Ces derniers jours je me suis dit que tout de même on a une mémoire de poisson rouge. Ou bien les médias sont drôlement forts pour orchestrer l'opinion publique. A moins que ce ne soient les conseillers de nos puissants qui soient très efficaces. Quoi qu'il en soit le résultat est édifiant.
De quoi je parle ? De cette fameuse digne sortie de Nicolas Sarkozy. Il aura suffi d'un discours de défaite qui ne sente ni l'arrogance ni l'agressivité pour que journalistes et observateurs s'esbaudissent: "Il est ENFIN président". A quelques heures de ne plus l'être, il était temps.
Rajoutons à cela cette très belle image des deux chefs d'Etat devant la flamme du soldat inconnu et certains de ses pires pourfendeurs étaient à deux doigts de supplier Nicolas de reprendre du service.
Ça m'a évoqué ces histoires de couples où l'un des deux fait pis que pendre à l'autre toute l'année mais s'en sort finalement grâce à la pauvre rose offerte le soir de la Saint Valentin. Oubliés les soirs à l'attendre pendant qu'il se tape un gueuleton dans une brasserie modeste parisienne, les réflexions désagréables, les comportements humiliants en société, les amis relous et/ou carrément chelous.
Une fleur et deux trois mots l'oeil mouillé pour qu'on se dise finalement que c'est un bon gars.
Entendons nous bien, je ne fais pas une fixette sur le président sortant. Après tout, j'en conviens, son speech du 6 mai n'était pas mauvais et qu'il ait accepté de partager la photo avec Hollande sur les champs est plutôt honorable.
Mais enfin, il ne faut peut-être pas se faire plus cons que nous ne sommes. Tout ceci est j'en suis assez convaincue une très bonne stratégie de communication afin de redorer un blason bien élimé durant ces 5 ans. Et quand bien même ce serait sincère, je me demande si le fait que cela nous surprenne autant, ça n'est pas hyper révélateur du peu de considération qu'on avait fini par avoir pour lui. Limite on a tous été surpris qu'il ne se roule pas par terre en insultant la fraise des bois qu'il pensait vraiment exploser à la télé puis dans les urnes.
Et au delà de tout cela, ce qui m'interroge, c'est la façon dont on oublie. Tout et vite. Je n'invente pas la roue en disant qu'on est en plein dans la société de l'immédiateté mais ces derniers temps cela prend des proportions hallucinantes. Ce n'est plus une info qui en chasse l'autre JT après JT, c'est un tweet qui en gloutonne un autre, 140 caractères qui viennent effacer la gaffe d'un tel, 140 autres qui le reclouent au pilori.
Je me doute que les historiens feront leur travail, prendront le recul nécessaire, réhabiliteront peut-être ce qui ne nous semble aujourd'hui ne pas pouvoir l'être. Mais je me demande s'ils seront lus tant la mémoire est devenue quelque chose d'encombrant.
Personnellement la dignité de ce président une fois vaincu ne me fera pas oublier cette campagne électorale si violente. Ce discours qui se voulait rassembleur est selon moi intervenu trop tard après des propos qui restent comme des tâches indélébiles banalisant les idées de l'extrême droite. J'aurais préféré que les semaines précédentes soient moins dures et aurais mille fois plus facilement pardonné une sortie capricieuse et amère que tout ce que nous avons dû subir des mois durant.
Et si aujourd'hui je suis bien évidemment heureuse de l'issue du scrutin, je ne peux m'empêcher de trembler à l'idée que ce nouveau président se plante. Parce que si c'était le cas, je ne vois pas qui sera capable de barrer le chemin de Jeanne-Marine.
Voilà, à part ça hier sur les quais de Seine il flottait un air d'été salutaire. La promesse de soirées arrosées, une ambiance de fête retrouvée, des danseurs au bord de l'eau et des guinguettes qui se remplissaient peu à peu. Et Zaz nous a fait des tresses, peut-être comme on fait des noeuds à son mouchoir, pour se souvenir de ce que de toutes façons personne ne saurait oublier...
Bonne journée.