Hier on m'a demandé dans les commentaires mon point de vue sur l'affaire DSK. Vous remarquerez que sur ce blog je n'en ai pas beaucoup parlé, à peine ici et là.
Pourquoi ?
Peut-être parce qu'en premier lieu, je sais bien que mettre le petit doigt dans cette histoire signifie se faire broyer jusqu'à la clavicule. Quel que soit mon avis sur la question, il heurtera ceux et celles qui ne le partagent pas. Et j'ai pu constater sur twitter que cette affaire est, comme on dit en marketing, extrêmement clivante. Le sujet vient se rajouter à la longue liste de ceux qui sont assurés de faire un carton sur les blogs tout en rameutant les extrémistes de tout bord peu désireux de faire dans la dentelle et la nuance.
Dans le désordre: l'euthanasie, la péridurale, l'allaitement, l'écharpe de portage, le co-sleeping, le foie gras, le pape ou les UGG.
Et maintenant, donc, l'affaire #DSK.
Prudence et volonté de me protéger, donc, mais pas seulement. Dans cette histoire, je suis comme souvent atteinte du syndrôme "je ne suis pas d'accord avec mon interlocuteur". A savoir que si je me trouve face à un défenseur acharné de Dominique, sur le mode "elle l'a cherché, il est victime d'un complot, le pauvre", je sors mes griffes féministes dans la seconde, horrifiée qu'un membre de ma famille puisse avoir de telles pensées.
Si en revanche je suis confrontée à un anti DSK qui en profite qui plus est pour transformer Nafissatou Diallo en madone des femmes violées, n'envisageant même pas une seconde que la réalité puisse être un poil différente de la version donnée par la victime présumée, je me transforme en avocate de la défense, examinant scrupuleusement toutes les incohérences du cas et relevant les contradictions de l'accusation.
Bref, en somme, j'ai la personnalité d'une paquerette.
Et encore.
Aujourd'hui, après ce énième rebondissement, voici néanmoins où j'en suis de mes convictions:
- La victime présumée n'est pas la sainte virginale qu'on nous a présentée au départ. Cela ne signifie pas qu'on puisse du coup la violer sans vergogne ou qu'elle ait aussi menti sur le sujet. Mais c'est forcément déstabilisant, parce qu'on ne peut s'empêcher de se dire que si la vérité sur ce qu'elle est a été travestie à ce point au départ, il est possible que le reste ait aussi été.
- DSK se dirige très certainement vers un non lieu. Pour la simple et bonne raison que le droit américain repose sur cette notion d'unanimité du jury. S'il existe un "doute raisonnable" chez l'un des jurés, l'accusation perd. Or étant donnée la dimension blasphématoire du mensonge aux Etats Unis, même s'il est périphérique à l'histoire, il y aura forcément un juré qui se demandera si, ayant menti concernant les raisons de son arrivée sur le territoire, Nafissatou Diallo n'a pas réitéré par la suite.
- On ne saura jamais ce qui s'est réellement passé. Visiblement, il y a eu rapport sexuel. Alors qu'au départ, DSK disait ne pas connaitre cette femme. Le rapport a-t-il été consenti ? Tarifé ? Forcé ? S'est-il accompagné de violences physiques comme l'affirme l'avocat de Nafissatou Diallo ? Parole contre parole. A moins qu'existent réellement les preuves brandies par cet avocat hier, avec tant de détails sordides qu'ils perdaient en crédibilité. Mais si c'était le cas, comment expliquer alors qu'on libère DSK hier ? Bref, je crains qu'on ne sache jamais.
- DSK pourra toujours parler de rapport consenti, personnellement je resterai toujours très dubitative. Quelle marge de manoeuvre peut avoir une employée noire vivant précairement aux Etats-Unis face à un magnat de la politique internationale ? Même si elle s'était pliée de bonne grâce à ses demandes, est-il possible de savoir si elle ne l'a pas fait par peur de représailles en cas de refus ? Je ne suis pas mère morale, je ne suis pas naïve au point de réclamer pour la France un président fidèle à sa femme (d'autant qu'en la matière les précédents présidents n'ont aucune leçon à donner). Mais savoir que mon président use de sa position pour se taper tout ce qui bouge et de préférence ses subalternes, ça ne me plait qu'à moitié. Par conséquent j'espère bien qu'il ne se présentera pas aux primaires en cas de non lieu avant le 18 juillet.
- J'ai également du mal avec certaines passionarias se réclamant d'un féminisme qui ne me parle pas et qui semblent souhaiter finalement que le viol se soit vraiment déroulé dans les conditions les plus atroces possibles. Tout cela pour alimenter leur discours politique. Je suis du côté des femmes agressées, évidemment. Je ne suis pas néanmoins du côté de la haine des hommes. Et s'il s'avérait, au fil du temps, que rien ne se soit passé comme il l'a été raconté par la victime présumée, je serais assez triste que certaines femmes persistent à défendre leur version à des fins idéologiques.
- S'il s'avère enfin que Nafissatou Diallo a menti sur toute la ligne - je ne sais pas, moi, qu'elle ait pris l'initiative du rapport sexuel, sachant qui était cet homme et prévoyant d'en retirer du fric par la suite - (je ne dis pas que c'est ce qui s'est passé, je dis que c'est un scénario possible), la principale victime dans cette histoire, ça ne sera pas DSK, ni même sa famille. La principale victime, ce sera la prochaine femme agressée. Qui devra porter comme un fardeau ce mensonge et dont la crédibilité sera mise en question. De la même façon qu'aujourd'hui, un enfant qui parle d'agression sexuelle pâtit de ce qui s'est passé à Outreau. Rien que pour cela, cette affaire est un immense merdier.
Je ne sais pas si j'ai été assez claire, j'ai essayé d'être la plus sincère possible. Pour résumer: le fait que la victime présumée ne soit pas ce qu'elle a prétendu être au départ entâche nécessairement sa crédibilité. Ce qui ne fait pas de DSK un innocent. Surtout, pour ma part, je n'ai jamais été strausskhanienne mais le suis encore moins aujourd'hui. Et j'estime que si coucher avec une employée du Sofitel n'est pas un crime en soi, c'est une faute grave pour qui voulait devenir président de la République et savait qu'il serait examiné à la loupe par ses opposants.
Voilà, je me doute que les commentaires iront bon train, dans un sens ou dans un autre. Je compte sur vous pour rester mesurés, sinon je censurerai.
Edit: Ne manquez pas la dernière édition du Delit Maille...