Ces derniers jours, à la faveur de rendez-vous pour des interviews ou de colloques que je devais couvrir, j'ai écumé les palaces parisiens. Le Lutetia d'abord, puis le Bristol, le Shangri-la et enfin le Pershing Hall. Je suis à deux doigts de faire un guide, du coup. Je suis consciente que ce que je vais écrire ci après risque de pulvériser ma réputation de gauchiste mais voilà, c'est dit, j'adore les cinq étoiles.
J'adore aussi faire du camping, notez.
Avant.
Parce que l'honnêteté me pousse à concéder que ma dernière nuit sous une tente remonte facilement à une dizaine d'années. Mais je serais capable de recommencer. Je pense. Si j'étais obligée.
Il n'empêche que donc, je suis fascinée par ces endroits tellement luxueux que même sapée je me sens pouilleuse. J'aime les moquettes dans lesquelles les talons s'enfoncent, les cafés accompagnés de mignardises, les bars cossus où chaque table est assez éloignée de l'autre de façon à ce qu'on n'entende pas les conversations, les célébrités qui ne manquent jamais de passer parce que c'est ainsi, les gens connus donnent leurs rendez-vous dans ces lieux protégés. J'aime aussi les vieilles dames qui semblent avoir toujours pris leur thé ici et ces sosies d'Hemigway qui trainent leur flegme, laissant dans leur sillage une odeur unique de vieux journal et de tabac à pipes.
Je pourrais rester des heures à observer cette ronde, drôle de comédie humaine où se croisent d'authentiques aristocrates à la fortune vacillante, de fausses blondes très vulgaires et des flopées de vrais riches tout droit débarqués de Shanghai ou des émirats. Je ne m'y sens jamais complètement à ma place, conservant jalousement ce rôle de spectatrice, qui me dédouane très certainement de ma mauvaise conscience de tant apprécier ce qui incarne pourtant l'argent roi et la dictature des nantis.
Zaz qui fut fleuriste pour l'un des plus prestigieux de ces hôtels pour milliardaires m'a souvent répété qu'y travailler brisait à jamais le charme, que connaitre l'envers du décor faisait s'écrouler le mythe comme un château de cartes. Il n'empêche que je buvais les anecdotes qu'elle me racontait, sur tel prince arabe qui réservait la suite la plus chère pour son chien, un horrible cabot qui sentait mauvais, ou ce mannequin qui avait laissé sa chambre dans un état pouvant laisser penser qu'elle avait abusé des laxatifs (quoi que je ne sais plus très bien d'où je tiens cette histoire).
Bref, disais-je, j'aime les palaces, j'aime aussi en sortir et me rappeler qu'ils ne sont finalement que des décors, des lieux auxquels on n'appartient jamais, même si je crois, Catherine Deneuve vécu longtemps au Ritz. Au Shangri-la, situé à deux pas du Palais de Tokyo, j'ai halluciné de la vue incroyable sur la tour eiffel et pu constater que les toilettes étaient à eux seuls plus luxueux que ne le sera jamais mon salon. Lorsque vous vous apprêtez à ouvrir la porte, une femme de chambre surgit de nulle part pour le faire à votre place. Elle est probablement tapie dans l'ombre, guettant le bruit des pas dans l'escalier. Je me suis dit que décidément, les gens riches devaient perdre peu à peu tout sens des réalités. Hier Nicolas Domenach relayait sur I télé cette citation de François Goulard, qui fut ministre sous Villepin: "Etre ancien ministre, c'est s'asseoir à l'arrière d'une voiture et constater avec étonnement qu'elle ne démarre pas toute seule". Je crois que ça résume assez bien les choses, non ?
Edit: toutes les photos ont été prises au Shangri-la, sauf la dernière, qui est un cliché du Pershing Hall et de son fameux mur végétal.
Edit2: Un clin d'oeil à Cécile, croisée hier, qui m'a prise par surprise en me reconnaissant du blog. J'étais mal réveillée et un peu stressée par le boulot qu'on venait de me demander, du coup je ne me suis pas forcément montrée sous mon meilleur jour. En tous cas Cécile, vous étiez la plus intéressante du panel, sans forfaiterie aucune :-)