Hier soir mon ami Gilles* est venu manger à la maison. D'aussi loin que je me souvienne, il a toujours mis du jeu dans la vie. Cette fois-ci, il est arrivé avec le dessert: cinq parts de flan achetées aux quatre - ou plutôt cinq - coins de Paris. "C'est un défi-flan", a-t-il expliqué aux enfants qui se demandaient quelle mouche l'avait piqué.
Après mon risotto de la mort qui tue (je suis italienne désormais, je rappelle), nous voilà donc munis d'une feuille de papier avec un graphique à deux entrées, nos noms et les numéros des flans. Mission, acceptée sans broncher: noter chaque bête pour distinguer le meilleur.
Ce qui est drôle, c'est que Rose par exemple qui n'a jamais aimé les flans, a tenu à tous les goûter, tant le jeu l'amusait. Idem pour la chérie, pas vraiment gourmande devant l'éternel, du moins quand il n'y a pas de chocolat inside. Inutile de préciser que le machin, lui, a pris le challenge très au sérieux, commentant l'apparence, la consistance de la croute, la couleur de la crème, la saveur de la "petite peau" caramélisée du dessus, etc.
Au final, c'est ballot, je n'ai pas noté la provenance du vainqueur, je compte bien harceler G. toute la journée s'il le faut pour qu'il me la retrouve. Mais le deuxième, qui était l'unique flan rond et que nous avons eu du mal à départager, venait de chez Moisan, dont l'une des boutiques se trouve place Maubert.
Dans les cinq, je n'ai pas identifié the best ever, mais j'ai une liste longue comme le bras d'adresses que vous m'avez les uns ou les autres envoyées et que je dois absolument tester.
Au delà de l'objet de mon affection - le flan - ce que je retiens ce cette soirée, c'est le plaisir. Celui du jeu, où le seul perdant serait un flan (j'ai un peu de mal avec tout jeu entrainant la peur de perdre assez mal gérée chez certains membres de ma famille), mais surtout celui de la dégustation: tenter d'identifier la vanille, apprécier le croquant d'un feuilleté, goûter la tendresse d'une consistance moelleuse à souhait...
Quand il est arrivé avec ses cinq flans, j'ai immédiatement dit à G. qu'il était fou, que c'était beaucoup trop (le churros n'était pas là, or c'est un peu le plus gros appétit de la familia) tout en pensant qu'on les boulotterait sans geindre malgré tout. Et c'est ce qui se serait passé si nous les avions mangés sans nous livrer à notre starac de la part de flan.
Alors que là, sur les cinq, les trois moins appréciés sont restés presque indemnes (comme en témoigne la photo). Pas parce qu'ils étaient trop mauvais, pas parce qu'on s'est privés, juste parce que j'ai eu une nouvelle fois cette preuve évidente: la dégustation permet de détecter la satiété. Et de s'y soumettre de son plein gré.
Je me suis dit que ça pouvait être un exercice assez zermatien dans l'âme, cette histoire.