Non, m'étais-je dit, je ne vous ferai pas de billet sur la journée des droits des femmes parce qu'en soi cette journée me plombe le moral. D'autant qu'elle est chaque année l'occasion pour les médias et instituts de sondage de nous rappeler que les gonzesses gagnent moins d'argent que les hommes à compétences égales. Ce qui est bien sûr une info de première importance, mais qui, non suivie de mesures pour mettre fin à cette injustice, ne sert à rien. Ou si, peut-être, à se donner bonne conscience. C'est bon les gars, on en a parlé, on les a bien plaintes, passons à la journée de l'omelette norvégienne.
Je ne comptais pas en parler, donc, et puis un mot en entrainant un autre, je suis donc en train de l'écrire, ce billet. Vous savez ce que j'en pense, le féminisme revêt des visages variés, pour moi il signifie avant tout se battre pour que les femmes aient accès à leur autonomie, ne dépendent pas de leur conjoint et aient la liberté d'exercer le métier qu'elles souhaitent. J'essaie à mon petit niveau d'élever mes filles - mais aussi mon fils - en ce sens, et comme je crois que l'éducation par l'exemple est probablement la plus efficace, j'espère qu'elles grandiront avec cette certitude: faire ce que l'on aime est la meilleure façon de s'émanciper et d'accéder à une certaine idée du bonheur.
Je précise comme toujours que je n'ai aucun mépris et ne porte aucun jugement sur les femmes qui ont choisi de rester à la maison. Je souhaite surtout à chacune de pouvoir construire sa vie comme elle l'entend, avec des périodes consacrées aux enfants si tel est leur voeu et d'autres plus tournées vers l'extérieur et l'accomplissement de ce qu'elles portent en elles, parce que les enfants grandissent et qu'à un moment, ils ont moins besoin de nous.
La vie a souvent plus d'imagination que nous, avec tout que ce mot imagination peut avoir d'aléatoire. Et avoir au creux de soi la certitude que l'on s'en sortira, c'est ce qui me fait tenir. J'ai été élevée par une mère qui travaillait et un père pour qui il était évident que ses filles aussi bosseraient. Ce que je suis aujourd'hui, la confiance - toute relative - que je peux avoir en moi, je la leur dois.
Si j'étais ministre des droits des femmes, je pense que je serais bien emmerdée, parce que je ne parviens pas à avoir d'avis sur les quotas ou quoi. Je suis en revanche convaincue que l'égalité passe par l'éducation dès le plus jeune âge, des filles mais aussi des garçons, qui seront les maris et les pères de demain. En leur martelant que l'on a le droit de rêver, qu'aucune profession ne leur est interdite et qu'elles doivent jouer des coudes pour devenir ce qu'elles projettent d'être.
Mais aussi et peut-être surtout, par l'instauration d'outils permettant de conjuguer au mieux vie privée et vie professionnelle. Pour qu'une promotion ne soit plus jamais refusée à une femme au prétexte qu'elle risque de s'absenter faute de nounou ou quoi. Pour que les congés parentaux soient raccourcis ou aménagés de façon à ne pas extraire du marché du travail des femmes qui ensuite ne parviendront pas à se ré-insérer. Pour que les hommes aussi envisagent de prendre ces congés, qu'ils ne redoutent pas d'être regardés comme des potentielles petites natures privées de virilité lorsque c'est leur tour d'assurer la garde de la petite qui nous fait une angine.
Si je ne travaillais pas en free lance à domicile, avec tout ce que cela comporte de précarité, je ne vois pas bien comment nous nous occuperions de nos enfants qui ne sont plus des nouveaux nés mais qui ont chacun à leur façon besoin d'une présence parentale. Leur père, pourtant ardent défenseur de la cause féminine, éprouve une difficulté indécrottable à poser une demi-journée pour un rendez-vous chez le dentiste ou une réunion avec la prof principale. Parfois, je me dis que je lui facilite les choses, parfois je me dis surtout qu'il ne sait pas ce qu'il rate. Je crois que mon équilibre actuel ne tient qu'à un fil et sur ce fil, je marche telle une funambule, en priant de conserver cette chance inouie de vivre de ce que j'aime tout en étant là pour ceux que j'aime.
Je vous le souhaite aussi, à vous, mes courageuses, mes fortes, mes guerrières, mes apeurées, mes tendres, mes blessées, mes séductrices, mes amazones, mes maternelles, mes précieuses... Bonne journée.