Faut-il parler aux enfants de l'homosexualité ? Le débat sur l'identité de genre, sur ce que signifie être un homme ou une femme, socialement, affectivement, ou sexuellement parlant a-t-il sa place dans les manuels scolaires ? Peut-on continuer à supporter que tant d'adolescents attentent à leur vie parce qu'ils se sentent "différents" et que cette différence leur est présentée comme étant monstrueuse leurs petits camarades, leur famille ou même leurs gouvernants ?
A ces questions, je réponds personnellement: OUI, OUI et NON.
OUI je veux que mes enfants sachent le plus tôt possible qu'un couple peut être composé de deux femmes ou de deux hommes.
OUI je souhaite que lors de leurs cours de SVT mes enfants se voient expliquer, à l'aide de manuels spécialement conçus pour eux, qu'on nait sexué, certes, mais qu'être homme ou femme ne se borne pas au port d'une grosse paire de couilles ou d'un vagin prêt à recevoir la semence divine.
NON, je ne veux pas que mes filles ou mon fils puissent préférer mettre fin à leur vie si précieuse plutôt que d'assumer une éventuelle homosexualité.
Oui, je pense comme la brave Simone de Beauvoir, qu'on ne nait pas femme, qu'on le devient. Et pareil pour les hommes.
Partant de là, j'avoue, je ne comprends pas pourquoi 80 députés, dont certains ont manifestement sauté quelques marches lors de l'évolution de l'espèce humaine, - je pense notamment aux inénarables Christian Vanneste et Lionel Luca, figures hautes en couleur d'une droite décomplexée et résolument anti-tantouses - consacrent une énergie démesurée à faire interdire quelques manuels scolaires coupables d'un crime manifestement sacrilège, à savoir parler de tous ces sujets, conformément aux directives des programmes scolaires. A les entendre éructer contre ces brûlots on pourrait penser qu'on y trouve un guide des meilleures back-rooms de Paris, un mode d'emploi pour fister son chéri ou quelques conseils spécifiquements adressés aux filles qui aiment bouffer des chattes, du genre "tournez votre langue dans le sens des aiguilles d'une montre".
Qu'on se rassure - ou pas - les passages incriminés sont autrement moins funs. Ils rappellent des choses qui vont mieux en le disant, comme le fait par exemple qu'on peut se sentir ultra viril tout en aimant les garçons, que la façon dont on élève les filles et les garçons influent sur leur comportement, que se considérer à 100% homme ou femme n'est pas évident pour tout le monde, etc. De quoi filer une grosse jaunisse à Yves Jego, chef de file des pourfendeurs de la "théorie du genre" (terminologie qui n'apparait pas dans les livres, soit dit en passant).
Et parce que sans alcool la fête est moins folle, l'un de ces députés, le très élégant Lionel Lucca, a même cru bon d'amalgamer sans trembler pédophilie, homosexualité et... zoophilie.
Si ce n'était pas aussi triste, ce serait drôle.
Sauf que c'est triste.
Ça l'est d'autant plus que cela sape le boulot d'une association comme SOS homophobie, qui travaille depuis des années à l'information des enfants et adolescents dans les écoles. Les membres de cette organisation partent en effet chaque année avec leur bâton de pélerin, porter la bonne parole dans les établissements scolaires. "C'est en sensibilisant aujourd'hui les jeunes Français-es que l'on évite les victimes de demain", rappelle SOS Homophobie dans un communiqué de presse publié aujourd'hui.
Malheureusement, je crains que ça ne soit pas l'avis du gouvernement ni de l'UMP. En témoigne le soutien apporté par Jean-François Copé(tte) à cette fronde (c'est vrai en plus que c'est réellement un sujet de première importance, ce n'est pas comme si le chômage, la précarité, la crise et compagnie étaient en train d'exploser) ou la très molle défense par Luc Chatel de la nécessaire prévention de l'homophobie (tout en précisant que c'est pas lui qui a écrit les manuels, hein, siouplait, mes électeurs, j'vous jure, mon nanus à moi c'est chasse gardée et si ça ne tenait qu'à moi, je les brûlerais, ces livres de tarlouses).
Voilà, ces derniers jours, je ne vous dis pas, j'ai la rate qui se dilate et des remontées acides tous les matins, tant le nombre d'atrocités proférées par cette meute paniquée à l'idée de perdre les futures élections me fait horreur. Mais ce sujet là méritait plus qu'un petit down au milieu d'un long billet.
"On est tous des Berlinois", avait déclaré en d'autres circonstances Kennedy. Sans me prendre pour ce brave JFK (j'ai le melon mais tout de même), j'ai envie de le paraphraser et de conclure ainsi: on est tous des pédés.
Edit: le seul point positif de cette histoire c'est que désormais tout le monde connait la signification du sigle SVT.
Edit2: Sur la photo, deux bénévoles de SOS Homophobie lors d'une intervention au collège.