Je crois que mon premier objet de désir fashion remonte à mon arrivée au lycée. Je venais de quitter le collège très familial où enseignait ma mère et dans lequel toute vélléité modesque était sévèrement réprimée par la surveillante en chef. Laquelle nous inspectait le matin et nous envoyait manu militari aux toilettes nous démaquiller lorsque par malheur on avait « les yeux faits ».
Le lycée, ce fut une sorte de pays de cocagne pour cela. Nouvelle indépendance, mobylette à la clé, établissement en plein centre ville dans les quartiers bourgeois de Lyon. Avec du coup, des filles branchées comme je n'en avais jamais vues. Je me souviens, ma copine Béa et moi avions eu l'impression d'être deux paysannes en goguette le premier jour avec nos pulls roulés autour de la taille sur des jeans tex mal coupés.
Les it-girls de l'époque portaient des 501 ou des jean cimarron et arboraient toutes des marinières Agnès B.
THE marinière Agnès B. Pas des fake comme on pouvait en trouver au Leclerc pour pas cher, non, des vraies, avec le tissu qui allait bien et les rayures piles à la bonne dimension. Ma préférée c'était la rose et grise.
Il était évidemment hors de question de nous en procurer pour Béa et moi, nous ne venions pas de la fange, loin de là. Mais pour l'ainée de quatre enfants que j'étais, dans une famille au revenu divisé par deux avec le plan de licenciement qui avait foutu mon père dehors, acheter une marinière griffée qui à l'époque devait valoir dans les 200 francs (un monde), c'était à peu près aussi envisageable que d'avoir la permission de sortir en boîte.
C'était sans compter le marché noir de la marinière. Une copine, délurée comme pas deux et reine des bons plans avait en effet un filon de cardigans à petits boutons et autres must have Agnès B pour trois fois rien. Seule concession à la trendytude: les étiquettes coupées. Ce qui n'était pas rien dans ce milieu bien pourri où il n'était pas rare qu'une chipie retourne le derrière de ton tee-shirt pour vérifier la provenance de tes sapes.
Autant vous dire qu'on s'en tapait le coquillard, avec Béa. Et qu'on y a écoulé tout notre argent de poche, pour pouvoir nous aussi nous pavaner en tenue de bagnard.
Avec le recul, je ne suis pas certaine que ce fut la meilleure idée de ma vie. Je veux dire, les rayures quand on est une adolescente aussi haute que large.
Toujours est-il que voilà, Agnès B pour moi, c'était un peu l'équivalent d'Yves Saint Laurent. Et que le premier cadeau que j'ai fait au churros, c'était un pull Agnès B. Parce que j'avais l'impression en entrant dans la boutique de la rue du jour d'avoir gravi pas mal d'échelons depuis la classe de seconde.
Après j'ai payé une armoire d'agios. Preuve que j'avais du rater quelques marches de l'échelle en question.
Il n'empêche que lorsque j'ai reçu il y a un mois de ça environ un mail du service de presse m'invitant au défilé Printemps Eté 2012 d'Agnès B, la boucle était bouclée. Mon premier défilé serait pour l'idole de mes 15 ans.
Demain je vous raconte comment ça s'est passé si vous voulez. Ah et pas de panique, la semaine prochaine on reprend un cours normal, à savoir que je ne vais pas me mettre à parler chiffons tous les jours, j'aurais pas la matière, by the way.
Edit : en photo, le modèle que j'ai préféré au défilé, parce que la robe, la longueur, la top qui n'était pas exactement une planche à pain et ce jaune soleil aussi je crois. Peut-être, sûrement, également, parce que je suis certaine que c'est le style de robe qui fait ronronner mon mari.
Edit2: C'est tout de même ma PREMIERE photo de défilé, je suis complètement retournée.
Edit3: Par contre pour une comme ça il y en a 200 à jeter, respect Garance Doré.
Edit4: Demain le ton sera légèrement plus tragi-comique, j'ai tout de même failli me transformer en torche vivante sur le catwalk.
Edit5: En revanche je suis assez étonnée qu'on ne m'ait toujours pas envoyé mon chauffeur pour la soirée de Carine.