Alors donc lundi, j'étais à Stockholm avec William et tout un tas d'autres gens drôlement chouettes pour aller interviewer un des chanteurs du groupe ABBA, Björn Ulvaeus de son petit nom. Vous verrez le résultat dans quelques semaines, le tout était en effet filmé pour un épisode de Puzzle, une émission de la chaine OFF TV d'Universal, qui fait se rencontrer blogueurs et chanteurs. Quand on m'a fait cette proposition, j'avoue, j'ai un peu sauté de joie. Non seulement je n'étais jamais allée à Stockholm et la perspective de découvrir la ville de Millenium me tentais carrément, mais surtout, surtout, rencontrer l'auteur des tubes à qui je dois des dizaines de soirées endiablées, comment vous dire ? Grosse montée d'adrénaline.
Je vous raconte ?
- 4h56: Après avoir dormi par tranches de 5 minutes toute la nuit de peur que mes trois réveils soient victimes d'une attaque nucléaire, je décide de devancer les hurlements des alarmes et de me lever.
- 4h57: Je ne sais pas ce qui me parait le plus insurmontable dans la journée qui s'annonce: être prête dans 28 minutes pour sauter dans mon taxi, décoller deux fois en moins de cinq heures ou interviewer un monstre du show bizness.
- 4h58: En anglais.
- 4h59: Je ne suis pas certaine d'avoir précisé à William que mon anglais se compose d'une vingtaine de mots dont 18 relatifs à l'autonomie des universités.
- 5h00: Je n'en finirai jamais avec ce syndrôme de l'imposteur.
- 5h01: Imposteuse.
- 5h02: Impostrice.
- 5h03: De grâce, que quelqu'un sorte son Larousse et achève mes souffrances.
- 5h04: Je suis donc à la bourre alors que je suis prête depuis 22h45. Tout ça à cause de ce mystère au sujet du féminin d'imposteur.
- 5h12: Je bois mon thé tout en checkant mes affaires et en me récitant mentalement mes questions méticuleusement préparées la veille.
- 5h13: MA question.
- 5h14: J'ai l'illusion de penser que les autres viendront toutes seules.
- 5h17: "Björn, I wanted to thank you because you gave me so much hapyness. If I feel sad, I put one of your song and I feel suddenly better".
- 5h19: On sent les dix années de journalisme d'investigation.
- 5h22: Ils vont être séchés chez Universal. Pauvre William.
- 5h24: Ce n'est pas que je veuille son poste mais franchement, si on me le propose, ça risque d'être un véritable cas de conscience.
- 5h27: Ce n'est pas de ma faute non plus si je suis naturellement lumineuse à l'écran. Quand à ma voix, il parait que je pourrais faire bander un mort dès que je sussurre trois mots dans un micro.
- 5h30: Le taxi est là, je saute dedans. Vivement que j'ai mon poste à Universal qu'on m'envoie une voiture.
- 5h45: Texto de William: "On dirait que je passe mon bac tellement j'ai pas dormi et que j'ai la colique".
- 5h46: Qu'est-ce que ça va être demain mon chéri, quand Björn aura appelé le siège pour qu'on coupe ta tête et qu'on y mette la mienne à la place...
- 5h47: "I wanted to thank you, Björn. Are you aware of being such helpfull for so many people ?".
- 5h49: Je tiens ma deuxième question. C'est bon.
- 5h50: Par contre après je cale.
- 5h52: J'ai un doute. Est-ce que "aware" ça s'applique à la situation ? Je vais demander à Will. Après tout il ne sait pas encore que je vais lui voler son job. Il devrait m'aider.
- 5h53: William pense qu'"aware" ça le fait. Après il me dit tout un tas d'autres choses en anglais que je ne comprends pas. Il est native ou quoi ?
- 5h56: Ok, ça risque qu'être un peu plus compliqué que prévu au niveau de la supplantation professionnelle.
- 5h57: Ce qui va se passer en fait, c'est qu'il va se faire virer par Pascal Nègre quand ce dernier aura vent que cette petite plaisanterie d'aller-retour à Stockholm, hôtel compris, a été organisée pour permettre à une dinde de blogueuse de remercier Björn pour sa musique.
- 5h58: "Thank you for the music".
- 6h00: Non mais je m'épate, moi. Jeu de mots, référence à l'un de ses hits, remerciement subtil avec une touche d'humour... La prochaine fois que j'ai un défi à relever je me tape une nuit blanche, on dirait bien que ça stimule considérablement mon cerveau qui n'en a pourtant pas vraiment besoin.
- 6h02: J'arrive à Roissy.
- 6h03: William m'attend. Il est tendu comme un string et cette histoire de colique n'était pas qu'une boutade à en juger son teint livide.
- 6h06: "Non mais tu te rends compte putain, chérie ? - ouais je sais, je t'appelle chérie, c'est super gay, mais là pardon, quoi - Björn, merde ! Je veux dire, il y a les Beatles, Michael Jackson et Abba. Je ne veux pas te mettre la pression mais 460 millions d'albums vendus, hein".
- 6h07: Je demande à William de me filer son immodium.
- 6h10: Je commence à tâter le terrain au niveau de mon level en anglais. "Il se pourrait, Will, que je n'ai pas été très honnête avec toi, pour ce qui est de mon fluently english..."
- 6h12: Will est mort de rire, il trouve ça trop drôle comment je fais semblant de pas parler anglais. Il m'est super reconnaissant de dédramatiser la situation. "Je te voulais toi, notamment parce que je sais que tu n'as pas arrêté de voyager dans ton ancien boulot et que tu maitrises, ce qui n'est pas le cas de tout le monde dans la blogo. Et là je ne te cache pas qu'on joue gros."
