Ce n'est pas trop mon habitude d'utiliser ce blog pour faire ce que les Anglais appellent le "shame and blame". Mais je sais aussi que parfois, ce que je montre ici peut donner des idées ou des envies. Or je m'en voudrais vraiment que certains ou certaines aillent claquer l'équivalent d'un mois de salaire (plus ou moins selon les gens mais ça n'est pas le propos) dans un bijou qui ne tiendra pas ses promesses.
Il y a quelques mois, le churros m'a offert une bague sur laquelle je louchais depuis belle lurette. Il a profité de mon anniversaire et de nos cinq ans de mariage pour m'emmener chez Pomellato, joailler dont j'admire absolument toutes les créations, des cabochons aux boucles d'oreilles, en passant par les colliers et bracelets.
Une fois entrés dans l'antre italienne, sise en face de l'Elysée encore occupée alors par Nicolas Sarkozy (rien à voir avec l'histoire mais en y retournant il y a quelques jours je me suis fait la réflexion que c'était tout de même très agréable de savoir qu'il n'y était plus), nous avons été reçus avec grande classe par une vendeuse très très chic me donnant l'impression d'être la cliente la plus importante qu'elle n'avait jamais eue, me laissant le temps de choisir le modèle qui l'emporterait et distillant les conseils avec une délicatesse rare, sans jamais franchir le pas de l'intrusion.
Alors que mon coeur balançait entre la turquoise et la noire, elle s'est contentée de me glisser que selon elle, la noire correspondait peut-être mieux à mon style "mystérieux". On a beau ne pas être idiote, comment ne pas être flattée hein. Bien qu'étant probablement la nana la moins mystérieuse stylistiquement parlant qui soit, j'ai vraiment pensé durant cinq minutes qu'elle voyait en moi une Patti Smith parisienne, une artiste un peu tourmentée, à qui cette bague en Onyx donnerait toute sa dimension trash mais chic.
Elle m'a bien prévenue que l'objet était précieux et assez fragile, précisant que l'utilisation de produits détergents n'était pas conseillée. Avertissement qui ne m'a pas trop perturbée, vous vous en doutez (je suis de gauche mais j'ai une femme de ménage). Je suis repartie avec ma merveille au doigt, toute tourneboulée par cet achat exceptionnel et déraisonnable.
Les semaines qui ont suivi, j'ai du instagrammer 234 fois ma main tellement je la kiffais. Vous voyez le truc où après une manucure on ne peut pas s'empêcher d'admirer ses ongles, l'estime de soi remontée comme un coucou cocaïné ? Là c'était 100 fois ça.
Dire que j'en ai pris soin est en deça de la réalité. Je l'ai enlevée à chaque bain, je prenais garde de ne jamais heurter la moindre surface dure et c'est tout juste si j'osais aller aux toilettes avec.
Et puis un matin, environ trois mois plus tard, j'entends un bruit de quelque chose qui tombe alors que je suis dans la cuisine. Je regarde par terre, je ne vois rien et je lâche l'affaire (je suis persévérante mais avec mes limites). Un quart d'heure plus tard, alors que je suis au téléphone et que je regarde donc mes doigts que je me kiffe toujours autant, horreur.
La bague est toujours là, mais plus la pierre.
Je fais le rapprochement avec le petit bruit dans la cuisine, je cherche avec l'énergie du désespoir sous la machine à laver et miracle, je la retrouve, étrangement minuscule maintenant qu'elle n'est plus sertie.
Enfin, sertie.
COLLÉE.
Oui oui, la bague à 2000 euros made in Italie par des petites mains au savoir faire ancestral n'est en réalité qu'un anneau sur lequel on a collé une pierre (au demeurant de peu de valeur, l'onyx n'est pas une matière précieuse). Et comme visiblement la super glue ça coûte, le point de colle est microscopique.
Dire que j'ai été déçue et furieuse est en deça de la réalité. C'était un peu comme rencontrer une idole et s'apercevoir que le gars sur lequel on fantasme depuis des années a une haleine chargée et un cerveau de bulot. L'envers du décor de Pomellato, c'était donc un point de colle.
Lorsque nous sommes retournés dans la luxueuse officine, la vendeuse nous a d'abord reçus avec la même déférence, admettant que c'était regrettable, tout en glissant qu'elle nous avait prévenus, l'objet était fragile. Puis elle a repris la bague, m'a filé un bon pas plus chic que celui d'un pressing et expliqué que ce serait long, il fallait en effet renvoyer le tout en Italie (c'est vrai que pour balancer un coup d'UHU il faut aller à Florence, hein). Et puis c'est tout, aurevoir, bonne journée, circulez, surtout, vous nous foutez le cafard.
La moutarde m'est un peu montée au nez, j'avoue. J'ai donc argué que le prix du bijou ne pouvait souffrir d'un tel incident, qu'il me semblait un peu cavalier de me laisser repartir sans rien, que dans mon esprit, la bague étant sous garantie, le mieux eut été de me la remplacer sur le champ, que je croyais que c'était ainsi dans ces vénérables maisons. A côté, une jeune femme essayait toutes sortes de modèles et commençait à tendre l'oreille, j'ai donc parlé bien fort, d'autant plus fort que soudain, notre hôtesse n'a plus été afable, se fermant comme une huitre et balançant l'air de rien que c'était tout de même rarissime qu'un tel incident se produise et que peut-être, peut-être, hein, la bague était "trop fragile pour moi".
Bye bye Patti Smith la mystérieuse, bonjour Caroline la souillon brise-fer. Genre Pomellato ça ne peut pas aller à tout le monde.
Un peu séchée, je suis repartie non sans enfoncer mon dernier clou, sur le mode "je n'achèterai plus jamais rien chez vous", qui n'a certes pas beaucoup perturbé ma chère conseillère de vente (ça doit se voir un peu sur nous que ce type d'achat se produit tous les dix ans et encore) mais qui a au moins eu le mérite de semer le doute dans l'esprit de l'autre cliente, laquelle a décidé de "réfléchir". Je ne saurais décrire le regard chargé de haine que la collègue de mon hôtesse a alors posé sur moi.
Bref, si d'aventure vous aviez un jour l'intention d'investir dans la pierre (hin hin hin), je ne vous conseille pas Pomellato. Je reste complètement dingue de leurs créations mais manifestement, elles sont destinées à de belles et riches oiseuses disposant de domestiques et n'ayant rien d'autre à faire de leurs journées que d'oter leurs bijoux au moindre mouvement ("tu me passes le sel ?" "attends, j'enlève ma bague, d'abord").