Difficile de mettre des mots sur le bonheur, difficile aussi de ne pas donner l'impression de le brandir indécemment. Les jours coulent paisiblement à ne rien faire ou presque sur un transat. Je suis de celles qui ne connaissent pas l'ennui au bord de l'eau et qui d'une manière générale ne savent pas vraiment ce que recouvre ce concept. L'angoisse, l'inquiétude, la déprime, oui, je vous rassure, je ne suis pas qu'une ravie de la crèche, mais entre les bouquins que j'enquille, les piapia avec le churros et la mer qui nous fait la grâce de changer de couleur mille fois au fil de la journée, il me semble que les heures passent au rythme des secondes, dans ce confetti de l'océan indien.
Nous avons tout de même consenti hier à nous extirper de notre plage chérie pour partir chasser non pas le dodo, ce pauvre oiseau un peu pataud ayant été décimé il y a des années de cela. Tout ça parce que les colons Hollandais n'avaient pas assez des cerfs qu'ils avaient fait venir par bateau, ils ont également importé des singes et des clébards qui ont bouffé tout cru le dodo national dont le point faible résidait dans son gros derrière. Celui-ci l'empêchant de voler, ce qui pour un piaf est un peu ballot. Non pas le dodo disais-je, mais les pamplemousses dans le jardin éponyme.
Las, de pamplemousse, il n'y a pas. C'est à peine si parmi les 78 espèces de palmiers que vous pouvez admirer chez Violette (elle est dingue de botanique, on ne pouvait plus la sortir du parc. A mon avis elle va voter Eva Joly), se planquait un pauvre pamplemoussier lequel ressemble à s'y méprendre à n'importe quel arbre à agrumes. Mais sans agrume. En revanche, on a vu des nénuphars partout et aussi, je crois, des lotus géants. A bien y réfléchir et après avoir tourné en rond une heure par 98% d'humidité, il est probable qu'en prenant un guide nous aurions mieux saisi la spécificité de toutes ces espèces. Un bel endroit, donc, mais, je dois l'avouer, un poil déceptif au vu de l'overdose de superlatifs du routard.
(ça c'est violette juste avant qu'elle ne réalise que l'escargot était vivant et qu'elle me le refile donc dans un cri qui a probablement achevé le dernier dodo existant)
J'ai de loin préféré et mes comparses aussi je crois, la petite station balnéaire de Grand Baie, le Saint-Trop local d'après notre chauffeur de taxi. L'occasion de se voir confirmer que Maurice ne se résume pas à quelques palaces sécurisés et qu'entre deux hôtels, il y a de la vie. Je n'en doutais pas, mais on peut facilement l'occulter tant ces oasis sont faites pour que le touriste y reste. Vendeurs de fruits, de poissons et autres currys, gamins qui barbotent, vieux qui palabrent sous les cocotiers, il fait doux à Grand-Gaie, même si une impression de pauvreté donne à ce paysage de carte postale une dimension presque douloureuse par instant.
Au détour d'une rue, nous voilà dans un temple hindou, en train de contempler benoitement des fidèles démontant le char qui leur avait servi quelques jours plutôt au défilé en l'honneur de Shiva. En bons occidentaux en mal de spiritualité, nous sommes repartis en nous accordant sur le fait que si nous étions un jour obligés de choisir un culte, ce serait peut-être vers celui-ci que nous nous tournerions. Ne serait-ce que pour leurs dieux bizarres, émanations, j'en suis sûre, d'un gars défoncé aux herbes locales.
Je vous avoue que le clou de la journée fut de retrouver Loana. Qui, pour payer ses impôts fait visiblement mannequin Vishnou. Le destin vous joue parfois des tours. Non ?