- 6h14: On est MAL.
- 6h15: Je demande à Will si par hasard il n'en a pas marre de son nouveau travail qui lui permet de rencontrer des stars internationales tous les jours. "L'atmosphère des maisons de retraite te manque, parfois, avoue ?"
- 6h17: Will trouve que je suis hilarante, il est FAN.
- 6h21: Will me prévient que "FAN" en suédois veut dire putain.
- 6h22: Je raye mentalement mon éventuelle troisième question qui aurait pu suggérer à Björn que je lui proposais une relation tarifée.
- 6h23: Will m'explique le déroulé de la journée. Outre l'interview qui aura lieu à 15h, on va tourner dans la ville et prendre des images de moi en mode "FAN de" (hey, ho, ça va, hein ?). On va aussi faire une petite chorégraphie Will et moi, qu'on reproduira un peu partout. Au montage, JB mettra de la musique dessus et ça sera génial. D'ailleurs on va commencer tout de suite.
- 6h26: Il est con ce Will. Je vais sûrement m'humilier dans quelques heures et provoquer son licenciement dans la foulée mais d'ici là qu'est-ce qu'on va rigoler avec toutes ses blagues.
- 6h28: Will vient de prendre une drôle de position. Il met ses mains sur ses hanches et commence à battre la mesure avec son pied gauche. JB fait les derniers réglages caméra, il me fait signe qu'il est prêt à filmer la choré, épisode 1.
- 6h30: La journée va être longue.
- 6h32: En même temps on a une petite chance de se faire expulser de l'aéroport si on continue à danser la macarena sans musique dans la file d'enregistrement.
- 6h45: A la douzième prise je parviens à agiter les bras du bon côté au bon moment et à reproduire la chorégraphie de Will pourtant à la portée d'un enfant de 4 ans.
- 6h47: J'explique à JB (abattu le JB, il vient de comprendre qu'il a tiré le gros lot) qu'au terme d'un an de danse africaine, j'ai eu l'honneur de participer à un modeste spectacle de rue lors de la fête de la musique. A la fin, mon fils chéri, âgé de trois ans à l'époque, était venu me féliciter, tout en me demandant pourquoi je n'avais pas fait le même spectacle que les autres danseurs du groupe.
- 7h12: On entre dans l'avion.
- 9h30: On atterrit à Munich
- 9h34: Alors qu'on court pour attraper notre correspondance, je commence à regretter cet emprunt à ma mère. Je veux parler de sa veste en mouton retourné hors de prix offerte par mon père il y a trente ans et quasi jamais portée (un sujet totalement tabou chez mes parents, mon père n'ayant toujours pas avalé la facture de ce cadeau raté). Pour avoir chaud, je vais avoir chaud. En attendant, elle pèse un âne mort, je sens DEJA la transpiration et je suis à peu près certaine de ressembler à Charles Ingals dans un épisode qui se passe à Sleepy Hide par un hiver rigoureux, quand il travaille dans un saloon pour faire vivre sa famille ruinée à cause d'une récolte foutue en l'air. En plus qu'il faut payer les lunettes hors de prix de Marie. (alors que ça ne sert à rien vu qu'elle va devenir aveugle) (et perdre son unique enfant dans un incendie) (provoqué par Albert, son frère) (lequel va se droguer, ensuite) (mais Charles le sauvera) (juste avant qu'il soit emporter par une leucémie foudroyante) (Albert, pas Charles). Bref.
- 9h40: On est arrivés devant l'embarquement Lufthansa pour Stockholm. Will se remet en position pour une deuxième choré. Au taquet, Gene Kelly.
- 9h42: C'est le feu à Munich. On te met une ambiance.
- 9h45: Je remets mon mouton et on monte dans l'avion.
- 9h50: Ce qui est bien avec cette histoire d'interview d'une légende vivante (en anglais, je l'ai précisé ?), c'est qu'à côté, le décollage c'est une partie de plaisir.
- 9h54: Will me dit qu'il vient d'avoir un message de l'attachée de presse, c'est GÉ-NI-AL, on a UNE HEURE d'interview au lieu de dix minutes.
- 9h56: Pour le bien être de tout le monde il vaudrait mieux finalement que cet avion explose en plein vol.
- 10h15: Bien sûr (toujours comme ça, pour une fois que j'étais prête à mourir) tout s'est bien passé et on file à la vitesse de la lumière vers Stockholm.
- 10h16: Je SAIS.
- 10h18: Je vais faire le coup du portrait chinois.
- 10h19: Très très très malin, le coup du portrait chinois. Je devrais parvenir à caser mes huit mots de vocabulaire. If you were a flower, If you were a city, if you were a movie, If you were a book... If you were a university.
- 10h23: Will trouve que c'est génial le portrait chinois. "Et ensuite, tu enchaines sur quoi ?"
- 10h25: A la limite, je pourrais foutre le feu à mon mouton dans l'avion, ça pourrait suffir à ce qu'on nous détourne sur Copenhague.
- 12h41: L'avion entame sa descente. Les statistiques sont formelles, c'est à ce moment là qu'il y a le plus de risques d'accident. Je prie pour qu'un des trains d'atterrissage reste en carafe. Tout plutôt que d'avoir à affronter une heure entière en face d'une diva qui ne va pas comprendre pourquoi on lui a collé dans les pattes une nana qui lui demande ce qu'il pense de l'harmonisation des cursus universitaires. Non parce que là, franchement, une fois le portrait chinois balancé, soit je pars direct sur le LMD, soit on compte les moutons (hin hin hin) (rapport à mon manteau).
A suivre...