Savoir recevoir un cadeau et surtout faire bonne figure lorsque le dit présent ne plait pas, n'est pas chose aisée. Mais pour la ronde, en ces temps d'anniversaire, l'exercice est encore plus angoissant.
Sa grande peur, dans ces circonstances, est de se voir offrir un vêtement. Elle n'a d'ailleurs jamais bien compris comment il était possible qu'on persiste encore à lui acheter chemise, tee-shirt, pull ou même jupe, tant il lui semble évident que dénicher quelque chose qui lui ira vraiment est un pari improbable.
Pourtant, régulièrement, on lui remet un paquet qui, dès la palpation, ne laisse aucun doute. Une fringue. L'intention est toujours si bonne qu'elle ne voudrait pas avoir l'air ingrate: elle est sincèrement touchée. Seulement voilà. Les âmes amies ne se contentent en général pas d'un "merci c'est adorable et super joli". Dès le papier arraché et le vêtement déplié, la ronde entend l'inévitable et redouté "va l'essayer, si ça ne va pas on peut changer".
Difficile de décrire là les affres auxquels elle est alors confrontée. Refuser d'optempérer risque de vexer celui qui vient, fébrile, de lui offrir le présent. Mais accepter, c'est s'exposer aux regards déçus et gênés de ce dernier. Parce que bien sûr, neuf fois sur dix, ça ne lui va pas. Il y a d'ailleurs une explication très simple à cela. Les gens qui aiment la ronde ne la "voient" pas. Cela ne leur viendrait donc pas à l'esprit d'acheter une jupe en 44 ou un petit haut en taille 4. Ils ne réalisent pas non plus forcément que cet adorable cache-coeur en maille couvrira à peine la moitié de ses seins.
La ronde parvient régulièrment à esquiver le défilé de mode post-gateau d'anniversaire, mais parfois, elle s'y colle, empruntée. Elle sort de sa chambre le ventre rentré et se dandine maladroitement, tirant nerveusement sur le petit - très petit - pull, du coup déjà foutu pour un éventuel échange, tout en faisant mine d'adorer cette nouvelle tenue. Elle joue si bien la comédie que tout le monde est ravi, mais toutefois soulagé lorsqu'elle prétexte une température trop ou pas assez élevée pour rester ainsi et qu'elle repart se changer.
Au fil des années, les uns et les autres ont compris qu'après tout, les livres et autres nourritures spirituelles étaient des cadeaux moins risqués.
Surtout, l'homme est arrivé. Il a lui décidé que la ronde porterait vraiment des mini cache-coeur, des soutiens-gorge pigeonnants et autres débardeurs aux décolletés provoquants. Et petit à petit, la ronde s'est prise au jeu de défilés olé olé, très vite déshabillés...