi ressemblera ma prochaine collection chez Topshop.
11h13: Michel n'a pas de cocaïne. Qu'est-ce que Kate ferait dans cette situation ?
11h14: Karine s'attaque au balayage. Et elle ne fait pas de quartier. M'est avis que mes cheveux blancs ne doivent pas trop se marrer.
11h56: Je pense que même mon cerveau est blond désormais. Ça m'arrangerait qu'on me rince, là.
11h58: La shampouineuse appelle Karine. Je sens de l'inquiétude dans sa voix. Soit j'ai des poux, soit la peau de mon crâne s'est décollée.
11h59: Karine dit à la shampouineuse que le résultat est exactement celui qu'elle espérait. Je reprends ma respiration mais me promets de passer toute la famille au paranix au cas où.
12h00: Michel m'installe et m'explique qu'il va donc dégrader, alléger, donner du volume.
12h03: Un jour il faudra qu'on m'explique pourquoi il faut t'enlever la moitié des cheveux pour te donner du volume.
12h15: Michel fignole la frange mais la laisse volontairement assez longue parce que c'est comme ça que c'est beau.
12h17: Je demande à Michel s'il va falloir que je revienne régulièrement pour la recouper.
12h18: Michel est un peu gêné de m'avouer que je viens de mettre le doigt dans un engrenage sans fin et que oui, il faut prévoir de revenir assez souvent.
12h19: Je serais prête à jurer d'ailleurs qu'elle a déjà repoussé.
12h20: Dieu merci j'ai démissionné, je ne vois pas comment un plein temps aurait été compatible avec l'entretien de ma frange.
12h23: Putain, j'ai démissionné.
12h24: C'est génial.
12h25: C'est affreux.
12h27: C'est gén... Ok, focus sur la frange, caro.
12h29: C'est atroce.
12h30: Je veux dire, la frange.
12h34: Je ne ressemble pas du tout à Kate Moss. Ce qui était prévisible, on est d'accord.
12h35: Ce qui l'était moins c'est que je devienne le sosie de Christine Bravo.
12h37: Croisée avec celui de Patrick Juvet.
12h40: Frou-frou, frou-frou...
12h42: Qu'on m'achève.
12h43: "C'est super, j'adore", je dis à Michel (toujours cette allergie à la laque).
12h45: Michel est ravi. Il me dit que finalement, même avec les lunettes ça le fait.
12h46: Je n'arrive pas à me rappeler si Christine Bravo avait des lunettes.
12h48: Mon ange gardien se roule par terre et me demande entre deux hoquets de rire si je vais aller m'installer au Mexique.
12h50: Le point positif c'est qu'on ne voit plus ma crevasse ride du lion. Je viens d'économiser 300 euros d'acide hyaluronique.
12h51: Le point négatif c'est qu'on ne voit plus que mon nez.
12h52: Si je me mets un peu de profil et que je baisse la tête, ce n'est pas si moche.
12h53: Ça ne va pas être pratique pour marcher, cela dit.
12h54: Michel m'assure que je suis superbe et que ça me fait perdre 10 ans. En même temps il ne va pas me dire que je ressemble à s'y méprendre à une animatrice télé alcoolique et tricarde.
12h55: Je paie et je manque m'évanouir en constatant que ça me coûte la moitié de ce que je lâche chez coiffirst. Alors que franchement, le balayage est magnifique. Et la coupe aussi. Je veux dire, s'il n'y avait pas ce nez, ces lunettes et cette ressemblance troublante avec Patrick Juvet Christine Bravo, ce serait superbe.
12h56: Je remercie tout le monde et je promets à Michel que je réfléchis pour le fer à lisser.
12h57: Je n'en reviens pas d'avoir résisté à l'appel du fer à lisser.
12h58: Je sors dans la rue.
12h59: J'ai l'impression que tout le monde me montre du doigt en rigolant.
13h00: Je me cache derrière ma frange dans le métro.
13h56: J'arrive à la maison.
13h58: Le churros ouvre la porte. "Ben c'est très bien. Tu ne ressembles pas du tout à Christine Bravo".
14h12: J'ai beau remonter le fil, je ne retrouve pas le moment où j'ai dit au churros que je ressemblais à Christine Bravo.
Je vous laisse, j'ai une super idée de talk show et il faut que j'appelle Sonia Dubois pour voir si elle serait ok.
Edit: Donc démissionner c'est fait, couper ma frange, c'est fait... Si quelqu'un pouvait ordonner mon internement d'office avant qu'il me prenne l'envie de me piercer le clitoris ou de sauter à l'élastique du haut de la tour Eiffel ça m'arrangerait, merci. Vivement 2012.
Edit2: En vrai de vrai, ma frange c'est un peu comme ma démission. Une heure sur deux je trouve ça génial. Et le reste du temps je trouve ça atroce.