Quand on est s'est rencontrés avec le churros, on a d'abord été amis pendant presqu'un an, puis il m'a sauté dessus pour me faire dans la foulée le coup du "je ne suis pas sûr de vouloir m'engager, je sors d'une relation difficile, bla bla bla".
Phase délicate s'il en est que j'ai à l'époque gérée il faut bien le dire comme une bête, m'effaçant totalement des radars et ne tombant pas comme j'en avais jusqu'alors coutume dans le drama excessif, lettres éplorées et coups de fils raccrochés à la clé (j'ai comme qui dirait un lourd passif en la matière).
Je ne sais pas si ce fut grâce à cela que finalement le churros changea d'avis sur la question de l'engagement sa race, mais le fait est qu'il est venu à genoux me supplier deux semaines plus tard de lui pardonner. Inutile de préciser que je me suis fait prier (dix minutes).
Après ces débuts un peu cahotiques mais pas tant que ça, je marchais néanmoins sur du velours, n'osant pas proposer quoi que ce soit qui pourrait lui faire penser que j'avais l'intention d'égarer accidentellement ma boite de pilule dans les toilettes. Les vacances d'été approchaient et je m'apprêtais donc à les passer en célib avec mes potes, consciente que nous n'avions peut-être pas encore assez de kilomètres au compteur pour envisager trois semaines en tête à tête.
Et puis un après-midi de juin, j'étais au boulot et il m'a appelée pour me proposer qu'on parte en Corse, où il n'avait jamais mis les pieds et dont je lui avais parlé maintes fois. Je crois que c'est ce jour là que je me suis dit que c'était peut-être bien le bon.
Alors on est partis tente au dos et on a fait le tour de l'ïle en train - merveilleuse micheline d'alors -, en stop et en car. Je crois que ces jours heureux sont encore aujourd'hui pour nous un ciment solide comme le roc. Parmi les endroits visités, il y eut Bonifacio et sa citadelle perchée au dessus de la mer. Je me souviens parfaitement de ce soir où après un repas arrosé nous avons erré au hasard dans la vieille ville. Il y avait sans doute quelques touristes mais pour moi nous étions seuls. A un moment, le vent qui souffle là bas 300 jours par an s'est engouffré dans les ruelles, faisant claquer les volets et les linges qui pendaient aux balcons. Dans cette drôle de cacophonie, on s'est embrassés, le temps s'était arrêté. Je me suis dis alors que l'amour pouvait être simple comme ce baiser, ce qui pour moi était une découverte.
Il y a une semaine, laissant les enfants à mes parents venus nous rejoindre, nous sommes allés comme en pèlerinage à Bonifaccio. L'espace d'une journée et d'une nuit, nous avons refait le chemin à l'envers, souriant de reconnaitre cette terrasse ou ce petit passage. "Tu te souviens ?", j'ai dit, plusieurs fois.
En vérité, il ne se rappelait pas vraiment de ce que je viens de raconter, peut-être même n'est-ce jamais arrivé, ou pas comme je me plais à l'imaginer. En vérité, ce qu'il garde en mémoire, ce sont ces nuits sans sommeil dans des campings sans étoiles sous ma canadienne qui sentait le moisi et un peu le sexe.
Sur le coup, son manque de romantisme m'a un peu douchée, d'autant qu'il n'est pas passé par des circonvolutions comme celles ci-dessus pour l'exprimer, se contentant d'un "qu'est-ce qu'on avait baisé..." (c'est moi la littéraire du couple). Et puis j'ai réalisé que ça n'avait pas d'importance, que ce qui comptait avant tout, c'était probablement que l'amour restait encore aujourd'hui très simple avec celui qui à l'époque portait un catogan (il valait mieux, cf le cliché ci-dessous pris justement à Bonifaccio il y a quinze ans) et des tee-shirt offerts par une agence de comm (avant les journalistes recevaient des cadeaux, mais ça c'était avant les blogs), sur lesquels étaient inscrits des messages ridicules comme "soyez heureux", "amoureux de l'amour" ou "souriez vous êtes filmés".
Difficile à croire aujourd'hui mais je parvenais à faire abstraction. A bien y réfléchir, je crois que j'y parviendrais tout autant, j'ai bien toléré son tee-shirt Hulk tout l'été.
Voilà qui clot mes billets corses, je suis rentrée depuis vendredi soir et vous écris depuis mon réfrigérateur dans lequel j'ai élu domicile. Aujourd'hui je passe une nouvelle fois la journée dans le TGV pour emmener la troupe à Lyon y passer les dernières semaines de vacances et revenir fissa dans la fournaise parisienne, travail oblige...
A plus tard.
Edit: nous avons dormi au "Solemare", un hôtel très agréable avec une piscine donnant sur le port dans laquelle il est tout de même hyper bon de se baigner en fin de journée après avoir craché ses tripes dans la montée de la citadelle (je me demande comment j'ai fait il y a quinze ans pour accepter le dodo-mousse, j'imagine que j'étais jeune, c'est tout) (et pauvre). Cher mais moins que d'autres dans cette ville tout de même prohibitive sortis des camping. Par contre, carton rouge pour le petit déjeuner, 15 euros par personne et pas bon, viennoiseries en carton, pains de cantines tout secs et canistrelli mollasons.