Il y a quelques jours, donc, il y a eu cet article dans Le Monde, qui s'appelait "La révolte des blogueurs". J'ai eu l'extrême honneur d'y être citée et je dois avouer que ça m'a remplie d'une fierté inavouable. Le Monde, quoi. Au delà de ça, le sujet du papier était alléchant. En gros, la question posée était la suivante: "Les blogueurs ont-ils raison de vouloir être payés ?".
Petit problème, j'ai eu la sensation en le lisant qu'il y avait confusion. Entre les blogueurs et les contributeurs sur le net. Tout est parti en effet de la bronca des contributeurs du site "The Huftington Post", sorte de Rue 89 à l'américaine, qui repose essentiellement sur les chroniques de people du net, certains étant des blogueurs, d'autres non. Des contributeurs non payés, le site leur apportant une notoriété censée leur suffir.
C'est peu ou prou la même position défendue chez Rue 89, qui rémunère ses journalistes mais pas ses contributeurs.
On est donc un peu loin du marronier de la blogosphère concernant les revenus des blogueurs, ces salopards qui se rincent à grands coups de billets sponsorisés. Ce qui ne signifie pas que l'article soit dénué d'intérêt.
J'avoue être partagée, concernant justement ces contributeurs qui estiment devoir être payés. Pourquoi ? Parce qu'en tant que journaliste, je suis évidemment menacée par cette illusion selon laquelle n'importe quel citoyen peut faire mon métier et revendiquer un salaire en retour. Je suis menacée professionnellement, mais également personnellement. Parce que je sais que bien que souvent galvaudée, la compétence du journaliste existe. Que lorsque j'écris un article, je croise mes sources, je passe du temps à prendre des notes, je m'astreins à respecter des règles éthiques, je garde mon jugement pour moi, etc. Nombre de reporters amateurs ne s'embarrassent pas de toutes ces contraintes. Ça donne à l'arrivée des informations moyennement fiables, sans recul, sans filtre journalistique.
Du coup, je ne peux que m'élever contre ce courant qui vise à faire de chacun de nous des producteurs d'information.
Ceci étant dit, en tant que blogueuse, je sais aussi que rien ne m'agace plus que les sollicitations des sites participatifs, m'invitant à pondre un ou deux billets pour eux gratuitement, en échange de cette sacro-sainte notoriété.
Devinez-quoi les gars: la notoriété ne paye pas le loyer. Ni même une baguette de pain. J'ai bien tenté récemment de négocier mon croissant avec ma boulangère en lui expliquant que j'avais un putain de nombre de pages vues, elle m'a regardée aussi perplexe qu'une poule à qui on aurait donné un couteau.
Bref, je ne suis pas très favorable à ce que les sites participatifs élèvent n'importe qui au rang de journaliste mais je suis également opposée à la manière dont ces sites utilisent les blogueurs et contributeurs, se servant de leur plume pour faire du clic sans les rétribuer.
La solution ? Je ne la connais pas. Je pense qu'avant tout, il faut absolument clarifier le statut des informations mises en ligne, préciser si l'auteur fait part d'une opinion personnelle, qui vaut ce qu'elle vaut parce que le simple fait qu'il l'énonce lui confère un intérêt, ou s'il a réalisé une enquête rigoureuse au préalable et que les faits sont avérés.
Ensuite, lorsqu'une personne, journaliste ou non, de par sa notoriété, donc, permet à un site participatif d'enregistrer des visites, ça me semble normal également qu'on le rémunère.
Oui, absolument, je prends vachement position.
Et en ce qui concerne les blogueurs et le blé qu'ils ramassent ? ("non parce que c'est ça, quoi, qu'on veut savoir, putain")
Vaste sujet également, sur lequel j'avais pas mal bavassé avec le journaliste, étant incapable personnellement de tenir ma langue. Surtout, je trouve toujours étonnant la manière dont on ne parvient pas en France à parler d'argent. Donc je veux bien dévoiler ce que ce blog me rapporte. Sachant que ce qui est valable pour moi ne le sera pas pour un ou une autre.
En gros, ce serait mentir que de prétendre que "PDR" me fait vivre. Ce le serait tout autant que de jurer que je ne gagne rien avec. Disons que ce fut jusqu'à ce que je démissionne une cerise sur le gâteau. Et qu'aujourd'hui, c'est une part du gâteau, lequel étant devenu plutôt un biscuit (je vous confirme que la pige ne garantit pas un revenu mirobolant) ("oh, l'autre, elle va arrêter de nous faire chialer ?").
Combien, donc ? ("mais elle va la cracher sa valda ?")
