La naissance de mes jumeaux ne s'est pas passée comme dans un rêve. Ils sont arrivés trop tôt, en catastrophe, dans un hopital qui n'était pas conçu pour gérer deux prémas. A peine ont-ils été extirpés de mon ventre, que le Samu les a emmenés à l'autre bout de Paris. Je me suis réveillée de l'anesthésie générale, j'ai eu le temps de voir la double couveuse passer devant mon brancart et d'effleurer le poignet de mon fils. Ma fille était cachée par son frère, je ne l'ai découverte que trois jours plus tard, lorsqu'on a bien voulu me conduire à elle.
Au bout d'une petite semaine, ils sont revenus dans la maternité où je me remettais péniblement de ma césarienne (on va dire que les 32 kilos pris pendant les sept derniers mois dont seulement 5 s'étaient envolés pendant l'accouchement ne m'aidaient pas à retrouver une quelconque mobilité. Sans compter l'état de dépression avancé dans lequel je me trouvais, combiné à une montée de lait atomique qu'aucune machine d'avant-guerre ne pouvait soulager).
Je garderai toute ma vie en mémoire ce berceau en plexiglas dans lequel se blotissaient ces deux poupons minuscules et encore tuyautés. A ce moment là, nous avons vraiment cru, le churros et moi, qu'on en avait fini de pleurer. Je n'en pouvais plus de fierté, j'étais enfin une maman comme celle dont je partageais la chambre et non un ventre vide échoué sur un lit d'hopital, cherchant à comprendre ce qui avait bien pu se passer pour que rien ne se déroule comme prévu.