Dimanche soir les twins sont partis en classe de neige. Dans un souci d'autonomisation - et aussi parce que j'avais grave la flemme - je les ai laissés faire leur sac tout seuls. J'étais fermement décidée à ne pas intervenir, donc, mais je dois avouer ne pas avoir pu résister quand je suis tombée sur la valise du machin, la plus petite de toute la maison, celle que je prends lorsque je me déplace pour une nuit et qui a en gros la taille d'un paquet de céréales. C'est à dire que son pantalon de ski entrait à peine. Bien sûr ça n'avait pas l'air de le perturber plus que ça, je pense qu'il en était à se dire qu'après tout, tant qu'il y avait ledit pantalon, tout irait bien.
J'ai donc rendu un service à la collectivité en lui fournissant un bagage plus adapté (une semaine dans le même slip aurait probablement ruiné sa vie sociale et celle de ses enseignants) (lesquels sont déjà assez courageux je trouve, 12 heures de car avec 50 gamins déchainés, je ne le souhaite à personne) (sans compter les 50 paires de godasses de ski à fermer tous les matins).
Au moment de partir devant le collège, vers 23h (de nuit, les 12 h avec les fauves) (big up bis à l'éducation nationale), la chérie était prête, emmitouflée par 24° dans sa doudoune. Le machin, relax, en sweat, l'a gentiment raillée: "non mais tu es dingue ! tu as vu la chaleur ?" Puis, de l'air de celui qui, magnanime, donne un conseil en or massif: "Je serais toi, je ferais comme moi. Avec ce temps, ne prends pas de manteau, c'est toujours ça de moins à porter".
J'avoue, j'ai hésité.
Sa soeur aussi, je l'ai bien vu.
Et puis je me suis rappelé que cet enfant de plus d'1,55 désormais avait un jour têté mon sein.
"Tu me rappelles OÙ vous partez, mon chéri ? En classe de QUOI ?"
Là où je me dis que tout n'est pas perdu, c'est qu'il n'a pas eu besoin de plus de dix secondes pour réaliser sa connerie et aller rechercher son anorak qu'il avait consciencieusement remis dans la penderie.
Après, la chérie, qui comptait les jours avant le départ depuis le 12 septembre environ, date à laquelle ils avaient été informés du voyage, a eu les yeux un peu rouges. Son frère m'a confié, sur l'air de la confidence, que "tu sais, même quand elle va chez une copine, le soir, parfois, elle a un peu du mal à s'endormir." Puis, tout bas: "elle pleure, de temps en temps".
Il n'en a pas fallu beaucoup plus pour que les yeux de la chérie soient encore plus rouges (le machin est gentil mais pas discret). On s'est serrées fort, je lui ai dit que j'avais personnellement pleuré le soir dans mon lit chez mes copines jusque très tard. J'ai refusé de donner l'âge exact. N'insistez pas. Son frère lui a rappelé qu'il serait là, ce qui n'a pas vraiment eu l'air de la consoler. Il m'a ensuite confié, un peu désolé, qui lui en revanche ne pleurait jamais dans ces circonstances mais qu'il ne pensait pas que ça puisse signifier qu'il nous aimait moins que sa soeur.
Pour finir, on s'est retrouvés devant l'énorme car, avec évidemment une légère appréhension sur le sérieux du chauffeur, partagée à mots couverts entre parents. Ça n'est pas comme s'il n'y avait pas eu assez récemment l'un des accidents les plus mortels de l'histoire des classes de neige.
Finalement, on a été rassurés. Enfin, les pères, surtout. Qui étaient tous à deux doigts de se déclarer volontaires pour remplacer les profs qui auraient eu finalement envie de rester à Paris.
Parce qu'il s'est avéré que le chauffeur était une chauffeuse sachant chauffer. Encore maintenant je ne suis pas totalement en mesure de vous affirmer à 100% que ça n'était pas Beyonce.
Une chance que ce soit moi et pas le churros qui aie tiré la courte paille de qui se cognerait de les emmener parce que je suis à peu près convaincue qu'il aurait réussi à se planquer dans la soute.
Voilà, je suis évidemment restée jusqu'au grand départ, à agiter ma main comme une imbécile alors que le car était probablement déjà au péage. Juste derrière la prof principale, au deuxième rang, il y avait la chérie et sa copine, mêmes minis modèles de petite filles encore... modèles. Et tout au fond, assis à la place stratégique des fouteurs de bordel (il y a des traditions qui ne se perdent pas), trônaient mon machin et ses copains. J'avoue m'être dit qu'il en avait fait du chemin, depuis justement ses années d'anémone dans le bac à sable. Mais quand le car est passé devant moi, il avait le nez collé à la fenêtre et cherchait très manifestement à croiser mon regard. Je l'ai vu, il m'a vue, il a vu que je l'avais vu. Et l'espace d'une micro seconde, je me suis retrouvée sur ce brancard à la maternité, voyant passer la couveuse de mes bébés qui partait dans un autre hôpital. A ce moment là déjà, il m'avait vue, je l'avais vu et il avait vu, je crois, que je l'avais vu.
Hier à midi, nous avons eu un texto nous annonçant que tout s'était bien passé. Big up à Beyonce.
Edit 2: Par contre j'avoue avoir passé sous silence auprès des accompagnateurs la légère prédisposition de la chérie à dégeuler tripes et boyaux dans un quelconque moyen de transport et ce jusqu'à l'arrivée. C'est moche, je sais.
Edit: Et sinon on est à fond sur la date du retour avec le churros. On a comme qui dirait un léger passif sur le sujet.