Il parait que quelques secondes avant l'injection, il a redit à la famille de ce policier mort il y a vingt ans, qu'il n'avait pas tiré. Il parait qu'il a demandé à ses proches qui s'apprêtaient à le regarder mourir, de continuer à enquêter pour défendre sa vérité.
Il parait qu'alors que ses bourreaux libéraient le poison, il a imploré Dieu d'avoir pitié d'eux pour ce qu'ils allaient faire.
Il parait que ses derniers mots ont été "Dieu vous bénisse".
Je crois qu'au delà de l'horreur de cette exécution, de l'invraisemblable doute qui entoure cette affaire (7 témoins clés sur 9 se sont rétractés) et de mon opposition viscérale à la peine de mort, c'est ce qui me met le plus en colère ce matin. Cette idée qu'il n'ait pas, à quelques secondes de mourir, alors qu'il n'avait plus le moindre espoir d'être gracié, exprimé sa haine pour ce qui allait lui arriver. J'ai beau me dire que pour lui, c'était sans doute mieux d'avoir fait la paix avec ce putain de destin et que sa foi a sacrément du l'aider, je me demande si ces salades bigotes ne sont finalement que des outils au service de cette morale américaine à deux balles. Après tout, puisque là haut Dieu reconnaitra les siens, pas si grave qu'on ait fait une boulette avec celui-ci, hein ?
J'ai hésité avant d'écrire ce billet. Pas par peur de voir débarquer les hordes de défenseurs de la peine de mort - pitié épargnez nous le sempiternel "oui mais si on tuait ton enfant ?" - (j'ai quinze ans de débats sur la peine de mort au compteur, je vous attends, je pourrais demander une validation des acquis de mon expérience en la matière).
Pas par peur non plus de vous ennuyer avec un post pas glam.
Juste parce que je me demande bien à quoi ça sert.
Un peu comme Pénélope qui dans son très beau billet s'interroge sur le bien fondé ou non de parler de ces choses là sur un blog. Et puis je me dis que si j'ai pu inciter certaines d'entre vous à choisir un livre plutôt qu'un autre ou un top en dentelles à Monoprix, j'ai peut-être une minuscule fenêtre de tir. Je peux peut-être faire vaciller une certitude chez un ou une âme égarée sur ces pages. Ça ne serait alors pas perdu. Et puis je me dis aussi que des mots sur Troy Davis, il va y en avoir des milliards sur le web aujourd'hui. Et que c'est peut-être le seul hommage que nous puissions lui rendre: prouver aux autorités américaines que nous sommes infiniment nombreux à nous opposer à la barbarie qui consiste à oter la vie d'un homme, plus de 20 ans après sa condamnation.
Je précise enfin que même s'il était coupable de ce meurtre, Troy Davis n'aurait selon mes convictions, jamais du être assassiné à son tour.