Difficile de reprendre la plume, tant vos réactions hier m'ont touchée et accompagnée toute la journée. Le billet a eu un écho que je n'avais pas anticipé, ce dont je ne me plains pas mais qui me fait presque un peu peur. Je veux dire, je ne suis porte parole que de moi, je n'ai pas la science infuse et pour les connaissances réelles sur le sujet, mieux vaut aller voir du côté des docteurs Zermati et Apfeldorfer.
Par ailleurs, ce que je n'ai pas écrit hier parce que ça va de soi pour moi, c'est que d'une manière générale, malgré tout, je fais partie des chanceuses et privilégiées, dont l'enfance et les années qui ont suivi ont été... heureuses. Parce que oui, on peut être en surpoids une grande partie de sa vie tout en réalisant bon nombre de ses aspirations. Si mes kilos m'ont bouffé la tête jusqu'il y a peu, il ne m'ont pas empêchée de suivre les études que je souhaitais, d'exercer le métier dont je rêvais et de rencontrer l'homme parfait, qui s'est toujours foutu de mon tour de taille.
Peut-être aussi qu'avoir été ronde, l'être encore un peu aujourd'hui - j'ai certes maigri mais je reste... moelleuse - a finalement été un fardeau fertile. Je veux dire par là que j'ai compris très tôt que je n'obtiendrais pas forcément l'attention en clignant des yeux comme certaines des filles que je cotoyais. D'où un certain sens de la répartie acquis assez jeune, pour me défendre, pour faire rire, pour séduire. Je ne serais pas celle que je suis aujourd'hui si mère nature n'avait pas été un peu bourrée au moment de la distribution d'adipocytes. Je serais peut-être tout aussi heureuse, ou plus, ou pas, je l'ignore en réalité. Je sais juste que je me suis construite avec cette idée selon laquelle il faudrait peut-être parfois me battre pour faire ma place. Parce que sans tomber dans le misérabilisme ou le pathos, clairement la vie est un peu moins aisée pour ceux qui sortent du moule. Mais elle l'est encore moins pour les malades, les désargentés, etc etc, donc même si parfois l'auto-apitoiement peut être jouissif - et j'en connais un rayon - il faut admettre qu'avoir les cuisses qui se touchent n'est pas ce qu'on appelle un handicap majeur.
Alors bien sûr j'ai parfois rêvé de n'être pas que celle qui faisait marrer les garçons mais en même temps, avec un peu de recul, ça m'a donné une sacrée pêche, ces années de déconnade. Et aussi des amis à vie. Si ça se trouve, j'aurais été une bombe, j'aurais été aussi bavarde qu'un horodateur. Et je suis convaincue que mes copains d'aujourd'hui s'en plaindraient. Ou pas, remarquez.
Bref, je suis loin d'être cosette, je suis loin d'être parfaite aussi, je suis une teigne à mes heures, mauvaise langue et perfide plus souvent qu'à mon tour. Donc même si j'adore être adorée, je crains de n'être pas toujours à la hauteur de votre considération.
Aussi, surtout, cette bienveillance dont je parlais hier, mes parents l'ont toujours eue à mon égard. Je ne dis pas que mes galères de poids n'ont pas plombé ma mère et qu'elle n'aurait pas préféré éviter les psychodrames dans les cabines d'essayage où à 14 ans j'étais serrée dans le 42. Mais dans ses yeux, dans ceux de mon père, je me suis toujours sentie belle. Et c'est là où je voulais en venir. Hier dans les commentaires, l'une d'entre vous a listé ce que devaient absolument faire les parents pour que leurs enfants ne prennent pas de poids. J'avoue ne pas être hyper d'accord avec les principes énoncés, mais ça n'est pas le propos. Je crois personnellement que le plus important, le plus fondamental, n'est pas de rationner les chips ou d'interdire les grignotages mais bien de rassurer ses enfants quant au fait que même obèses nous continuerions à les aimer. Il faut aussi éviter je crois de valoriser la minceur de nos filles et de les fliquer à chaque écart observé. Et j'écris ces mots en ayant totalement conscience d'être moyennement capable de respecter ce dernier point. Mais je sens que la clé est là. En tant que ronde ou ancienne ronde, j'ai évidemment peur que mes filles suivent mes traces. Officiellement parce que je ne veux pas qu'elles souffrent. En réalité, je sais bien qu'une part de moi a surtout envie d'être vengée, voire valorisée à travers leur sveltesse. Et cette part là de moi, croyez bien que je ne l'aime pas beaucoup...
Demain on parlera de mon manteau. Parce que c'est important aussi.
Ah et parait donc que mon billet d'hier - enfin, un extrait - a été lu sur Europe 1 à Dukan. Réaction de ce dernier: on n'a pas compris ce qu'il voulait dire. Tout ce qu'il veut lui c'est recréer du lien familial, par exemple en incitant les adolescents à aller au marché avec leur maman. On a vraiment une pierre à la place du coeur, je vois que ça.