Ça dépend, ça dépasse. La pub, que vous voyez parfois s'afficher à droite, ce qu'on appelle le display, peut être assez lucrative, lorsqu'il y en a beaucoup et qu'on comptabilise pas mal de pages vues. Le problème, c'est que certains mois, c'est le désert de Gobi et d'autres c'est l'affluence. Comme ces derniers jours, par exemple, où c'est la fête du string au pays des pavés. Donc donner une moyenne mensuelle ne me semble pas très pertinent. En gros, au mois de janvier, j'ai du gagner 50 euros. Mais en février, c'était plutôt 600. Et les très bons mois, rares (un ou deux dans l'année je pense), cela peut monter jusqu'à 1500 (là c'est champagne). Ramené sur douze mois, ça ne fait pas un salaire, donc, mais ça n'est pas négligeable non plus.
L'autre moyen de gagner des sous, c'est le billet sponsorisé. J'en fais peu, par goût et aussi parce que mon blog n'est pas assez lisse pour intéresser les annonceurs. Ce qui ma foi ne me dérange pas plus que ça, au moins je n'ai pas très souvent de cas de conscience. Mes principes ont les limites de mon découvert, je dois bien le dire. (je veux dire par là qu'il est parfois difficile de refuser. En revanche, je n'ai jamais pu me résoudre à changer le contenu de ce blog pour qu'il "colle" aux attentes des annonceurs. Autrement dit, je continue à parler de ce que je veux, sans jamais penser à ce que ça peut avoir comme conséquences sur ma "côte" auprès des marques)
Combien pour un billet sponsorisé ? Ma transparence s'arrête là ("ben voyons, j'en étais sûr"), parce que j'ai une obligation de confidentialité vis à vis de ma régie, cette dernière fixant le tarif pour chaque blogueuse en fonction de tout un nombre de paramètres. Mais c'est bien payé. Et assez écoeurant pour la pigiste que je suis: c'est à peu près équivalent à ce qu'un long papier dans la presse magazine rapporte, avec croyez moi bien plus de boulot à la clé et d'huile de coude au moment de l'écriture.
Bref, voilà, après il peut y avoir des à côtés, des collaborations comme celle avec Mon Bazar Vert ou d'autres sites (je vous en parlerai le temps venu), rémunérées elles aussi, mais plutôt comme des piges.
Je précise que tous ces revenus du blog sont déclarés au titre du statut bien batard d'autoentrepreneur et qu'il faut donc déduire 20% de la somme touchée. Somme qui n'ouvre droit à aucune cotisation chômage.
La conclusion ? Un blog peut rapporter de l'argent. En vivre est peut-être possible mais 1) ce n'est pas mon intention 2) c'est à mon avis très difficile 3) de toutes façons précaire.
J'espère que ce long billet sentencieux ne vous a pas gonflés et qu'il ne déchainera pas les passions. Je l'ai écrit parce qu'on m'interroge fréquemment par mail sur le sujet et que je lis ça et là n'importe quoi. Je peux comprendre que certains estiment que faire du profit grâce à son blog est antinomique avec l'acte même de bloguer. Ce n'est pas mon avis, tout est une question de limites qu'on s'impose.
Dernière chose. Les blogs ont ceci de merveilleux qu'ils sont libres d'accès. Je ne dis pas "gratuits", parce que quelque part, la pub, on la paie tous un peu, elle fait partie du prix des biens qu'on achète. Mais il n'empêche que venir me lire ou tout autre site est un acte volontaire qui ne vous engage pas financièrement. Par conséquent, si la présence de temps à autre de pavés publicitaires envahissants ou de billets sponsorisés vous file de l'urticaire, il y a une solution toute simple. Cliquer sur un des liens de ma blogroll, par exemple.
Et je le dis sans animosité, sans arrogance. Parce que moi même, lorsque je trouve qu'un blog devient trop commercial, je passe mon chemin. Mais le fait est que demain, vous allez bouffer du sponso. C'est un concours de circonstances, je ne savais pas du tout quand j'allais le publier et alors que je mettais un point final à ce billet titanesque, on vient de me donner le feu vert. Quand je dis "manger", d'ailleurs, c'est au sens propre comme au figuré. Moi je dis, à bon entendeur...
Edit: Le vernis c'est l'OPI "Yoga-Ta get this blues". Je le signale parce qu'on me le demande souvent quand je mets une photo avec du vernis. Pourquoi cette photo ? Parce qu'elle est chouette, non ? Et puis ça fait riche, le vernis. Même si ça n'est que... du vernis.
Edit 2: Par contre j'ai de la couperose sur l'index, non ?
Edit 3: Rien à voir mais ce soir, sur la péniche Anako dans le 19ème, est organisée une soirée de soutien au Japon. Pour 10 euros l'entrée, vous assisterez à un spectacle avec jongleurs, musiciens, comédiens, etc. Moi je dis, combiner bonne action et chouette moment, c'est toujours profitable. Pour plus d'infos, allez sur le site de la péniche.