C'est une petite pièce bleue, comme une bulle au milieu du salon du livre. Un labo d'écriture, qui pendant quatre jours sera ma deuxième maison, partagée avec 11 autres aspirants écrivains* et notre vénérable professeur, Bruno Tessarech, auteur de son état.
Hier, c'était le premier épisode de ces quatres séances et je dois bien vous avouer que je n'en menais pas large. C'était amusant la façon dont timidement nous nous sommes présentés les uns au autres, avec probablement cette question en suspens: "qu'est-ce qu'il ou elle a dans le ventre, vais-je être impressionnée, vais-je le surprendre ?".
Très vite des ébauches de réponses. Le premier exercice consistait à nous décrire, sous la forme d'un texte, histoire d'échapper aux barbantes présentations sous forme de CV: "Caroline, 40 ans, trois enfants, journaliste".
Nous avons égrené les uns après les autres nos autobiographies et petit à petit, les caractères façon La Bruyère se sont dessinés. Vincent, un enfant, bientôt un autre, travaille dans l'informatique. Bénédicte, fut comédienne mais ne veut plus qu'écrire. Charles, Limoges, a des personnages dans sa tête et ne demande qu'à les faire vivre. Patrick qui n'aime pas l'avion ni arriver en retard débarque en cours de route après avoir manqué son vol. Laetitia est bretonne avant tout et un sens de la formule qui fait mouche à tous les coups. Marion vient de Lyon et voudrait parvenir à terminer ses histoires, etc.
Au moment de lire ma prose, je ne cacherai pas avoir eu la voix qui tremblait et l'envie de disparaitre. Et puis finalement, l'intérêt d'un jeu auquel tout le monde participe, c'est que justement, tout le monde participe. Très vite la peur du jugement s'évanouit, ne reste plus que le plaisir d'être rassemblés pour la même cause: trouver nos mots.
La suite de la séance s'est passée à réfléchir sur ce qui fait l'essence d'un roman. Et de nous apercevoir que nous étions nombreux, moi y compris, à faire fausse route: l'intrigue arrive après, bien après les personnages. Et ce même dans ce genre le plus symptomatique en la matière: le polar. Preuve à l'appui, nous a démontré Bruno Tessarech: "je vous dit Conan Doyle ? Sherlock Holmes. Fred Vargas ? Adamsberg. Agatha Christie ? Hercule Poirot". Etc etc etc.
Notre prochaine mission releva donc de l'évidence: trouver notre personnage. Celui à qui nous donnerions sinon vie, au moins quelque substance dans les jours à venir. Le décrire, dans un premier temps, pour qu'il prenne corps. Sans tomber dans le piège consistant à rédiger malgré nous ce qui serait la première page d'un roman. Piège dans lequel j'ai non seulement sauté à pieds joins mais même plus encore: en lieu et fait d'un portrait, j'avais écrit un synopsis.
Il n'empêche qu'à l'issue de ces quatre heures, lorsque nous avons fermé la porte de notre maison bleue, je suis presque sûre d'avoir entendu les murmures de douze personnages, déjà en mal de leurs auteurs. Et lorsque ce matin nous sommes arrivés, nous avons chacun, presque instinctivement repris nos places avec le sentiment de retrouver ceux que nous avions laissés la veille.
A suivre...
Edit: Pour rappel, je suis donc pendant quatre jours un atelier d'écriture organisé par la Fondation Nouveaux talents. Dans le cadre d'un partenariat avec la fondation, j'ai pour mission, outre de m'imprégner religieusement des conseils avisés de Bruno Tessarech, de relater ici cette expérience.
Edit2: Un grand merci à Céline et Dorothée, nos deux marraines qui se penchent tous les matins sur notre berceau.
* Patrick, Charles, Pascale, Laetitia, Benedicte, Marion, Marie, Mélisande, Vincent, Karine et Céline