Cette semaine, deux informations se sont téléscopées et ont attiré mon attention. Pour une fois, je vais essayer d'ailleurs de vous en parler sans ponctuer mon post d'âneries parce que le sujet est sérieux.
Je vais essayer aussi d'être claire parce qu'il s'agit de parler de quelque chose qui me touche tout particulièrement et que je sens que je vais avoir tendance à m'emballer et à perdre le fil de ma pensée...
Donc mon grand cri qui sera sobre et presque silencieux pour accentuer la gravité de ma révolte - on le sent là que je ne rigole pas ? - c'est à propos d'une publicité - encore - que je veux le pousser. Une publicité largement relayée par les médias et notamment par Elle cette semaine. Pour une marque de vêtements italienne qui s'appelle Nolita. La pub en question met en scène une jeune fille anorexique, nue, offerte en pature à nos regards horrifiés. En légende: "No Anorexie - Nolita".
Non je ne vous montrerai pas la photo, vous pourrez la trouver aisément sur gougueule. Déjà, j'ai hésité à en parler parce qu'en un sens j'en fais la promotion. Vous savez ce qu'on dit: "Parlez de moi. En bien, en mal, mais parlez de moi". Cela pourrait être la devise des publicitaires. Il n'empêche que j'ai choisi malgré tout de ne pas me taire parce que je lis ça et là que "c'est bien si ça fait bouger les choses", que "certes c'est choquant mais en même temps enfin une marque qui ose", etc etc etc. Il semble y'avoir un consensus général sur les bienfaits à terme d'une telle démarche.
Et moi, désolée, mais je pense exactement le contraire et je suis consternée qu'une fois de plus la presse féminine se donne bonne conscience de la sorte.
Premièrement, l'homme qui est derrière ça c'est Toscani, le photographe de Benetton et personnellement j'ai toujours été perplexe quant à ses intentions. Choquer pour choquer, c'est souvent juste putassier.
Deuxièmement, je suis convaincue qu'on se trompe. Oui, on se trompe de croire que l'image d'une jeune femme décharnée va effrayer les jeunes filles susceptibles de devenir anorexiques. D'abord parce qu'on ne choisit pas d'être anorexique. Pour rappel, c'est une maladie. Ensuite, parce que malheureusement, lorsqu'on est atteint de ce trouble alimentaire, le regard est faussé. Et ce qui nous semble à nous monstrueux, à savoir un corps qui n'existe plus que par ses os, est pour la majorité de ces jeunes filles... un objectif à atteindre. En témoignent les réseaux "pro-ana" (pro-anorexiques) qui consistent essentiellement à faire circuler des photos de filles plus maigres les unes que les autres, histoire de se donner du courage pour parvenir à leur ressembler. Je passe sur les recettes abominables pour vomir ou pour ne s'alimenter que le strict minimum qu'on se refile sous le manteau.
Oui ça va choquer, de voir ce corps qui tient plus du squelette que du charnel. Mais pas les bonnes personnes et c'est bien là le problème. C'est comme montrer des images de poumons calcinés par la cigarette à un fumeur invétéré. Neuf fois sur dix - et je parle en connaissance de cause - il va dans un premier temps être paniqué. Puis, comme tout bon fumeur, pour se calmer... il va en griller une. Moi ce qui m'a fait arrêter à chaque fois, c'est de constater que les filles qui ne clopaient pas avaient une bien plus jolie peau que la mienne. Pas l'idée de mourir étouffée. ça, ça m'angoisse et rien ne m'apaise plus dans ces cas là qu'une cigarette.
Dernièrement, je trouve particulièrement obscène - et là ça se voit que je suis juste trop gravement vénère ? - d'utiliser la quasi agonie d'une jeune femme pour VENDRE des fringues. Parce que n'oublions pas que le but premier de cette publicité, c'est celui-ci. Cette fille, actrice de son métier, a failli mourir à plusieurs reprises. Elle le raconte d'ailleurs dans un blog que j'avais repéré bien avant cette pub. Un blog qui lui aussi m'avait profondément troublée parce que je n'avais pas réussi à savoir s'il fallait l'encourager ou non. Parce que j'avais eu la sensation que si on laissait penser à cette jeune femme qu'elle pouvait attirer les regards grace à son état, elle risquerait de ne jamais vouloir le quitter, cet état. L'exhibition est toujours à double tranchant et quelque part, placarder cette femme sur les murs c'est lui faire un cadeau empoisonné. C'est lui signifier qu'elle n'existe qu'à travers sa maladie. Parce que ne nous y trompons pas. C'est uniquement sa maigreur extrème qui fascine. Pas ce qu'elle est intrinsèquement. En gros, on en fait un repoussoir: "Bah, regardez ce que vous risquez de devenir, quelle horreur, surtout resaisissez-vous !".
Bref, cette publicité est pour moi avant tout stigmatisante et paradoxalement fascinante pour toute personne atteinte d'anorexie mentale. Elle satisfait aussi notre instinct voyeur et nourrit donc ce qu'il ya de pas très joli joli en nous. Ben oui, c'est comme ça, quand il y a un accident sur l'autoroute, une partie de nous se réjouit presque du spectacle à venir. C'est moche mais c'est la réalité, ça crée même des "embouteillages de curiosité" qu'il les appelle, Bison. Et bien là, on vient titiller cette partie là de notre cerveau et moi ça ne me plait pas.
Voilà. Tout ça m'amène à cette deuxième info, venue d'Italie aussi. Lors de la "fashion week" de Milan, Elena Miro, marque de prêt à porter pour femmes fortes, a fait défiler des femmes que certains trouveront rondes, d'autres non mais qui, c'est certain, ne ressemblent pas à leurs consoeurs. La preuve ? Elles ont les cuisses qui se touchent et dieu sait que c'est un critère. Parait que les rédactrices de mode n'en revenaient pas dis-donc. Bon il leur en faut peu en même temps. Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé cette image bien plus encourageante pour toutes celles qui parfois ont envie de vomir leur repas pour ne pas avoir à supporter la culpabilité de l'avoir avalé.
Oui, je crois définitivement qu'il est plus constructif de dire: "regardez comme on peut être belle ainsi" que de faire peur en brandissant l'épouvantail de la mort prochaine.
C'est pour cette raison que c'est donc cette image qui illustre ce post.
Edit: J'ai été bien sérieuse n'est-ce pas ? Parfois, il le faut en même temps, non ?
Edit: Il y a un moment déjà j'avais écrit ce petit texte, ces pensées me le rappellent: c'est ici.