Deux mois ou presque que je suis partie de mon ancien job et que je n'ai toujours pas récupéré mon solde de tout compte.
On peut y voir un bel acte manqué, mais j'y vais tout à l'heure, enfin. Le fait est que j'ai eu comme une appréhension à remettre les pieds en étrangère là où j'étais encore un peu chez moi il y a peu. Même si la page s'est tournée avec une facilité déconcertante.
Etrange comme on peut se déshabituer en quelques jours d'une routine pourtant ancrée depuis des années. J'avais peur que passés les premiers temps, les semaines soient longues et que mes repères sacrés, à savoir le vendredi qui rit et le lundi qui pleure ne signifient plus rien. Finalement, mes journées filent, selon un rythme qui leur est propre, parfois langoureuses, parfois aussi stressantes qu'auparavant. Le silence de mon salon l'après-midi est parfois pesant mais finalement moins que je ne l'appréhendais, une ermite se cachait peut-être en moi sans que je m'en doute. Et puis je suis à la lettre les conseils de mes compagnons d'indépendance: prévoir des déjeuners, professionnels ou amicaux, conserver son pass navigo, oser le ciné en pleine journée quand l'emploi du temps le permet, sortir, au moins une fois dans la journée, même pour rien, ne serait-ce qu'acheter le pain. Du coup, la solitude ne dure jamais et quand elle est là, je crois que d'une certaine façon, elle me plait.
La vie de free-lance se solde donc plutôt positivement pour l'instant. J'aime ces montées d'adrénaline quand un boulot tombe, quand je rends un papier sur lequel j'ai sué ou lorsque la perspective d'une collaboration excitante se profile. J'apprécie aussi ce rapport différent avec mes employeurs, qui, certes, ont la possibilité de me jeter comme une merde si l'envie leur prend mais en retour ne se placent pas dans une relation hiérarchique comme celles que j'ai connues durant quinze ans. J'ai utiisé le terme de "collaboration", c'est exactement celui qui me semble correspondre le mieux, avec tout ce que ça implique d'échanges et de respect mutuel. Enfin, je parle des personnes avec lesquelles je travaille aujourd'hui, je me doute que ce n'est pas l'Ile aux enfants partout...
Le revers de la médaille, parce qu'évidemment il y en a un - on ne peut pas TOUT avoir, jeune padawan -, c'est cette peur qui me prend souvent par surprise, de manquer d'argent, de vivre dans l'illusion qu'il est possible de travailler différemment, de me retrouver seule un jour et de n'avoir pas assez pour subvenir aux besoins de mes enfants, etc etc etc. On ne se refait pas et je suis désormais renseignée (vive la maturité): je ne changerai jamais sur ce point et la sérénité n'est envisageable qu'en pointillés.
Mais à chaque fois que je doute, je pense à cet énorme avantage que je retire aussi de tout ça. Je veux parler de cette nouvelle façon d'être maman, que je découvre: être là le soir quand les grands rentrent, ne pas avoir la boule au ventre à l'idée de téléphoner au bureau pour annoncer que oui, pour la troisième semaine consécutive je prends un jour enfant malade, préparer des repas - je veux dire des vrais, avec genre un LEGUME inside - autrement qu'en panique. Là non plus tout n'est pas rose, ça se saurait. Les grands ont en effet du mal à accepter ce concept d'une maman là mais pas tout à fait, Rose n'en parlons pas. Quant au Churros, la rapidité avec laquelle il a lâché l'affaire au niveau de ses horaires du soir me fait penser qu'à un moment ou à un autre il va falloir le remettre d'aplomb (demain, je pense).
Voilà, hier donc, j'ai changé de dizaine et il m'est venu à l'esprit que cette journée aurait certainement été différente si je n'avais pas pris cette décision, ce fameux 7 janvier dernier.
Merci à tous et toutes pour vos messages adorables et repartons si vous le voulez bien pour une nouvelle décennie. Sans photos pour l'instant hélas, en effet, histoire de prouver que ma maladresse, elle, n'a pas pris une ride, j'ai flanqué par terre mon appareil photo hier et je vous confirme qu'un reflex, c'est fragile. Très. Par un miracle comme il n'en arrive que les premiers jours du printemps, j'ai néanmoins retrouvé la facture et la garantie et j'ai un maigre espoir qu'un chirurgien de chez Nikon le réanime. Sinon, je suis bonne pour en racheter un, d'autant que mon cadeau des 40 ans de ma famille, c'est, je vous le donne en mille, un nouvel objectif... Nikon. Yeah. Le boulet, c'est moi.
Edit: Du coup, je sens que ma carrière d'autoportraitiste que je sentais pourtant en plein essor vient de s'arrêter net. Enjoy ce cliché, dans quelques années il sera collector.