Les deux ou trois premiers mois qui ont suivi ma démission, je me suis posé la question des centaines de fois. Est-ce que j'avais eu raison ? Est-ce que je n'avais pas fait la plus grosse connerie de ma vie en lâchant un job plutôt intéressant malgré tout pour une utopie, un fantasme de vie meilleure parce qu'entièrement centrée sur l'écriture ?
Une interrogation qui m'avait d'ailleurs obsédée durant deux ans avant de faire le grand saut. Comme si cette décision était du même ordre que celle consistant à désamorcer une bombe à retardement. Bleu ou rouge, le fil à couper ? Rouge tu exploses, Bleu tu es sauvée. Ou l'inverse.
Dans mon cerveau manichéen, c'était évident. Je ne pouvais qu'avoir raison... ou tort. Pas de demi-mesure, pas d'entre deux. Echouer ou réussir, me réjouir ou regretter.
Après six mois, j'ai enfin compris que je n'avais... rien compris. Et que je ne saurais jamais si j'avais "bien fait". A force de répéter à ceux qui s'en enquièrent, que "jusqu'ici tout va bien", je finis par y croire moi même. Et le fait est que tout va plutôt bien. Mais la semaine prochaine, le mois suivant, voire dans un an ou deux, ça ne sera peut-être plus le cas. Ce qui ne signifiera pas que j'ai commis, en janvier dernier, la plus grosse bourde de ma vie. Comment être certaine en effet que dans un an, deux ans ou moins que cela, je n'aurais pas été mise à la porte de mon ancien boulot, que je n'aurais pas fini par m'étriper avec l'un ou l'autre, ou que je n'aurais pas fini tout simplement en burn out, du fait d'un rythme tous les jours un peu plus soutenu ?
J'ai enfin admis qu'il n'y aurait pas de jugement dernier, pas de tribunal à l'arrivée et qu'aucune décision ne peut être radicalement bonne ou mauvaise. Et je me sens enfin libérée de ce poids qui m'oppressait tant par instants. Je n'ai pas commis de faute éventuelle, j'ai pris cette décision et puisque c'était la mienne, c'était, d'une certaine façon, la bonne. Je crois que c'est valable pour tout un tas de chemins qu'on choisit de prendre. Non qu'il n'y ait pas de conséquences et qu'il ne faille pas les assumer. Mais qui pourra jamais nous prouver que malgré tout, l'autre sentier eut été plus aisé ?
Ne jamais se retourner, regarder devant, mettre un pied devant l'autre, et recommencer.
Si cette première moitié de l'année 2011 m'a enseigné une chose, c'est définitivement celle-ci.
Un mantra qu'il a fallu se répéter aussi ce week-end, en disant au revoir à une maison chérie à l'Ile de Ré. La mère du Churros s'en est séparée, trop de fatigue, trop de frais, trop de souvenirs, trop de meutrissures familliales.
"Je regarde droit devant", m'a confié, stoïque, ma belle-mère.
Difficile pourtant de ne pas céder à la tentation de jeter un oeil dans le rétroviseur, pour y voir défiler premiers pas dans le jardin, fêtes au clair de lune, bains de minuit ou étreintes maladroites, sa main sur ma bouche pour que les parents n'entendent rien. Et pourtant, mon amour, il faut qu'on avance...
On avance, on avance, on avance.
C'est une évidence :
On a pas assez d'essence
Pour faire la route dans l'autre sens.
Vous avez remarqué comme il y a toujours une chanson de Souchon qui dit en quelques mots ce qu'on essaie d'expliquer maladroitement depuis deux heures ?
Edit: Ma belle-mère, ce week-end, à notre amie D. venue déjeuner dimanche et tentant de manger ses langoustines proprement: "Mais enfin, sucez, ma chère, sucez !". Et D. que j'aime pour son flegme légendaire, lui répondant, dignement et le petit doigt levé: "Alors si c'est un ordre... Dans la vie, quand il faut sucer, il faut sucer...".
Edit 2: Je cherche la chanson de Souchon qui pourrait résumer l'édit 1 mais pour l'instant je fais chou blanc.
Ouais j'ai découvert Toycamera. ça va me passer. ou pas. Thanks Deedee.