Lorsque nous avons rendu la clé de notre chambre dimanche, nous avons eu un énorme pincement au coeur, conscients de fermer la porte d'un mirage. "Tout ça n'est pas la vraie vie", m'a dit le churros avec une pointe de tristesse. Tout "ça", la piscine aux airs de lagon qui semblait se confondre avec la mer, les transats impeccables alignés sur une plage immaculée, les cocktails au soleil couchant en merveilleuse compagnie, la promenade sur la digue de Grand-Baie ou encore les petits-déjeuners gargantuesques du 4 étoiles.
Pas la vraie vie et pourtant, durant quelques jours, ce fut la nôtre, savourée seconde après seconde peut-être justement parce qu'on en connaissait la date de péremption. Il y a toujours un côté "cendrillon", je trouve, dans ces séjours à l'hôtel, où la minute qui suit le "check out", vous n'êtes plus dans le film. Peut-être est-ce mieux ainsi, on ne gagne sûrement rien à vivre trop longtemps dans un décor de cinéma. La réalité nous a d'ailleurs rattrapé dans ce taxi qui nous emmenait à folle allure l'aéroport. Alors que nous nous lamentions sur la fin des vacances, le chauffeur nous a confié qu'il n'en avait jamais pris. Jamais, depuis 23 ans, il n'avait lâché son taxi.
De quoi cesser séance tenante les jérémiades et s'interroger sur cette drôle de transhumance qui déverse tous les jours dans cette île paradisiaque quelques privilégiés de mon espèce venus profiter des charmes d'un endroit que les résidents ne sont que très exceptionnellement autorisés à goûter. Faute de temps, faute d'argent.
Notre beignet a définitivement été claqué lorsqu'il nous a raconté être rationné en eau, pénurie oblige, pénurie dûe à une raréfaction des pluies mais aussi à la construction de villas pour milliardaires, piscines incluses, tellement gourmandes en irrigation que le reste de la population peut se brosser pour les douches à volonté.
C'était l'envers du décor et ma foi, on ne l'avait pas volé. Il n'empêche que je mentirais en vous disant qu'on a boudé notre plaisir ces jours derniers. Le cul entre deux chaises, la gauchiste, éprise de cartes postales et de farniente mais pétrie malgré tout de grands principes et de culpabilité. L'équilibre est parfois difficile à trouver.
J'ai aimé l'île Maurice, je n'avais jamais été aussi loin je crois de chez moi, Thailande mise à part mais je ne sais pas, peut-être est-ce cette insularité, et le fait d'avoir laissé mes enfants, j'avais vraiment l'impression d'un bout du monde. Je ne vous ferai pas de city guide, j'ai trop peu bourlingué pour cela, mais voici, en toute subjectivité, ce dont je me souviendrai:
- En février, il y fait chaud, si chaud que je me suis retrouvée à la fin d'un repas dans un endroit très chic les jambes en l'air, la culotte au vent, pour tenter de faire remonter le sang jusqu'à ma tête. Coutumière des malaises vagals (vagaux ? I don't know), celui-ci m'a choppée par surprise et étonnée par sa fulgurance.
- Le soleil mord et ne pardonne aucune négligence au niveau de l'écran total. Cinq minutes et vous voilà brûlés. Je reviens tout juste hâlée, j'ai préféré rester à l'ombre des filoas et des cocotiers.
- La pluie frappe de manière chirurgicale, arrosant un coin de la serviette et pas l'autre (j'exagère à peine, le dernier jour, il pleuvait d'un côté seulement de la piscine). Elle peut tomber à gros grain durant une heure ou plus, ou jouer les starlettes une minute ou deux. Il n'est jamais inutile d'avoir un parapluie, même si j'aime beaucoup personnellement rejouer la pub Tahiti douche de mon enfance.
- La mer est incroyable, c'est cliché de l'écrire mais c'est un spectacle qui se renouvelle à chaque instant, à la faveur d'un rayon de soleil, d'un nuage ou d'un coup de vent. Idem pour les couchers de soleil qui valent tous les sons et lumières de ma connaissance.
- Le vent, justement, est souvent présent et rappelle que les tempêtes et cyclones ne sont jamais très loin.
- Les oiseaux piaffent constamment, orchestre joyeux et cacophonique qui me manque cruellement depuis que je suis rentrée.
- Les cocotiers, débordant de noix, découpent le ciel et garantissent des clichés réussis même lorsqu'on est comme moi assez approximative dans les cadrages.
- Le marché de Port Louis n'offre pas grand chose à voir en dehors de l'ambiance et des denrées alimentaires, plus spécifiquement des fruits et légumes impeccablement rangés. Egalement très belle, la mosquée, à l'angle du quartier chinois de la ville. Port-Louis est à part ça une capitale qui s'étend derrière un port assez actif visiblement, l'architecture est inqualifiable, faite de buildings récents, de pagodes asiatiques, de maisons coloniales (il reste même de l'occupation hollandaise un moulin) et de bâtiments qui m'ont rappelé ceux de certaines villes du Sénégal.
- Les montagnes qui surplombent Port-Louis ressemblent pour certaines à des seins de femme.
- Le meilleur jus de fruits frais pressé que j'ai bu, c'était dans ce bar à Grand-Baie, à égalité avec celui d'une petite échoppe de Port-Louis.
- Pour arpenter l'ïle, mieux vaut choisir un hôtel proche d'un arrêt de bus, ce qui n'était pas notre cas et qui n'était pas grave vu que nous avions clairement envie de calme, d'isolement et de rien-faire. Les taxis sont cela dit hyper pratiques et vous emmènent où vous voulez, vous attendent, vous indiquent les coins où aller. Mais ils ne sont pas donnés, même si la roupie et l'euro ne sont tout de même pas comparables. Je ne sais pas si nous sommes bien tombés ou si les chauffeurs rencontrés étaient assez habiles pour nous faire penser que nous avions bien négocié, mais je n'ai personnellement jamais eu l'impression de me faire carotter.
- Le soir sur la plage, des Mauriciens venaient se baigner et j'ai aimé que les agents de sécurité ne les virent pas comme des malpropres. Ce qui eut été illégal car comme en France, les plages sont publiques. Mais on sait que parfois, certains plagistes s'embarrassent peu de ce genre de considérations. C'était chouette de les voir arriver avec leur picnic et d'entendre ce créole si chantant, ça donnait de l'humanité aux transats.
- Nous étions au Maritim Hôtel, très beau, une architecture se voulant assez mauricienne, entendez par là pas "design", beaucoup de bois, de fauteuils en osier, etc. Un endroit vraiment magnifique, dans un jardin luxuriant. Nous n'avions pas pris la demi-pension et je pense que c'est plus rentable d'être en all inclusive, surtout quand on est éloigné des villes ou des villages. Mais le petit déjeuner était tellement copieux que ça me suffisait quasiment pour la journée.
Voilà, je ne vous parlerai pas de plongée ou de ballades en cata, le churros et moi on n'est pas très attirés par les grands fonds (en réalité j'ai bien trop peur de mourir noyée) et les fameuses ballades en cata, ça coûte un peu la bombe.
Je vous laisse avec quelques photos de ce paradis perdu, promis dès demain ce blog reprend une activité normale.
Edit : pour tout savoir sur l'Ile Maurice, allez sur le blog de la Bernique des Tropiques, qui raconte vraiment trop bien son séjour d'expat' dans l'Océan indien.