C'était il y a longtemps, peut-être un an. Depuis, tous les mercredis, on tente de la retrouver. On part à la chasse aux mangues parfaites. Le rituel est toujours le même. Vers 12h30, on se rend, munis de crayons et de feuilles de papier, dans notre petit restaurant vietnamien préféré, juste à coté. On commande toujours la même chose, des nems pour mon fils, du riz cantonnais pour ma fille et un bo-bun pour moi. En attendant les plats, les enfants dessinent des princesses et des spiderman. Moi je fais des "ah" et des "oh" tellement c'est beau, et puis je rêvasse. Parfois aussi on parle, des copains, de Jean-Thomas le mytho qui cette semaine est un espion, d'Aïcha qui est devenue gentille, de Jade qui est trop forte à la corde à sauter ou de Théophile qui s'est fait baisser le pantalon à la récré, la honte.
On mange assez vite nos plats, qui ont le grand mérite d'avoir toujours le même goût. Ensuite, je pose toujours la même question, comme si le doute était possible: "On prendrait pas une mangue ?". Et immanquablement bien sûr, on commande le fruit chéri, avec trois cuillères s'il vous plait.
Quand elle arrive, on la jauge, chacun y va de son commentaire. Trop jaune, trop blanche, elle n'a pas l'air mure, elle est à point on dirait... Puis on attrape le premier morceau. Dès la première bouchée, le verdict tombe. Bonne mais pas assez sucrée, un peu fadasse, trop filandreuse, pas assez de jus, presque parfaite. Quelques fois, on se rapproche de notre idéal, de notre référence ultime, la mangue étalon, la meilleure du monde. La dernière fois, on était à deux doigts de décréter qu'on y était, mais finalement non, un poil trop acide.
Je crois qu'on sait, eux et moi, au fond de nous, qu'on ne la retrouvera jamais. Je crois même qu'on sait que certaines des dizaines de mangues goûtées depuis étaient peut-être aussi bonnes voire meilleures. Mais voilà, elles n'y peuvent rien, la fameuse, la meilleure mangue du monde, est devenue un souvenir d'enfance.
Et qui peut rivaliser avec un souvenir d'enfance ?