J'imagine qu'on fait tous ça. Tenter de donner quelques clés à nos enfants pour qu'ils sachent éventuellement se tirer d'un mauvais pas. Avec interrogations orales pour ma part histoire de vérifier qu'ils ont bien compris:
- Et si tu te perds dans le magasin, tu fais quoi ?
- Je vais voir une caissière et je donne mon nom pour qu'on t'appelle.
- Et si tu te perds dans la rue ?
- Je trouve un policier et je lui donne mon nom et mon adresse et aussi ton téléphone si je m'en souviens.
- Et si il n'y a pas de policier ?
- Je demande à une DAME (oui ben voilà hein, 30 ans de féminisme acharné pour inculquer à ses enfants que les femmes sont par nature moins potentiellement dangereuses, je n'en suis pas fière mais VOILÀ).
- Et si ta soeur/ton frère se fait mal à la maison à un moment où on est pas là ?
- Je fais le 18 et je donne mon adresse.
- Ton adresse c'est quoi ?
- C'est le .... à Paris 13.
- Bon et là, on est dans le métro, tu es entré dans la rame et moi je n'ai pas eu le temps parce que les portes se sont refermées, ou l'inverse, tu n'as pas eu le temps de sortir. Tu fais quoi ?
- Je garde mon calme et je sors à la prochaine station.
- ET ?
- Et je t'attends.
- Sans bouger.
- Sans bouger, je SAIS MAMAN.
- Mais on est d'accord que surtout tu fais en sorte QUE ÇA N'ARRIVE PAS. Et pour que ça n'arrive pas, tu FAIS ATTENTION A CE QUI T'ENTOURE.
- Mais oui... (énorme soupir) (que je lui rends).
Bref, on fait tous ça, j'imagine, en se disant qu'il n'y a pas beaucoup de chances que ça serve à quoi que ce soit.
Sauf qu'hier, j'ai donc emmené les trois enfants à Lyon, ainsi qu'un copain et une copine des twins (respect éternel pour mes parents, ces héros qui s'en cognent donc cinq toute la semaine). Cinq gosses dans le métro, autant de valises, tout ça avec un timing un peu serré en raison d'une perte de clés juste avant de partir (les chiens font pas des chats, vous pourriez me dire et j'opinerais du chef). Cinq gosses, donc, dont une petite de quatre ans qui descend encore lentement les escaliers et la copine de la chérie qui s'était fait piquer par une guêpe sous le pied la veille et marchait difficilement. Cinq gosses, dont le machin, SURTOUT.
Qui s'est précipité dans le métro à Olympiades au moment où l'alarme a sonné pour avertir de la fermeture des portes (ligne 14, double rangée de portes, tu peux rien faire contre).
Qui s'est précipité, donc, ALORS QU'ON ETAIT ENCORE DANS L'ESCALIER AVEC LES FILLES ET QUE SON COPAIN, LUI, A EU LA PRÉSENCE D'ESPRIT DE RESSORTIR. (J'ai décidé de proposer un échange définitif à ses parents on sait jamais).
Le machin, donc, qu'on a vu partir tout seul avec son sac à dos et dans ses yeux ce "j'ai pas fait exprès" qui pourrait peut-être un jour me faire commettre l'irréparable.
Et moi qui criais - comme s'il pouvait encore m'entendre une fois le métro parti - "TU SORS À LA PROCHAINE ET TU BOUGES PAS, TU TE RAPPELLES ?".
Vous dire que les trois minutes qui ont suivi jusqu'au métro suivant ont été longues serait en deça de la réalité. Tout ça avec en musique de fond les prédictions toujours pleines d'allant et d'optimisme de sa soeur complètement dévastée: "on ne va JAMAIS LE RETROUVER" ; "il doit être en train de pleurer, là, maman, il est tout seul" ; "j'ai les jambes qui tremblent, maman" ; "j'oublierai jamais cette image de lui qui part, là, dans sa rame de metro avec son regard DESESPÉRÉ".
Alors que je tentais de rassembler tout ce qui me restait des cours de préparation à l'accouchement pour ne pas me laisser gagner par la panique, elle a réussi non seulement à faire pleurer Rose, convaincue que son frère était déjà à "Magagascar" et à faire perdre son flegme au copain du machin pourtant pas facilement impressionnable.
Une fois dans notre rame, le trajet jusqu'à "Bibliothèque" a duré deux heures je crois. Ou plus certainement une minute 30, mais on se comprend. Une minute 30 pendant laquelle je me suis refusée à imaginer que mon lunaire de fils ait pu avoir l'idée saugrenue de continuer tout seul jusque Gare de Lyon ou de chercher un policier (va savoir s'il a pas confondu les conseils, me disais-je) (va savoir s'il les a même un jour vraiment écouté) (va savoir si tu sers vraiment à quelque chose).
Et puis à la station suivante, il était là, hilare et soulagé je crois aussi, mais pas du tout en larmes. Je peux vous le dire, je n'ai jamais été aussi heureuse de voir sa trombine, même si une partie de moi avait très un tout petit peu envie de l'emplafonner. Quant à sa soeur, cette façon qu'elle a eu de le serrer à l'en étouffer alors qu'ils s'étaient pourris toute la matinée, je crois que si j'avais des doutes sur ce qui les lie, je n'en ai plus aucun.
Après, en sortant du métro il a assommé Rose avec son sac à dos en se retournant pour parler à son pote et du coup il a pris pour tout le reste. Je l'ai MOISI.
Voilà, comme je leur ai dit une fois calmée, en même temps, il y a belle lurette que ce blog serait en soins palliatifs (ou devenu 100% mode) (ce qui je le crains reviendrait au même) sans cette source inépuisable d'inspiration qu'est devenu mon fils. Je me demande même s'il n'est pas arrivé sur terre avec cette mission bien précise.
Bonne journée.
Edit: et donc, ça peut servir en fait, ce qu'on fait probablement tous et toutes en espérant qu'ils en retiennent quelques bribes.