Passer deux jours dans une station balnéaire juste avant le top départ des grandes vacances, c'est une expérience très particulière. Bien sûr, certaines familles avaient déjà pris leurs quartiers d'été, avec leurs enfants assez petits pour qu'on leur fasse sécher les derniers jours d'école. Mais les plages et les restaurants étaient encore très clairsemés. Sauf qu'il ne régnait pas comme en septembre cette atmosphère un peu triste, de fin de quelque chose, comme si la joie et l'effervescence n'avaient laissé qu'un vague souvenir.
Là c'était la même langueur que celle d'avant la fête, quand tout est prêt, que les toasts sont tartinés, le champagne au frais et le vin en carafe pour décanter. J'adore ces quelques minutes avant la première sonnerie, la cigarette fumée sur le balcon, un verre à la main, le coeur qui bat un peu plus vite parce qu'on ne sait pas comment la soirée va se dérouler.
Ce juste avant le baiser, juste avant le week-end, juste avant le début du film.
J'ai bien aimé longer la plage près de l'hôtel, toute seule, en imaginant ce que serait cette promenade dans trois jours, quand les vacanciers en auraient pris possession. Il me semblait sentir cette odeur si caractéristique d'ambre solaire mélangée à celle des chichis et de la douche du soir.
Et puis soudain, une tristesse pas désagréable m'est tombée dessus. Je ne suis pas tout de suite arrivée à mettre le doigt sur ce qui me serrait le coeur. J'avais dû voir quelque chose, renifler un parfum, entendre un son familier...
Ce n'est qu'en revenant sur mes pas que j'ai compris. C'était ce couple assis sur ce banc avec un nouveau né minuscule. Zoom arrière, août 2008, le cap d'agde, à quelques encablures du Grau. Même vent un peu chaud, mêmes résidences balnéaires, même promenade le long de la plage. Rose avait alors dix jours, elle était accrochée à mes seins la plupart du temps et lorsqu'elle consentait à s'en détacher, je la baladais sur mon ventre ou dans son landau, sur un chemin semblable à celui que je venais d'emprunter. Le reste de la famille profitait de la plage et moi je savourais ces instants à deux avec cette conscience aigue qu'ils ne reviendraient jamais.
Un ami croisé juste avant notre départ à Paris avait qualifié cet état dans lequel je me trouvais alors de "bonheur fatigué". Rarement expression ne m'a parue si vraie et si douce.
Il y a trois jours, au Grau du Roi, j'aurais donné la balade en catamaran, la chambre 4 étoiles et tout le reste pour éprouver à nouveau même quelques secondes, ce bonheur fatigué.
Je crois que j'aurai envie jusqu'à la fin de mes jours de promener un nouveau né au bord de la mer. Il y a probablement des femmes qui ferment cette porte sans regret ni remords, la mienne, celle qui mène à la maternité, est de celles dont le chambranle est cassé et qui ne cessent de s'entrouvrir...
Allez, je vous laisse avec quelques photos du Grau du Roi et de la Grande Motte (prises du catamaran), juste avant... ou bien après...
Dans le genre je craque sur un t-shirt, celui-ci je ne vous dis pas comme il m'a fait de l'oeil. Faut dire qu'il est bien porté par Cécile...